Raisonnement (types de)
Rasoir d'Ockham
Rationalité vs Croyance
Ravisseur (Drôle de)
Reality Show et Téléréalité
Recherche
Recherche (périmètre de)
Récit et Mise en
Récompense vs Rançon
Reconstitution (motifs)
Référé (Action en)
Référence
Rejet de ce qui dérange
Relecture et cold case
Religion
Répétition
Réputation
Répondre (droit de ne pas)
Responsabilité (parentale)
Rêve (de KMC)
Rondes (de la nuit du 3 mai)
Rumeur
Rhétorique
Raisonnement (types de)
-
Le raisonnement inductif : il part d’observations particulières
pour aboutir à une conclusion de portée générale, il part de faits en apparence non connexes ou insignifiants,
de témoignages, de déclarations des protagonistes, pour en tirer
une loi générale qui les relie entre eux et les explique.
Le terme
zadiguisme provient du roman «Zadig» où, dans le troisième
chapitre, Voltaire raconte l'aventure de Zadig qui est emprisonné
parce qu'il a réussi à décrire le cheval de la reine et sa petite
chienne sans les avoir vus, en observant les traces que ces animaux
ont laissées dans la poussière.
-
Le raisonnement déductif : il part d’une idée ou d'un principe général pour en
déduire des propositions ou applications particulières.
-
Le raisonnement par analogie : il procède à une comparaison avant
d’aboutir à une conclusion.
-
Le raisonnement par l’absurde : il imagine les conséquences
absurdes d’une idée pour la réfuter.
-
Le raisonnement critique : il consiste à contester une opinion
adverse
-
Le raisonnement dialectique : il consiste à peser les arguments
favorables ou défavorables à une thèse.
- Le
raisonnement concessif : il consiste à admettre en partie des
arguments de la thèse adverse et à leur opposer d’autres
arguments.
Le
raisonnement inductif est la forme de tous les arguments qui
démontrent qu'une conclusion découle vraisemblablement des
prémisses. On peut considérer que le raisonnement abductif est la
forme des arguments qui commencent par un ensemble de preuves, puis
choisissent une hypothèse censée leur convenir le mieux possible.
Peirce
disait que le
but du raisonnement est de découvrir par l’examen de ce qu’on
sait déjà, quelque autre chose qu’on ne sait pas encore.
Aussi, la validité du raisonnement est une question de fait et non
simplement d’idée. Il réfute trois approches
scientifiques en raison de leur incapacité à
supprimer le doute. Au sens peircien, ces méthodes
ne produisent pas de croyances, c’est-à-dire des connaissances
faillibles,
puisque l’on y décèle un mépris pour l’expérience.
1) - La méthode de la ténacité exprime
l’idée qu’un individu peut détourner sa pensée de toute
inférence qui pourrait le faire changer d’opinion et s’obstiner
à la conserver en tant que croyance. Cette méthode
fixe l’opinion sur la base d’une volonté immuable d’y
croire .
2) - La méthode de l’autorité attribue à une
opinion une immense supériorité intellectuelle et morale, si elle est émise par une institution prestigieuse ou par un
individu socialement reconnu compétent en la matière. Cette méthode impose à une collectivité une opinion.
Or, le danger est qu’elle peut avoir pour effet la fixité de la croyance
individuelle, une
forme d’esclavage intellectuel.
3) - Enfin, en
parlant de la philosophie métaphysique, Peirce souligne que des propositions fondamentales ont été acceptées
parce qu’elles paraissaient agréables à la raison, sans s'accorder avec l’expérience et le
réel.
Rasoir d'OckhamPourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?
Le principe de parcimonie est le modèle mental selon lequel les hypothèses suffisantes les plus simples sont les plus vraisemblables. L'hypothèse qui explique le plus simplement les choses a beaucoup de chances d'être la bonne. En tout c'est celle qu'il est sage de considérer en premier lieu.
On
prête au franciscain Guillaume d'Ockham l'idée que, face à
plusieurs explications possibles et concurrentes, celle qui fait le
moins appel à des suppositions, a des chances d'être la bonne. Ce
principe, dénommé "rasoir" parce qu'il permet d'éliminer les
hypothèses improbables, ne prône pas la
solution la plus courte, ni l'explication la plus simple.
On retrouve le principe de parcimonie chez Albert Einstein Tout devrait être rendu aussi simple que possible mais pas plus, Léonard de Vinci La simplicité est la sophistication suprême ou encore Isaac Newton La vérité se trouve dans la simplicité, et non dans la multiplicité et la confusion des choses.
Pour
appliquer le "rasoir d'Ockham", il faut déterminer combien
d'hypothèses et de conditions sont nécessaires pour que chacune des
explications soit correcte. Une explication qui exige des hypothèses
ou conditions supplémentaires demande des éléments de preuve
proportionnels à la force de l'affirmation. Les affirmations
extraordinaires exigent des éléments de preuve extraordinaires.
La
« simplicité » dont il est question ici ne signifie pas
que l'hypothèse la plus simpliste, la plus évidente ou la plus
conventionnelle est forcément la bonne. Le rasoir ne prétend pas
désigner quelle hypothèse est vraie, il indique seulement laquelle
devrait être considérée en premier
1. les
hypothèses suffisantes les plus simples sont les plus
vraisemblables ».
Rationalité vs CroyanceGérald Bronner prône un nouveau discours de la
méthode afin de contrer les obscurantismes contemporains à l'heure des vérités
frelatées, des manipulations de l'information, des théories échevelées et de la tyrannie des
opinions personnelles.
Les flambées
d'irrationalité ne sont évidemment pas nouvelles. Le combat
rationaliste pouvait même sembler d'arrière-garde avec la
sécularisation, l'augmentation du niveau d'études... Mais la
dérégulation du marché de l'information est arrivée. Ce
phénomène historique majeur a donné un avantage systématique à
la crédulité sur la rationalité. Dans notre temps d'occupation
de cerveau, cette dernière a perdu beaucoup de ses parts de marché.
C'est la première fois dans l'histoire de l'humanité que toutes les
propositions intellectuelles sur le réel, toutes les représentations
du monde, se trouvent en concurrence frontale. Aujourd'hui, le
détenteur d'un compte Facebook peut contredire un membre de
l'Académie de médecine. Certes, on fait encore la différence entre
un expert et un internaute lambda, mais cette concurrence engendre
une baisse de notre vigilance intellectuelle.
L'être humain peut
croire une information parce qu'il a envie qu'elle soit vraie. S'il a
à portée de main des arguments qui vont dans son sens, ce que lui
offre Internet, il ne va pas chercher plus loin. Les
intuitions fautives de notre cerveau peuvent ainsi butiner sans
hiérarchie dans toutes les propositions mises en concurrence.
Ce ne sont pas les
propositions les mieux argumentées qui l'emportent, en effet, mais
celles qui sont les plus subjectivement satisfaisantes.
L'internaute va vers les informations qui confortent ses croyances. Penser que la Terre est ronde ou
qu'elle tourne autour du soleil à une vitesse moyenne de 106 000
kilomètres/heure est parfaitement contre-intuitif. Des milliers de gens font désormais sécession avec la raison et
produisent leurs propres données en vue de créer une autre réalité.
Ce phénomène est un défi qui traverse les démocraties. Défendre
la rationalité, c'est défendre un monde intellectuel commun.
Chacun a droit à la rationalité. Il y a une forme de mépris
social à enfermer les gens dans leurs erreurs en considérant qu'ils
ont un "ressenti" à prendre en compte tel quel. La
dérégulation du marché de l'information place nos démocraties à
un moment carrefour de leur histoire : elles doivent faire des choix
intellectuels, qui conditionneront leur nature.
Le monde rationaliste est
en plein renouveau, mais il doit se coordonner et ne pas verser dans
l'idéologie.
