L'objectif de l'interview
cognitive est d'obtenir un témoignage rendant compte le plus
correctement possible d'une certaine réalité, autrement dit sans
éléments imaginaires ou inventés. Or on sait que même les témoins
coopératifs ne rapportent pas spontanément tout ce dont ils se
souviennent. Ils trient, ils choisissent, soit parce qu'ils ne sont
pas sûrs (ils doutent de leur acuité visuelle, par exemple) ou
parce qu'ils pensent que l'enquêteur détient déjà l'information
(il y avait une caméra de surveillance) qu'ils considèrent que tel
L'enquêteur écoute donc sans interférer et le témoin est invité
à narrer absolument tout ce qui lui vient à l'esprit, même ce qui
lui semble insignifiant ou sans pertinence.
En fait de psychologie
cognitive, on sait que mentir
sollicite davantage de ressources et d'effort que dire la vérité
: dans le premier cas, il faut inventer et veiller à ne pas se
contredire, dans l'autre il suffit de mobiliser sa mémoire. Se
fondant sur cette constatation, l'enquêteur, qui cherche à
déterminer si un suspect est coupable ou innocent, lui imposera une
surcharge cognitive (comme donner sa version des faits dans l'ordre
chronologique mais à l'envers ou revenir en arrière à partir de la
dernière chose dont ils se souviennent ou de la plus
caractéristique, puis revenir en avant) ou maintiendra un contact
visuel avec le suspect.
Grosso modo (car un
suspect innocent peut cacher quelque chose qui n'a rien à voir avec
les faits en cause) le suspect innocent n'est pas dans le même état
d'esprit que le suspect coupable. Le second recourra à l'évitement
(omission délibérée) et à la dénégation. L'enquêteur utilise
stratégiquement les éléments de preuve dont il dispose.
The context reinstatement
: amener le témoin à se replacer mentalement dans l'environnement
où le crime a eu lieu et à décrire ce qu'il voit.
Principe selon lequel
nous n'aimons pas l'inconnu, les situations nouvelles.
Enfin nous sommes très
égocentriques donc nous rapportons un événement selon notre propre
perspective, l'enquêteur essaie d'amener le témoin à penser
l'événement en se plaçant dans une autre perspective.
Nous savons que nos
souvenirs ne sont pas toujours exacts, mais comment travaille la
mémoire au juste ?
Jacques Landry, le criminologue cité comme à l'origine du PROGREAI est aussi un féru interprète du polygraphe
La question de la vérité ou du mensonge d'un témoignage devant la justice est aussi ancienne que le droit et a donné lieu à d'innombrables controverses forensiques. Les médecins aliénistes se sont interrogés, tout spécialement dans les affaires d'agressions sexuelles, sur le mensonge pathologique, la mythomanie, la folie morale, les fausses auto- et hétéroaccusations, la sincérité de la parole des enfants. Dans la première moitié du xxe siècle, des auteurs comme l'Italien Altavilla, l'Espagnol Mira y Lopez, le Français Gorphe ont écrit des traités entiers consacrés à la psychologie des investigations et des procès criminels, à la critique des auditions devant les enquêteurs, aux écarts entre la vérité psychologique et la vérité judiciaire, aux méthodes pour découvrir mensonge et fabulation. Les auteurs actuels (Vrij, St-Yves et Landry) classent les procédés pratiques et expérimentaux pour détecter le mensonge en trois catégories : 1) L'observation des comportements non verbaux et paralinguistiques du déclarant ; 2) L'analyse du discours à la recherche d'indices permettant d'évaluer la crédibilité de la déposition ; 3) La mesure technique des indices physiologiques liés à l'émotion qui accompagne le mensonge (polygraphie, analyse de la voix, électroencéphalographie avec potentiels évoqués). En l'absence de preuves concrètes, lorsque l'accusation ne repose que sur la parole de la victime présumée, l'intime conviction du juge (certitude raisonnée) est le seul élément lui permettant de juger le suspect. Les expertises psychologiques et psychiatriques concernant la personnalité du prévenu et la crédibilité de la « victime » risquent alors de jouer un rôle essentiel dans la décision du tribunal correctionnel ou de la cour d'assises. En l'état actuel de la pratique judiciaire, l'expert « psy » ne doit en aucun cas se prononcer sur la réalité des faits ni se substituer au juge pour décider de la vérité judiciaire.