Contraints par l'urgence, les médias contactent des interlocuteurs
pas toujours compétents.
La première chose à
faire est de s'interroger soi-même : pourquoi a-t-on envie que
telle information soit vraie ? A-t-on utilisé les bonnes
sources, a-t-on conservé sa vigilance intellectuelle ? Quels sont
les arguments contradictoires ? Et, face à autrui, on doit
partir du principe de charité ou
de l'interprétation charitable - la
formule est du philosophe américain Donald Davidson : considérer
que l'autre croit ce qu'il croit non parce qu'il est bête, mais
parce qu'il a des raisons de le faire. On demande à son
interlocuteur d'exposer ses arguments pour y déceler d'éventuelles
erreurs. On ne discute pas sur le fond, mais du processus de
raisonnement.
Le rationalisme
n'interdit nullement de porter un regard poétique sur le monde. Il
propose de libérer l'individu de toute aliénation mentale. Mais il manque à la rationalité une narration qui
lui donne un souffle. La défense de la rationalité est la
grande aventure intellectuelle de notre temps.
Ravisseur (Drôle de)
Non seulement il n'a pas effacé ses traces, mais il en aurait créé de fausses.. Il aurait pris la peine et le temps d'ouvrir de l'intérieur les persiennes et la fenêtre simplement pour créer un red herring, un faux-fuyant.
Pourquoi un ravisseur prendrait-il le risque, en ouvrant (nécessairement bruyamment) les rideaux, la fenêtre (nécessairement courant d'air) et le contrevent (nécessairement une certaine clarté) de réveiller deux enfants ? Pour que la police, apprenant qu'avaient été trouvés ouverts un contrevent et une fenêtre, pense qu'il était passé par là (quid de la police scientifique ?) alors que la porte, à deux mètres, donnait sur le même corridor extérieur ?
Le scénario où il s'agit de donner l'impression que la fenêtre et le contrevent ont été forcés pour entrer et/ou sortir afin que la police pense qu'aucune clef n'a été utilisée ne tient pas puisque l'entrée par effraction du contrevent est éliminé par la police scientifique et puisque la porte-fenêtre n'était pas fermée. L'hypothèse de red herring est grotesque.
Certes les persiennes/fenêtre ont un effet psychologique énorme. Elles semblent désigner l'intrusion d'un tiers inconnu n'étant pas un moyen d'accès naturel.
Plus il y a de complices (quelqu'un aurait fourni un double de la clef ?), plus les chances de résoudre le crime augmentent exponentiellement.
Le fait que cette affaire n'a pas été résolue, en dépit des moyens massifs engagés, indique qu'il n'y avait pas de complice.
Pourquoi un ravisseur, qui porte un enfant sur ses bras étendus, ferait-il l'effort de fermer la porte derrière lui ?
Il a disparu cette nuit-là, tout comme Madeleine, sans laisser de traces.
Reality Show et Téléréalité
Le reality show (ou télévérité) est un type d'émission de télévision construit autour d'un documentaire et d'un débat, montrant des individus ordinaires saisis dans leur vie privée et professionnelle quotidienne. Il doit son émergence au reportage lié au fait-divers par opposition à la fiction, l'idée est de montrer des "vrais gens" en situation (tout en
donnant parfois l'illusion qu'ils sont surpris d'être filmés) et non des acteurs.
Mais l'ambiguïté règne dès le départ : il faut bien monter les séquences
d'images captées par la caméra et donc mettre en scène. La vérité se limite au point de vue.
Il ne faut pas confondre ce format avec les émissions dites de téléréalité (incluses dans un genre plus large chez les Anglo-saxons appelé « reality TV »). Par ailleurs, les Anglo-saxons regroupent reality show et reality TV en une même famille appelée « reality ».
Il faut cependant distinguer d'un
côté la télévérité qui inclut des documentaires sans
personnalités et de l'autre la téléréalité qui emprunte aux jeux
télévisuels et à la fiction en mêlant dans des situations reconstituées, personnalités et inconnus, ces derniers devenant
progressivement à leur tour des gens connus, puisque tel est l'objectif
premier de ces émissions.
La téléréalité ou télé-réalité est un genre télévisuel dont le principe est de suivre, le plus souvent sur le mode du feuilleton et par le biais de la fiction
la vie quotidienne d'anonymes ou de célébrités sélectionnées pour
participer à une émission télévisuelle. Les émissions de téléréalité
empruntent souvent des idées à d'autres genres télévisuels tels que le documentaire, les variétés, la série.
Recherche
Les MC
reprochent à la PJ de ne pas suivre "leurs" pistes, sans
indiquer de quoi il s'agit et en insinuant que la PJ pourrait avoir peur de trouver Madeleine vivante, ce qui serait embarrassant pour les théories échafaudées.
Quand on a égaré une chose à laquelle on tient énormément, on la cherche. Que fait-on si on sait que la chose n'est pas égarée mais on veut le faire croire ? On cherche, autrement dit on adopte le comportement de quelqu'un qui a vraiment perdu une chose. Force est de conclure que les MC, qui veulent convaincre de leur innocence,
ont adopté la seule attitude plausible, bien qu'ils n'ont jamais cherché eux-mêmes, mais fait chercher. Operation Grange, en ce sens, a été pour eux un soulagement, car il est pénible de lancer des détectives sur une quête sans objet.
Aucune photo
d'enfant n'ayant été autant et aussi longtemps répandue sur la
planète, il est difficile de croire que Madeleine puisse être si
bien cachée pendant si longtemps sans éveiller l'attention.La force des
MC hyperprésents sur le devant de la scène médiatique est que nul ne songerait à les blâmer de ne pas clamer sur tous les toits que leur fille manque à l'appel. Le problème est leur opinion, l'enlèvement, qu'ils espèrent ainsi faire passer pour un fait.
Leur faiblesse, devenue évidente après
des années, compte tenu de l'arrêt des campagnes de poudre aux yeux,
c'est que les MC n'ont jamais personnellement cherché. Ils ont, dès
la première heure, délégué cette fonction à d'autres et en
particulier au public en général. À qui s'en étonnait, ils ont
répondu "Chercher ? Nous avons travaillé très dur" a répondu KMC ) Jane
Hill (BBC).
Recherche (périmètre de)
Aucun signe de la fillette n'ayant été trouvé au cours des deux premiers jours dans les zones
fouillées, étendre le périmètre des fouilles s'imposait. À partir du troisième jour l'hypothèse selon
laquelle la fillette aurait pu être kidnappée par quelqu'un a été
considérée et le mode opératoire a été modifié, la recherche visant une fille
«vivante ou morte» (la deuxième possibilité étant la plus
probable), abandonnée ou séquestrée quelque part par un ravisseur.
Récit et Mise en
Le récit, c'est ce que les anglo-saxons appellent "narrative". une forme littéraire
consistant en la mise dans un ordre arbitraire et spécifique des faits
d’une histoire. Pour une même histoire, différents récits sont donc
possibles. On commence un récit avec une intention, celle d'écarter à tout prix, au prix d'un mensonge, les reproches et le doute sur son irréprochabilité, et ce récit prend trop bien, rapidement prend une magnitude incontrôlable, il devient impossible de nager à contre-courant, c'est la fuite en avant. Comme dans l'apprenti-sorcier.
Le récit s'oppose à l'histoire, qui est parfois définie comme la
succession chronologique de faits se rapportant à un sujet donné. Le récit
se délivre sans explications, son interprétation est laissée à la liberté
de chaque auditeur, qui peut le reprendre comme il le souhaite. Le
récit, comme une graine, est apte à germer quand les conditions sont réunies et pendant un certain temps, à ce titre il est capable de transmettre une expérience. Mais pour Walter Benjamin la grande crainte est le développement de l'information, chargée d'explications, qui se ferme sur elle-même. 2
La mise en récit de théories contribue à rendre celles-ci plus crédibles. Une affirmation est en effet
évaluée beaucoup plus positivement lorsqu'elle est scénarisée, et encore
plus lorsque son ressort est l'effet de dévoilement, c'est-à-dire
lorsque le récit s'achemine vers la cohérence d'éléments intrigants qui
paraissaient disparates jusque-là. La manipulabilité des croyances fondée sur le récit est appelée « effet Othello »
Récompense
Cette question n'a jamais été très claire.
Il semble que de l'argent a été offert spontanément de l'argent sans aucune publicité. À quoi sert l'offre de récompense si on n'en parle pas ?
Selon Kate MC (M*), on leur aurait dit qu'une récompense mettrait la tête de Madeleine
à prix.
"Hugh" de Control Risks leur aurait conseillé de ne pas mentionner de récompense car elle "mettrait un prix sur la tête de Madeleine". Pourquoi une
récompense "mettrait-elle un prix" sur la tête de Madeleine, pas sur celle du ravisseur ?
La récompense xiste-t-elle encore ? Si quelqu'un “out
there” sait quelque chose, il est fort à parier qu'il ne s'agit
pas d'un honnête citoyen et que sans appât du gain il ne bougera
pas. On voit mal ce qu'il y a à perdre à offrir une récompense.
Puisque l'argent, beaucoup d'argent, a été offert..
Reconstitution (motifsLa PJ
a demandé une reconstitution en raison d'incohérences dans les dépositions qui ne laissaient guère de possibilité
d'enlèvement.
La
confusion de Gerald McCann dans sa première déclaration (faite 13
heures après la disparition de sa fille, il aurait donc dû se
rappeler) sur la façon dont Kate et lui sont entrés dans
l'appartement respectivement vers 21h et vers 22h (porte d'entrée
avec clé ou porte patio déverrouillée).
Qui aurait-eu l'audace de
s'approcher de l'appartement avec tous ces gens qui allaient et
venaient ?
Ils
disent qu'étant les parents de MMC ils ne peuvent abandonner, qu'ils n'abandonneront jamais, et tout le monde
comprend, mais jamais, jamais ils ne disent
qu'ils espèrent qu'on va retrouver leur fille.
Les
TP7 disaient vouloir tout faire pour aider à retrouver Madeleine,
mais le "tout" était sélectif. Aucun d'eux n'a dit "Rien
ne m'empêchera d'aider la police à investiguer un crime commis
contre une petite fille, à la trouver et à arrêter ceux qui l'ont
enlevée.
Tous
ont craint ou feint de craindre que, s'ils revenaient au Portugal et coopéraient avec la
police ils seraient impliqués dans la disparition de MMC.
Il s’agit généralement d’un acte d’instruction
qui consiste à mimer le crime un peu comme on le ferait au théâtre. Le
juge se transforme alors en metteur en scène. Parfois, victimes, témoins
ou suspects jouent leur propre rôle. À défaut, on prend des figurants.
Et par commodité, ou pour limiter les frais, on les choisit parmi les
policiers ou les gendarmes.
La reconstitution est un acte important de l’enquête judiciaire,
car elle permet de visualiser la scène et notamment de mettre en
évidence des impossibilités matérielles. Et c’est un acte objectif qui
peut servir autant l’accusation que la défense.
La reconstitution est avant tout un acte de transport qui permet aux acteurs principaux de la procédure de se (re)mettre en situation sur les lieux de l’infraction, ou dans des conditions équivalentes.
Rarement un acte de la procédure d’une importance aussi déterminante pour l’établissement des faits est aussi peu évoqué dans le Code de procédure pénale. Sa mise en œuvre nécessite une minutieuse préparation et une bonne maîtrise, c'est un acte majeur de l’instruction, une occasion incomparable de clarification utile à la manifestation de la vérité, au plus près de l’événement, de réminiscence des souvenirs dans des conditions favorisant la discussion de leur pertinence ou de leur plausibilité. La reconstitution est aussi parfois un élément clef des opérations d’expertise. Elle peut les alimenter ou permettre une restitution, elle peut aussi suggérer de nouvelles pistes d’investigations. C’est encore un acte de constatations immédiates ou de support à la formulation ultérieure de constatations pouvant s’enrichir de l’énonciation d’hypothèses, de déductions et de conclusions sur des éléments matériels de la procédure. La mise sur pied d’une opération de reconstitution est un processus complexe exigeant une vraie mise en scène. En pratique, les lieux doivent se trouver dans l’état le plus proche de celui correspondant aux faits instruits. Ils doivent ensuite être sécurisés (interruption de la circulation, périmètre de sécurité, protection physique des acteurs susceptibles d’être menacés ou placés en situation périlleuse, etc.) accessibles, adéquatement éclairés, dotés de moyens de communication permettant de transmettre des instructions sur les actes à réaliser. Il convient de gérer la présence et la participation des différents acteurs actifs ou passifs et au besoin de disposer de figurants pouvant tenir la place des protagonistes absents (décédés, en fuite) ou non coopérants, en re-cherchant le concours de personnes présentant les caractéristiques anthropométriques les plus proches (notamment la taille et le poids). Il peut être précieux de s’assurer de la présence des agents ayant procédé aux constatations initiales, de même que celle des fonctionnaires d’administration ayant pu être appelés à diligenter une enquête administrative (inspection du travail, inspection des affaires sanitaires et sociales, bureau en-quête accident, etc.). La présence des experts est naturellement indispensable, que ce soit ceux qui sont intervenus à la procédure tout comme ceux qui sont désignés en vue d’apporter leur éclairage sur un aspect technique (balistique, automobile, aéronautique, médecin-légiste, etc.). La fixation des opérations de reconstitution doit également amener à envisager non seulement la réalisation de clichés photographiques, de plans à l’échelle, mais également d’un enregistrement vidéo qui, s’il peut présenter des difficultés d’exploitation, constitue toujours un moyen d’illustrer précisément le déroulement des faits.
La structuration d’une reconstitution ne correspond pas nécessairement à la chronologie des faits. Ainsi, il peut être plus approprié de partir d’une situation finale figée par les constatations des enquêteurs pour remonter le fil des événements. À l’inverse, la mise en situation neutre des acteurs peut conduire, sous la forme d’une maïeutique judiciaire, à faire remonter des souvenirs et mieux restituer le déroulement des faits. De la même manière on peut inviter chaque personne impliquée à répéter dans un ordre chronologique séquencé les gestes accomplis au moment des faits.
Référé (Action en)
Comment
peut-on jauger si un livre a empêché des témoins de se manifester
? Le fait que personne ne se présente avec un indice pouvant mener à
Madeleine prouve-t-il que le livre est un empêcheur de se présenter
en rond ou que personne ne détient un tel indice ?
D. Edgar,
le dernier détective privé engagé par les MC, croit que Madeleine se trouve dans une tanière perdue au milieu
d'une étendue sauvage dans un rayon d'une quinzaine de km de PdL.
Une telle position convainc plus sûrement que le
mystère est pratiquement résolu plutôt qu'elle n'incite à libérer
sa conscience. En tout cas le reste de la planète, se le tenant pour
dit, devrait logiquement cesser d'apercevoir Madeleine MC partout. Or
il n'en est rien et chaque nouveau portrait-robot publié déclenche
une cascade d'appels. Comment les MC savent-ils que ces appels
proviennent de gens qui n'ont pas lu le livre de GA ? Quelqu'un
découvrant, par hasard, un indice d'existence de Madeleine quelque part se tairait-il uniquement
parce que le livre de GA envisage la mort de l'enfant comme probable?