D’abord « Le policier établit le contact initial en faisant preuve de respect et en le remerciant de sa collaboration », puis « pose des questions au suspect qui l’invitent à parler de lui » sans lien avec l’objet de la convocation, juste pour l’amener à « se détendre ». Enfin il précise ses questions vers l’objet du délit pour « inciter le suspect à fournir sa version des faits », le déstabilise en lui présentant « certains éléments de preuve à son encontre », le laisse cogiter en quittant la pièce, puis revient en lui « résumant son analyse de la situation »
et en l’incitant à l’aveu à l’aide de quelques petites phrases qui
laissent imaginer que la sanction sera bien moindre s’il se met à table.
D’abord le good-cop qui te comprend et s’intéresse à toi puis le
bad-cop qui te « ramène à la raison » en jouant avec tes nerfs. Rien de
bien révolutionnaire au fond, on y retrouve les vieilles recettes de
l’inspecteur familier et roublard du Quai des Orfèvres saupoudrées de
théories comportementales.
Et c’est bien ça qui fait la différence au final, une procédure
finement menée en fonction de la grille comportementale de profils
psychologiques, déterminés par une étude sérielle des interrogatoires de
police. Si vous correspondez à tel profil introverti et craintif, alors
il faut vous rassurer et vous congratuler. Si vous correspondez à tel
profil bavard ou vantard, alors il faut vous flatter et vous faire
causer, si vous êtes mutique et obstiné à résister, alors il faut vous
stresser, vous faire peur et vous déstabiliser, etc. Et derrière, on
enregistre la vidéo pour la visionner entre deux auditions, on ne
s’encombre pas forcément en prenant des notes par soi-même sur un
ordinateur trop souvent réfractaire, mais en se faisant assister par une
personne en retrait qui avec le recul propice à l’observation remplit
des grilles de critères psychologiques qui dessinent progressivement les
probabilités d’aboutir à des aveux ou à déceler des mensonges.
L’expérience de Stanley Milgram démontre à quel point une figure d’autorité peut influencer nos actions et nos décisions, y compris lorsqu’il s’agit d’infliger des souffrances physiques à un inconnu, simplement parce que l’individu bénéficiant du statut d’autorité nous le demande. Et ce phénomène de soumission sociale existe également dans notre problématique. Notre comportement d’évaluateur influence le comportement du sujet évalué. C’est ce que l’on appelle l’effet Pygmalion, ou l’effet Rosenthal. En substance, ce biais explique qu’un comportement encourageant et bienveillant de la figure d’autorité aura pour conséquence de favoriser les capacités cognitives et émotionnelles du sujet, là où un comportement dénigrant et malveillant engendrera une diminution de ces mêmes capacités.
La question de la vérité ou du mensonge d'un témoignage devant la justice est aussi ancienne que le droit et a donné lieu à d'innombrables controverses forensiques. Les médecins aliénistes se sont interrogés, tout spécialement dans les affaires d'agressions sexuelles, sur le mensonge pathologique, la mythomanie, la folie morale, les fausses auto- et hétéroaccusations, la sincérité de la parole des enfants. Dans la première moitié du xxe siècle, des auteurs comme l'Italien Altavilla, l'Espagnol Mira y Lopez, le Français Gorphe ont écrit des traités entiers consacrés à la psychologie des investigations et des procès criminels, à la critique des auditions devant les enquêteurs, aux écarts entre la vérité psychologique et la vérité judiciaire, aux méthodes pour découvrir mensonge et fabulation. Les auteurs actuels (Vrij, St-Yves et Landry) classent les procédés pratiques et expérimentaux pour détecter le mensonge en trois catégories : 1) L'observation des comportements non verbaux et paralinguistiques du déclarant ; 2) L'analyse du discours à la recherche d'indices permettant d'évaluer la crédibilité de la déposition ; 3) La mesure technique des indices physiologiques liés à l'émotion qui accompagne le mensonge (polygraphie, analyse de la voix, électroencéphalographie avec potentiels évoqués). En l'absence de preuves concrètes, lorsque l'accusation ne repose que sur la parole de la victime présumée, l'intime conviction du juge (certitude raisonnée) est le seul élément lui permettant de juger le suspect. Les expertises psychologiques et psychiatriques concernant la personnalité du prévenu et la crédibilité de la « victime » risquent alors de jouer un rôle essentiel dans la décision du tribunal correctionnel ou de la cour d'assises. En l'état actuel de la pratique judiciaire, l'expert « psy » ne doit en aucun cas se prononcer sur la réalité des faits ni se substituer au juge pour décider de la vérité judiciaire.