Le premier référé
contre le livre " A verdade da mentira " de Gonçalo Amaral,
publié en juillet 2008, est entamé en mai 2009, mais rejeté car l'action se veut en diffamation mais celle-ci n'est pas prouvée. Un second référé est déposé en septembre 2009, l'action principale visant dès lors à obtenir des dommages. Les MC demandent 1 million de £ de dommages
(430 mille pour M qui alimenteront le fond de recherche ; 215 mille
pour chaque parent en raison de " l’anxiété permanente,
l’insomnie, le manque d’appétit, l‘irritabilité et la
peur indéfinissable " suscités par le livre ; 86 mille
pour chacun des jumeaux qui ont entendu les allégations à la
rentrée à l’école).
Profits de GA (selon un
article du 12 juillet 2009 Sunday Mirror)
-- 500 mille sur le livre
dont 180 mille exemplaires ont été vendus au Portugal
-- 430 mille sur les 150
mille exemplaires vendus, certains traduits, au Brésil, en France,
en Allemagne, en Italie, en Espagne et en Hollande
-- 100 mille pour le
documentaire TV vu par un Portugais sur cinq et 75 mille DVD vendus.
Référence
Quand on ne peut fournir de citation ou de référence à propos d'un fait, les chances sont grandes que ce n'en soit pas un. Différentes personnes lisant le même texte peuvent le comprendre différemment, elles peuvent le citer par inadvertance ou le modifier en le paraphrasant. Parfois, les gens déclarent quelque chose comme un fait alors que ce n'est pas le cas. Il est donc important de citer la source.
Rejet de ce qui dérange
Qui accepte de croire ce qui est très dérangeant ? Personne ne veut croire que des parents puissent, même involontairement, faire du mal à leurs enfants, a fortiori s'ils sont médecins. Personne ne veut croire que des gens de la classe moyenne, blancs, privilégiés et professionnellement reconnus puissent faire un choix stupide pour simplement fuir leurs responsabilités. Tout cela va à l'encontre des valeurs auxquelles nous voulons croire.
Il est probable que les parents de Madeleine savent ce qui lui est arrivé. Mais qui croira à une hypothèse qui implique que les parents, sacralisés par la perte (réelle) de leur enfant sont malhonnêtes ? Ils se sont tellement dépensés en représentation d'eux-mêmes sous couvert de rerecherche de Madeleine que toute hypothèse prévaut sur la mise en cause de leur responsabilité. On a tendance à préférer inventer des histoires abracadabrantesques de cambrioleurs effrayés par une petite fille, la tuant ou l'emportant de crainte qu'elle ne les dénonce, parce que, dans ces contes, les parents sont innocents. Peu importe que ces théories soient satisfaisantes ou non pour l'enfant, cette considération est clairement secondaire pour certains. L'autre raison est que les MC sont toujours évoqués par leurs prénoms respectifs, devenus enlacés comme Bonnie and Clyde, Porgy and Bess, ils ne sont jamais appelés "docteur", probablement un "truc de com" pour les rendre plus intimes, familiers et aimables.
It is easier to fool people, than to convince them they have been fooled Mark Twain.
"Je connais la vérité et Dieu connaît la vérité. Rien d'autre n'a d'importance". Bien sûr Kate MC ici suggère qu'elle se sait non coupable du sort de M face au public qui lui reproche d'avoir laissé M seule (probablement parce qu'elle sait bien que M est morte accidentellement et que cela n'a rien à voir le manque de surveillance, du moins directement). Le problème est 1) l'histoire mal racontée d'un prétendu envlèvement et 2) que cette déclaration est une gifle pour la public compassionnel qui a envoyé des sous pour la recherche de M" !
Relecture et cold case
Toutes les enquêtes criminelles ont des failles, d'où la nécessité, lorsqu'une enquête s'enlise, est dans l'impasse et est classée en attente d'un élément nouveau, d'en faire la re-lecture afin de déterminer de nouveaux axes d'enquête qui
auraient pu être négligés ou occultés et ainsi ouvrir de nouvelles
pistes, qui avaient pu apparaître comme secondaires au départ.
Le mot "cold case" est devenu familier depuis la diffusion d'une série américaine où une inspectrice de la police criminelle de
Philadelphie exhume des dossiers criminels classés et non résolus. Il n'existe cependant aucune définition juridique claire de ces
affaires restées sans réponse judiciaire. Ce sont des
dossiers criminels non prescrits et sans mobile apparent sur lesquels l'enquête n'a pas abouti faute de mise en cause formelle d'un auteur présumé. Reste à définir au bout de combien de temps une affaire
criminelle rejoint les rangs des cold cases. Là non plus pas de
définition claire. Mais policiers et gendarmes s'accordent à dire que
si, au bout de quatre ans d'investigations, rien n'a pu être obtenu dans
un dossier, il porte alors le sceau non résolu.
Une révision sert à déterminer quelles erreurs ont été commises, quelles leçons ont été
apprises et quelles informations n'ont pas encore été rassemblées.
Si telle était la motivation, alors ceux
qui appelaient à la révision étaient clairement convaincus que des
erreurs avaient été commises, qu'il y avait des leçons à tirer et
des informations non collectées. Le
résultat souhaité était donc que la re-lecture du dossier mette en
évidence les éventuelles «erreurs» commises, indique les
enseignements à en tirer et mette de l'ordre dans les informations.
Trouver
et mettre en évidence des «erreurs» discréditerait officiellement
l’enquête initiale et son orientation. Les personnes qui avaient demandé la révision avaient peut-être eu raison de croire que leurs
propres forces de police trouveraient effectivement l'enquête
inférieure à la norme. Le discrédit de l'enquête initiale
discréditerait également ses conclusions.
Il est impossible de prédire ce que les autres
pourraient faire ou pourquoi. Il
n'est pas plausible que des gens hypothétiquement coupables
s'évanouissent dans l'obscurité en remerciant leur bonne étoile de
les laisser s'en tirer. Il n'y a guère de coupables qui puissent
vivre en paix, car leur mauvaise
conscience est présente à chaque minute de chaque
jour. Les autres peuvent tout oublier, mais, eux, ils ne le peuvent pas.
Ils vivent chaque jour dans la crainte que quelqu'un détienne une
pièce du jigsaw puzzle qui les incriminera.
Il
y a des années qu'ils vivent ainsi et ils n'en peuvent plus. Ils voudraient que tout le monde reconnaisse leur innocence et
arrête de spéculer sur eux. La re-lecture de l'enquête
originale pouvait travailler pour eux. Elle pouvait démontrer que
les soupçons soulevés par l'enquête étaient sans fondement. Elle
pouvait jeter une lumière sur toutes les erreurs commises et
discréditer une fois pour toutes ceux qui les avaient commises. La
pièce du jigsaw pouvait surgir, mais ils l'ont cherchée eux-mêmes pendant
des années et ne l'ont pas trouvée. Peut-être qu'elle
n'existe pas. C'est un pari sur l'avenir, un coup de poker de demander une re-lecture, mais l'autre
solution était de passer le reste de sa vie à regarder derrière son épaule, être
constamment sur ses gardes, sans pouvoir contrôler la situation.
Sans
la révision, le maîtrise de la situation n'était pas assurée. Les MC ont demandé que les informations détenues
par les deux forces de police fassent l'objet d'une lecture indépendante,
ils n'ont pas demandé d'enquête. Cette initiative a pu être vue comme un bon stratagème de marketing (marketing ploy) – il n'y avait aucune
raison de croire que la demande serait accordée. Il était peu
probable que l'une des forces de police en particulier accepte, car
elle ne s'y tromperait pas, la démarche était une tentative de les discréditer.
Imaginons
que le couple ait écrit un livre sur leur épreuve. Un journal entre
en contact avec eux pour publier les bonnes feuilles. Ils refusent,
mais finissent par accepter quand le propriétaire du journal leur
offre de soutenir leur campagne auprès du ministre de l'intérieur
pour que soit faite une re-lecture du dossier. Le propriétaire du journal
détient maintenant l'exclusivité des bonnes feuilles et un bon atout de marketing. Les ventes devraient grimper. La lettre ouverte
pourrait avoir été l'idée du propriétaire du journal, l'un des
administrateurs aurait persuadé le PM d'accepter d'aider.
Les MC ont dit vouloir une "révision" du dossier, ils voulaient
qu'une entité indépendante, mais officielle (donc financée par des fonds publics) analyse de fond en comble les milliers de pages du dossier d'instruction. L'objectif ultime était, on les comprend, que leur innocence
soit établie sans équivoque ni réserve et, par ailleurs, les pistes révélées soient suivies (par la PJ forcément).
Les moyens financiers de Madeleine's Fund ont beau dépasser tous les moyens dont ont
jamais bénéficié les parents d'un enfant disparu, ils ne sauraient
couvrir les frais d'un organisme indépendant si l'on songe que beaucoup d'argent a été
investi en avocats haut de gamme, les détectives privés, à
rendement égal à zéro, étant plutôt bas de gamme. Pourquoi les MC n'ont-ils pas voulu passer à la phase d'instruction de l'enquête
portugaise, comme ils en avaient
le droit ? Craignaient-ils d'avoir à
répondre à des questions précises, d'être confrontés
à des témoins qui jetteraient un doute sur leur innocence, de se plier, comme tout simple citoyen, à la procédure
démocratique d'une enquête où il n'est pas permis aux gens
susceptibles d'être impliqués dans un crime de s'indigner qu'on puisse les soupçonner et de refuser de répondre ?
Religion (foi)
Beaucoup ont fait confiance aux MC à cause de leur recours très public à leur religion. "Priez pour Madeleine, elle est adorable", répétait la mère face aux caméras, comme si l'attention portée à l'enfant disparue dépendait de sa beauté.
Répétition
"Répéter
un mensonge assez souvent et cela devient la vérité", est un principe de propagande souvent attribué à Joseph Goebbels. Parmi
les psychologues, on parle d'illusion de vérité. Des expériences ont monté qu'on a tendance à estimer que les éléments qu'on a déjà vus
sont plus vrais (qu'ils soient vrais ou non), apparemment pour la
seule raison qu'ils sont plus familiers.
Ici semble se trouver la source du dicton selon lequel un mensonge répété mille fois devient
la vérité. Mais un effet produit en laboratoire n'a pas nécessairement d'impact important sur les croyances réelles des
gens. Si on pouvait vraiment faire en sorte qu'un mensonge, par le seul effet de la répétition, prenne l'apparence d'une vérité, toutes les autres techniques de persuasion deviendraient caduques.
Ce que l'on sait déjà constitue un
obstacle. Même si un mensonge semble
plausible, pourquoi chasserait-il ce qu'on sait du seul fait qu'on l'a entendu à plusieurs reprises?
Les
résultats d'expériences montrent que l’illusion de vérité
fonctionne de manière aussi efficace pour les éléments connus que
pour les éléments inconnus, ce qui suggère que la connaissance
antérieure n’empêche pas la répétition d’influencer nos
jugements de plausibilité.
La
répétition augmente les chances qu'un énoncé soit considéré comme
vrai. Qu'il s'agisse de faits ou de fictions, connus ou inconnus, la
répétition leur donne à tous l'apparence d'être plus crédibles.
Mais
le facteur d'influence majeur est la vérité. L’effet de
répétition ne peut masquer la vérité. Avec ou sans répétition,
les gens sont plus susceptibles de croire les faits réels par
opposition aux mensonges.
Cela
montre quelque chose de fondamental dans la façon dont nous
actualisons nos croyances - la répétition a le pouvoir de rendre
les choses plus vraies, même lorsque notre connaissance dit le
contraire, mais elle ne met pas à bas cette connaissance.
Si
chaque fois que l'on entend quelque chose on l'évaluait par rapport
à tout ce qu'on sait déjà, on n'en finirait pas. Parce que nous
devons former des jugements rapides, nous adoptons des raccourcis -
des heuristiques qui ont raison plus souvent que tort. Se fonder sur
le nombre de fois qu'on a entendu quelque chose pour juger de la
véracité d'une chose n'est qu'une stratégie parmi d'autres.
L'illusion
de vérité n'est pas inéluctable - lorsque nous sommes armés de
connaissances, nous pouvons lui résister.
Si
la répétition était la seule chose qui influence ce que nous
pensons nous serions en difficulté, ce n'est pas le cas. Nous
pouvons tous avoir recours à un raisonnement plus large, mais c'est une
ressource limitée. Notre esprit est en proie à l'illusion de vérité parce que notre instinct est d'utiliser des
raccourcis pour juger de la plausibilité de quelque chose. Souvent
cela fonctionne, parfois, cela trompe.
Une
fois que nous connaissons l’effet, nous pouvons nous en protéger. Il s'agit en partie de vérifier pourquoi nous croyons ce que
nous faisons - si quelque chose semble plausible, c’est parce que
c’est vraiment vrai, ou bien parce qu'on nous l'a répété à plusieurs
reprises? C'est pourquoi les universitaires sont obsédés par les
références – il faut que nous puissions retracer l'origine de
n'importe quelle déclaration, croire est risqué.
Mais
pour nous protéger de l’illusion, il nous incombe également
d’arrêter de répéter des mensonges.
Nous
vivons dans un monde où les faits importent et devraient avoir de
l'importance. Si on répète des choses sans se soucier de vérifier leur véracité, on contribue à créer un monde où mensonge et la vérité sont se confondent
La
répétition rend un fait plus vraisemblable, qu’il le soit ou non.
Comprendre cet effet peut aider à éviter de tomber dans la
propagande, explique le psychologue Tom Stafford.Qu'a-t-on finalement à perdre (hormis la paix de sa conscience
peut-être) plutôt qu'à gagner à répéter sans relâche
qu'on est innocent, car c'est glisser un doute dans l'opinion publique, minuscule au départ mais
qui va grandissant, et on finit par convaincre le public et le public
finit par se méfier de la justice. Pauvres juges, pauvres jurés.
Réputation (qui dit quoi de qui)
Ou comment nous nous voyons vus, comment la réputation influence ce que les autres disent de nous.
Les raisons d'un anonymat prolongé ou
d'une célébrité fulgurante, de la dégradation ou de
l'embellissement de notre image, nous échappent le plus souvent.
Pourtant, la réputation traverse de part en part nos vies. D'un
côté, nous nous soucions tant de l'opinion des autres qu'il nous
arrive de commettre des actes inconsidérés ou déraisonnables dans
le vain espoir d'améliorer l'opinion que les autres ont de nous.
Assurément, la
réputation tient à ce que les autres pensent de nous (ou à ce
qu’on suppute qu’ils pensent), à la façon dont ils nous
évaluent, notre image ressemblant à un gazon où toute "mauvaise
herbe" est arrachée, tâche infinie.
En vérité, écrit
G. Origgi, «nous avons deux ego, deux identités qui conditionnent qui
nous sommes et comment nous agissons» : d’une part notre
subjectivité, «faite de nos expériences proprioceptives, nos
sensations physiques, incarnées dans
notre corps», de l’autre,
justement, la réputation, le moi second, mais non secondaire, qui
intègre «en miroir», dans notre auto-perception, la manière dont
«nous nous voyons vus».
Cette image «déviée et multipliée»
ne dépend pas de nous et échappe au contrôle. Mais ce qu’elle
provoque - la fierté, l’orgueil, la flatterie ou la blessure de
l’amour-propre, l’embarras, la honte, la culpabilité, la haine
de soi… - atteint les profondeurs de la subjectivité et peut
«amener à des actes extrêmes». Aujourd’hui comme
autrefois, « la perception de notre identité se tisse en y
incorporant ce que nous croyons que les autres pensent de nous.
Quelle est donc la texture de ces nuages d’opinions
que chacun convoite, tente de contrôler, subit malgré lui ?
Qu’est-ce qui se joue, pour un sujet, dans cette obsession de
l’idée que se font les autres de ce qu’il est, de ce qu’il
fait, de ce qu’il vaut ?
La réputation, qui n’est rien d’autre qu’« un
amas d’opinions » dont la circulation nous échappe largement, est
un instrument stratégique et parfois destructeur.
La réputation est un second ego qu’il vaut mieux
bien connaître, car c’est une partie entière de l’identité qui
permet de mieux « comprendre qui je suis et pourquoi j’agis. Nous
croyons être l’opinion des autres ou, parfois, ce que nous
voudrions que les autres pensent de nous.
GO analyse l’impact de
la trace sociale de notre image sur nos actions et nos motivations.
Manière de signaler que la réputation travaille nos esprits, jamais
totalement tranquilles lorsqu’on les confronte à l’évaluation
par les autres de nos actes et de nos gestes. Il s’agit au fond pour elle d’expliquer pourquoi
la réputation est si importante dans nos sociétés actuelles,
"comment elle circule et se transforme", et comment "elle
influence ce que les autres disent de nous".
Le moi social, cette "partie de nous qui vit
dans les autres", n’est donc que le résultat d’une
construction permanente de soi, d’une mise en scène de soi dans la
vie quotidienne. Chaque personne est l’acteur de sa propre mise en
scène sur un grand théâtre social ; chacun projette une situation
initiale donnée qui conditionne la façon dont il sera perçu. C’est
d’ailleurs ce qui nous distingue le plus clairement des autres
espèces : "ce regard des autres intériorisés qui nous obsède
en permanence". Cette obsession émerge même à un âge très
précoce, dès le fameux stade du miroir analysé par Freud et ses
disciples.
Mais, comme nous le
savons tous, le contrôle par nous-mêmes de notre double nous
échappe souvent et reste par définition imparfait, voire
impossible. D’où l’angoisse répétée qui accompagne la perte
de la réputation : une "anxiété proustienne concernant notre
statut toujours incertain auprès des autres et l’ambivalence
profonde que ces sentiments provoquent". Notre réputation, "à
la fois familière et étrangère", indexée aux signes que nous
émettons, reste dans les mains du monde social. Ses mains peuvent
être sales autant que magiques, tout dépend du processus de
construction et de développement de cette réputation, autant
stratégique qu’incertaine.
Ce qu’on dit de nous nous confère toujours une
certaine place dans l’espace social. "Etre, c’est pouvoir
être comparé" : c’est dire combien jouer de sa réputation
consiste à jouer avec sa vie ; à ses risques et périls.
La réputation des McCann était déjà passablement abîmée quand fut publié le livre de GA. Pourquoi ? Principalement à cause de leur laxisme quant à la surveillance de très petits enfants laissés seuls dans un appartement ouvert. Ensuite leur mise à distance des médias après les avoir courtisés excessivement. Leur théorie de l'enlèvement sine qua non ne reposant que sur des spéculations dont nul ne voyait la logique. Leur manque apparent d'émotion.
En septembre 2007, quand ils furent faits arguidos, les médias, surpris, furent rétrospectivement horrifiés de ce qu'ils avaient publié, mais le public pas été vraiment surpris.MW étaient
naturellement préoccupé par sa réputation. Il est clair que les
crèches étaient mal gérées, les parents oubliaient de signer, les
nannies complétaient les "trous" en signant à leur place.
Le groupe était également préoccupé par sa réputation. Ils savaient
tous très bien que laisser les enfants seuls à la maison n'est pas
recommandé au Royaume-Uni. Ils étaient donc quelque
peu sur leur garde et faisaient attention à ce qu'ils disaient.
L'enquête portugaise aurait fait plus de dégâts que le livre de G. Amaral si les gens avaient lu les PJFiles au lieu de lire le livre.
Le capital social dépend toujours des autres, des liens que nous tissons avec eux et du fait qu’ils les reconnaissent. Dans l’histoire, comme dans les faits divers, certains ont préféré sacrifier leur vie plutôt que leur réputation.
Chacun projette une situation initiale donnée qui conditionne la façon dont il sera perçu
Chacun perçoit naturellement dans sa propre existence combien sa réputation, produite et véhiculée par de nombreux circuits, forme le cœur de son identité sociale, par-delà les malentendus et les manipulations toujours possibles. La réputation forme ce "puissant système rétroactif de soi sur soi-même qui constitue notre identité sociale et qui intègre dans notre auto-perception comment nous nous voyons vus", écrit l’auteur. Ce double de nous-mêmes, précise-t-elle, "n’est pas créé par la simple réflexion, mais par la réfraction de notre image déviée et multipliée dans le regard des autres".
Le moi social, cette "partie de nous qui vit dans les autres", n’est donc que le résultat d’une construction permanente de soi, d’une mise en scène de soi dans la vie quotidienne, pour reprendre les mots célèbres du sociologue Erving Goffman. Chaque personne est l’acteur de sa propre mise en scène sur un grand théâtre social ; chacun projette une situation initiale donnée qui conditionne la façon dont il sera perçu. C’est d’ailleurs ce qui nous distingue le plus clairement des autres espèces : "ce regard des autres intériorisés qui nous obsède en permanence".
À l’heure où le statut social d’un individu est forcément rehaussé par l’attention que les médias et le web lui portent. La réputation a la valeur d’une "grandeur symbolique", c’est-à-dire d’un signal qui "stabilise ou déstabilise notre identité sociale". De l’âge de l’information, nous sommes ainsi passé à l’âge de la réputation dans lequel "l’information n’aura de valeur que si elle est déjà filtrée, évaluée et notée par les autres". c’est dire combien jouer de sa réputation consiste à jouer avec sa vie ; à ses risques et périls.
Les MC ont endommagé leur réputation
quand ils ont laissé leurs enfants seuls dans cet appartement et ont
dépensé une partie de l'argent de MF pour essayer de redorer leur
blason et pour se dégager de toute responsabilité quant au sort de
leur fille, quel qu'il ait été.
Qu'ils aient été économiques en fait de vérité (de ce qu'ils ont dit qu'était la vérité), même avec les membres de leur famille ou que ceux-ci aient filtré les informations dès le départ, ils n'ont pas d'emblée fait mention de la porte-fenêtre laissée ouverte. Le récit du contrevent/fenêtre forcés et les deux (différentes) lignes de temps indiquent aussi une immédiate gestion de réputation. Rien de cela ne suggère qu'ils aient su ce qui était arrivé à Madeleine, mais révèle peut-être que leur sentiment d'urgence ne se limitait pas à cela.
C'est en raison de leur réputation que les MC insistent sur le fait que Madeleine n'a pas pu quitter l'appartement de son plein gré, malgré le rog de Fiona et bien qu'ils aient laissé leurs enfants dans un appartement dont une porte était entrouverte..
Répondre (droit de ne pas)
L’évitement n’est jamais une bonne
tactique, surtout si votre enfant est porté disparu. Comme elle le
montre par sa réponse à la 49è question de la PJ, après avoir refusé de réponse aux 48 premières, Kate MC était pleinement consciente que
son silence entraverait l'enquête et aurait donc une influence négative sur la recherche de sa fille.
Après tout, s'ils étaient innocents, s'ils n'avaient joué aucun rôle dans la disparition de leur fille,
comment risquaient-ils de s'incriminer par maladresse en répondant à ces questions ?
Kate MC a refusé de
commenter et, ce faisant, a potentiellement rendu plus difficile la
progression de l'enquête.
Responsabilité
parentale
Selon
la tante de Kate MC, Jannet K, les MC prenaient soin de ne pas
laisser leurs enfants pleurer. Mais avec une ronde toutes les
demi-heures ils couraient le risque d'une demi-heure de pleurs.
Il
appartient aux parents de réfléchir et de décider des risques qu’ils sont prêts à prendre en matière de sécurité de leurs enfants.
Les MC n'ont même pas pensé aux risques ordinaires que courent des
enfants laissés seuls. Selon KMC "ils se sentaient tellement en
sécurité" (bien qu'elle se soit inquiétée le 3, à table, du
fait de la porte du patio ouverte). Se sentir en sécurité n'empêche
pas des petits enfants de vomir, de s'étouffer, d'avoir un cauchemar etc.
Rien ne prouve que Madeleine ait été enlevée mais si elle l'avait été sa sécurité ne relèverait pas de la responsabilité du
criminel, mais de celle de ses parents, car si les criminels potentiels réprimaient
leurs penchants, nous n’aurions pas besoin de forces de police pour les mettre hors d'état de nuire.
-- Comment
protéger les enfants de l'enlèvement ?
1.
Rester avec eux.
2.
Verrouiller les portes et les fenêtres.
3.
Payer une baby-sitter.
Si,
malgré ces précautions, un enfant est enlevé, la responsabilité
parentale n'est pas engagée, ils ont fait tout ce que l'on pouvait
attendre d'eux.
-- Comment
faciliter la tâche d'un ravisseur éventuel ?
1.
Laisser les enfants seuls à la maison dans un appartement non
verrouillé.
2.
Raconter que vous les laissez seuls.
3. Faire des rondes toutes les demi-heures.
Si
alors un enfant est enlevé, vous n'avez pas commis de crime, le ravisseur
est le criminel, mais vous n'avez pas pris les précautions raisonnables en matière de protection de vos enfants.
Quand on est cambriolé, le police donne des conseils sur la
manière de rendre votre maison plus sûre. On vous dira que
verrouiller portes et fenêtres est fondamental pour protéger votre
foyer. Les policiers savent bien que le coupable est le cambrioleur, s'ils mettent en garde c'est pour que les cambrioleurs
désistent dorénavant. Police et compagnie d'assurances attendent de vous que vous fassiez
quelque chose pour protéger votre propriété.
Personne ne
s'attend à ce que le cambrioleur désiste de sa tendance à
cambrioler.
On constate souvent que ceux qui ne veulent pas, ne peuvent pas assumer la responsabilité de leurs propres manquements n’éprouvent aucune difficulté à blâmer autrui (comme le f ..... g tosser, le tweedle dum and tweedle dee).
Enlèvement ou non, si les MC avaient dîné dans
leur patio ou sur leur véranda, personne n'aurait rien trouvé à dire.
Rêve de Kate
Le fait que Kate ait rêvé que Madeleine gisait à un certain endroit ne saurait en rien affecter le sort de l'enfant. Quand, à la sortie du tribunal, GMC s'est senti obligé de dénier l'existence de ce rêve, rapporté par Kate à un officier de police sous serment, il n'a fait que lui donner une importance singulière, alors qu'il eût pu se limiter à trouver dérisoire qu'un rêve puisse changer l'orientation d'une enquête. Aussi bien ce n'est pas de cela que Ricardo Paiva témoigna, le rêve de KMC lui donna à entendre que l'idée de la mort de Madeleine cheminait dans son esprit. La PJ explorait évidemment cette piste. Elle ne pouvait exclure de la retrouver morte.
KMC n'a plus jamais parlé de ce rêve ni de la conversation avec Paiva.
Même dans son livre KMC parle du procès, mais ne parle pas de dépositions mal traduites ou erronées. Elle ne suggère même pas que RP mentait quand il a dit à la cour qu'elle lui avait téléphoné une nuit pour lui dire qu'elle avait fait un cauchemar (GMC n'était pas à PdL)... bien que GMC ait déclaré de manière véhémente que c'était faux à la sortie du tribunal.
Le plus étrange n'est pas le rêve en soi, assez facile à concevoir, mais le fait que Kate l'ait raconté à un inspecteur de police. Même si elle était seule (Gerald était parti à Washington la veille), elle ne manquait pas d'amis proches à qui téléphoner. Voici ce qu'elle écrit dans "Madeleine" :
Ce soir j'ai appelé Ricardo Paiva pour lui demander de traduire des lettres pour moi. Il avait l'air étrange, distant, sûrement pas comme d'habitude. Il a évoqué les recherches à venir et dit que (le directeur de la PJ de Faro, Guilhermino) Encarnaçao voulait parler avec nous auparavant. Je me souviens très bien de l'entendre dire que l'enquête avait changé d'orientation. Le rapport de Danie Krugel les avait un peu secoués, m'a-t-il dit.
Kate ne parle d'aucun autre appel à Paiva ni ne mentionne de rêve. "Madeleine" a été écrit bien après l'audience de Lisbonne (janvier 2010), après que Paiva ait rendu public cet appel téléphonique.
Que dit-elle de cette audience ?
Un peu plus tard, Ricardo Paiva est arrivé, il m'a surprise par son calme, bien qu'il se soit contredit pendant sa déposition. Paiva a dit qu'il croyait comme Gonçalo Amaral que Madeleine était morte et que Gerry et moi avions mis en scène un enlèvement.
Elle ne fait aucune allusion au fait qu'il a déclaré devant la cour qu'elle lui avait téléphoné à propos d'un rêve, elle ne dit pas qu'il mentait ni même qu'il avait mal interprété ce qu'elle avait dit. Elle ne dit rien.
Peut-être que Kate n'a pas profité de "Madeleine" pour signaler que RP s'était mépris quant à son appel téléphonique, parce qu'en fait il disait la vérité ?
Rondes (de la nuit du 3 mai)
Le PGR, qui a examiné tous les témoignages et documents composant le dossier, observe que la présence de GMC au sein du groupe TP au moment de l'alerte (et du signalement Smith) n'est attestée que par quelques membres du groupe, les employés du restaurant ne l'ayant pas démentie (n'étant donc pas sûrs qu'il fût là ou non). Une chose est d'affirmer quelque chose, une autre de ne pas l'infirmer.
En réalité, compte tenu des imprécisions horaires il n'est pas possible d'établir où se trouvait GMC quand la famille S a croisé le porteur d'enfant, en d'autres termes GMC n'a pas d'alibi.
Le serveur dit qu'un homme (le premier à l'avoir fait) a quitté la table pendant une quinzaine de minutes, selon sa description et parce qu'il dit que le bifteack de cet homme a dû être réchauffé (en réalité la cuisson avait été suspendue), cet homme est Russell TB. Russell, dans sa déposition, dit qu'il a quitté la table vers 21h25 et qu'il est resté seul dans l'appartement (à s'occuper de sa fille malade) pendant 10 minutes avant que Jane n'arrive pour prendre la relève. Il dit qu'ils sont restés ensemble quelques minutes, puis qu'il est retourné au restaurant manger son plat principal. Il a donc été absent pendant une quinzaine de minutes effectivement.
Quid du second homme, celui qui a quitté la table pendant une demi-heure ? Selon la description du serveur, il s'agit de Matthew Oldfield. Le serveur ne se trompe pas quand il dit que les deux hommes ont quitté la table en même temps. L'un est revenu au bout de 15 minutes (Russell), mais l'autre n'est revenu que juste avant que l'alarme soit déclenchée, à environ 10h. Mis le serveur ne semble pas avoir remarqué que Gerry n'était pas à table quand celui-ci a fait une plus longue ronde que d'habitude vers 21h05/15.. Il n'a pas non plus remarqué l'absence d'une femme à table, bien que Jane soit partie prendre la relève de Russell vers 9h40 et ne soit jamais revenue.
Donc le serveur n'était manifestement pas conscient des mouvements de chacun cette nuit-là (il n'était pas toujours auprès de la table, bien sûr). Toutefois il a eu conscience qu'un homme est parti 15 minutes et un autre 30. Tout incomplet que soit ce témoignage, il fournit cependant une indication qui est en conflit direct avec les versions du groupe quant aux événements de la soirée.
Le serveur remarque deux absences de la table, l'une correspond parfaitement à celle de Russell, mais l'autre absence, confirmée par un autre serveur, correspond à qui ?
GMC, dans ses trois dépositions, avance l'heure de l'alerte significativement de 22h à 22h10 en passant par 22h03 (précision qui en dit long), se créant ainsi un alibi (à supposer que la famille S ait croisé Smithman 2/3 minutes après 22h. Cela est étonnant au vu de ce que dit KMC ("Madeleine") : "Après avoir commandé son repas, Gerry est parti faire la première vérification juste avant 9 h 05 à sa montre". GMC vérifiait donc sa montre et était capable d'être précis jusqu'au détail "juste avant". Et plus loin "évidemment, nous ne voulions pas qu'un de nos enfants se réveille et se demande où nous étions, même pour quelques minutes, et même si les chances que cela se produise semblaient faibles, c'était une préoccupation suffisante pour que nous soyons absolument stricts dans les rondes. C'est la raison pour laquelle Gerry et moi avons pu, par la suite, être aussi précis sur les horaires". Au vu de ces citations, comment comprendre que Gerry ait pu être aussi changeant dans le timing donné à la police ?
Madeleine n'a été vue qu'une seule fois en une heure et demie le soir où elle a disparu d'un appartement non fermé à clef. Ses parents assurent toutefois que ce système était plus sûr qu'une baby-sitter.
Rumeur
Surnommé parfois plus à tort qu'à raison "le plus vieux média du monde", la rumeur ne doit pas
seulement se transmettre de machine en machine : il lui faut
s’introduire dans les cerveaux. Plus que ses qualités propres —
fiabilité et pertinence —, c’est son adéquation au milieu dans
lequel elle évolue qui, d’une divagation, peut faire une
information puissamment relayée. Face à la perte de confiance
vis-à-vis des médias traditionnels, l’opinion publique a fini par
se persuader que la vérité lui est cachée, explique Guillaume Brossard. On ne sait jamais, si
c’était vrai ?
Ainsi,
aux vecteurs classiques de diffusion des pensées — l’instruction,
les médias de masse, la culture, les discussions —,
l’interconnexion entre le cyberespace et la noosphère ajoute un
canal supplémentaire aux caractéristiques inédites : immédiateté,
décentralisation, dimension planétaire. Propriétés particulières
dont découlent quelques effets :
• un
total découplage entre vérité et diffusion : qu’elle soit «
vraie » ou « fausse » n’entrave ni ne facilite la marche d’une
rumeur ;
• un
irrépressible jaillissement d’« informations » douées pour la
reproduction mentale, et la nécessité pour les autres canaux d’«
information » de les analyser, de les valider, de les critiquer ;
• l’impossibilité
de faire parcourir à un « démenti » les mêmes chemins qu’à
l’« information » initiale ; le « démenti » ne pourra
qu’emprunter un autre chemin (tribunaux, campagnes publicitaires
dans la presse, informations télévisées, école...) ;
• le
sentiment d’hébétude qui saisit notre contemporain face au déluge
informationnel.
Les tabloïds comme marchands de rumeurs, de marketing
viral, comme arnaqueurs et officines de propagande. Mais la
rumeur est la créature la plus apte à survivre dans la société
de la communication immédiate.La rumeur joue sur nos peurs et se
nourrit de nos préjugés.
Selon Gérald Bronner, les rumeurs
d'enlèvement relèvent des légendes urbaines, des serpents de mer
de l'imaginaire, qui remontent à très loin. Des récits de rapts
d'enfants par des Juifs se retrouvent dès le XIIe siècle.
Mais comment naissent-elles ?
Beaucoup d'histoires circulent mais
celles qui vont survivre, qui sont mémorisées, seront les plus
horribles. Parce qu'elles attisent notre peur, elles attirent notre
attention. L'enlèvement angoisse parce qu'il est pire que la mort :
on ne sait pas ce que sont devenus les individus.
Aujourd'hui, les Roms sont accusés...
Dans les rumeurs, il y a deux grandes
catégories de coupables : les élites, comme dans l'affaire de
Toulouse, en 2003, où on imaginait un réseau de prostitution et de
pédophilie, et ceux considérés en marge de la société, tels les
Juifs et les Tziganes. Quand on est face à
une énigme, l'épidémie, on puise, pour la résoudre, dans les
stéréotypes sur les marginaux.
Pourquoi croit-on ces histoires ?
Même si pendant l'enquête, les témoignages sont
démontés, entre-temps, ils se sont diffusés. Cela donne des
raisons de devenir déraisonnable. Quand les gens réagissent, ils
croient faire le bien.
Les autorités démentent, la rumeur continue de
circuler
Malgré les différents
démentis des
autorités, ces rumeurs continuent de circuler, aidées par des
réseaux sociaux qui offrent une caisse de résonance aux rumeurs les
plus infondées. Lorsque l’on creuse un peu pour remonter à la
source de ces rumeurs, c’est toujours la même histoire. Les
personnes qui ont relayé ces supposées informations affirment
rarement disposer de preuves concrètes.
Lorsque des rumeurs de kidnapping d’enfants en banlieue
parisienne ont ressurgi au début du mois de mars,
LCI avait interrogé des relayeurs : « Nos
interlocuteurs se ravisent, indiquent tenir leurs informations
“d’amis” qui, eux, auraient vu des choses. Et d’évoquer des
“trafics d’organes derrière ces rapts”. » Dans ce
cas précis, le parquet de Nanterre a affirmé qu’il n’avait été
saisi d’aucune affaire d’enlèvement de ce genre. Comment
expliquer, alors, que malgré les démentis des autorités, ces
rumeurs continuent à être relayées ?
« Les internautes qui diffusent ces rumeurs le font pour
montrer qu’ils sont solidaires et bienveillants, qu’ils font
partie d’une communauté. Au fond, peu importe qu’il y ait eu ou
non une tentative de kidnapping, l’important c’est que les
enfants soient prudents et n’entrent pas dans les voitures
d’étrangers.
Les démentis des autorités, quant à eux,
n’atteignent pas les gens qui relaient car ils ne suivent pas les
bons comptes ou parce qu’ils sont noyés sous tous les messages qui
relaient la rumeur.
Rumeur
La
malveillance emprunte la rumeur parce que c'est un canal discret,
sûr, permanent, efficace, de surcroît gratuit, sans auteur à
payer.
La
parole était d'argent,
mais
la rumeur est de plomb.
C'est
bien plus fort qu'un mensonge
Ça
grossit comme une éponge,
Démentir
et protester,
c'est
encore la propager.
Rumeur
et fama (renommée) vont ensemble pour démolir et honorer
La
nouvelle se diffuse par ruissellement, comme par capillarité.
Mais
quels sont les facteurs qui favorisent la diffusion galopante de la
rumeur, jusqu’à l’établir en un fait durablement installé ?Pour
qu’une rumeur se propage, il faut qu’elle rencontre l’imaginaire
de l’époque – c’est le même phénomène que pour les
fake news, aujourd’hui.
Quand il s’agit de
rumeur ou d'infox, la question des sources et de leur vérification
est primordiale. C’est dans ce sens que face à l’ampleur des
phénomènes de fake news on voit surgir aujourd’hui les sites
de fact checking, c’est-à-dire de vérification des faits.
Les historiens Raymond
Aron et Paul Veyne nous ont appris que l’histoire racontée est le
résultat d’une hypothèse certes vérifiable mais falsifiable, et
que séparer le fait historique de son interprétation est une
entreprise vaine.
Rhétorique
Voir aussi Argumentation