Citation

"Grâce à la liberté dans les communications, des groupes d’hommes de même nature pourront se réunir et fonder des communautés. Les nations seront dépassées" - Friedrich Nietzsche (Fragments posthumes XIII-883)

09 - DÉC - MM Moment et belle échappée




Madeleine McCann Moment

Où l'on voit que la disparition de Madeleine McCann fit école et que l'effet Madeleine McCann n'est pas un vain mot, bien qu'il puisse recouvrir des réalités bien différentes.


Fin Décembre 2009, dans le centre de Cardiff, un homme aperçut une BMW noire arrêtée, moteur en marche, personne à l'intérieur. Du moins le crut-il.
On sait que l'occasion fait le larron. L'homme s'installa au volant et s'en alla, sous les yeux horrifiés de la propriétaire de la voiture qui sortait de la crèche avec sa petite fille dans les bras.


L'horreur toutefois n'était pas de voir s'en aller sa voiture, l'horreur était incommensurable car  un bébé dormait sur la banquette arrière.
Pas une seconde ne traversa l'esprit de cette mère affolée l'idée que le voleur ne voulait pas le bébé, qu'il n'était pas un pédophile et que ce n'était pas un enlèvement.
Pas une seconde elle ne songea qu'il pouvait s'intéresser à ce qui n'avait aucune importance pour elle : l'auto et les objets se trouvant à l'intérieur,
J'ai cru que je ne reverrais jamais mon enfant, j'ai eu un atroce sentiment de culpabilité, je n'arrivais pas à croire que j'avais fait ça à mon bébé.
70 minutes, des douzaines de policiers et un hélicoptère plus tard l'auto fut retrouvée avec le bébé sain et sauf.
La plus longue heure de ma vie, un moment Madeleine McCann.
Le voleur, entendant un bruit derrière son dos, s'était arrêté, retourné et, presque aussi horrifié que la mère, avait fui aussi vite que ses jambes le lui permettaient.
Quand on m'a dit qu'on avait retrouvé mon bébé, j'étais extatique
Le juge ne semble pas avoir cru à la désolation du voleur.
Ce que vous avez fait a mis la mère de l'enfant dans un état effroyable. Elle a immédiatement été hantée par la fameuse disparition de Madeleine McCann.
Le voleur, paniqué, n'avait pas essayé de contacter anonymement les services d'urgence. 
Trente-quatre mois.

Dans ce fait-divers une mère est épouvantée d'avoir par distraction ou irréflexion, commis l'irréparable : mettre en danger son enfant, un être dont la survie dépend totalement d'elle.
 Cette jeune mère et le juge songent évidemment au moment où Kate MC a à la fois découvert que Madeleine n'était plus là et n'a pas douté qu'on l'avait prise. Il serait peut-être plus juste d'appeler ce moment un Kate McCann moment
Car  on ne sait rien de Madeleine, si ce n'est qu'elle a disparu. On ne peut que spéculer sur la manière dont, si elle a été enlevée, elle a vécu ce moment-là.

On aurait aimé que l'effet Madeleine McCann soit positif et exhorte les parents à ne jamais laisser leurs enfants sans surveillance, non pas par peur d'un ravisseur, pâle figure du loup paré de toutes les terreurs ancestrales, mais parce que les enfants ne sont jamais à court d'idées et d'initiatives et n'ont aucun sens du danger.

Dans un autre fait-divers, l'avocat d'une mère qui, étant sortie en laissant son enfant endormi, avait eu un accident de voiture, a fait valoir que cette mère s'était absentée pendant moins longtemps que les parents de Madeleine McCann, qui n'avaient pas été inquiétés pour négligence. Par leurs protestations de comportement dans les limites de la responsabilité parentale, les McCann se sont exposés à servir de norme en fait de temps acceptable pendant lequel laisser des enfants livrés à eux-mêmes.
Un ami des McCann s'est dit scandalisé par la comparaison. Selon quels critères ? L'enfant (5 ans) a été laissé seul et endormi pendant moins de temps que Madeleine... et il ne lui est rien arrivé.  

A Madeleine McCann moment
End of December 2009, in the center of Cardiff, a man saw a black BMW momentarily unattended, the ignition key on and nobody in.

Or so he thought.

We know that opportunity makes the thief. The man entered the car and drove away under the horrified eyes of the owner, dashing out of the creche with her little daughter in her arms.

The horror, however, was not her car being stolen, the horror was her baby left on the back seat.

Not for a second it crossed the mind of this distraught mother that the thief wanted the car, not the baby, that he was not a paedophile and that it was not a kidnapping.

I thought I would never see my baby again, I had a horrendous feeling of guilt. I couldn't believe what I'd done to my baby.
70 minutes, dozens of police officers and a helicopter later the car was found with the baby safe and sound.
The longest hour of my life, my Madeleine McCann moment.

The thief, hearing a noise behind him, stopped, turned around and almost as horrified that the mother had fled as fast as his legs would carry him.
I was absolutely distressed. When I found out she was safe and well I was ecstatic, absolutely overwhelmed.
The judge did not seem to have believed in the desolation of the thief.
The mother of the young child was totally devastated by what you did.
She had visions of that well-known disappearance case of Madeleine McCann.
The thief panicked and didn't try to contact emergency services anonymously. Thirty-four months.


in Le Monde, 23.04.2004

Cela s'est passé la semaine dernière à Alençon. Il était tôt matin, trop tôt pour trouver normal qu'une fillette se promène seule dans la rue et sac au dos.
Il était 6 heures du matin et, mieux encore, on était samedi. Un jour sans école. Un jour de grasse matinée, surtout chez les petites filles de 4 ans.

Dans la maison, les parents dormaient. Dans la ville, le soleil sommeillait. Pendant ce temps, une gamine bien décidée, quelques biscuits et une paire de chaussettes dans son sac, marchait, marchait.
Était-ce un Petit Chaperon rouge parti voir sa mère-grand malade ? Serait-il question de galette et de pot de beurre, de chevillette et de bobinette ?

Que nenni ! C'est l'amour qui était en jeu, un amour grand comme ça, cette sorte d'amour qui brûle et qui empêche de dormir, même à l'âge des dents de lait et de chat perché.
Deux dames du genre matinal virent passer devant elles la choupinette et son air important. Apostrophée par les passantes, elle daigna répondre à leur étonnement avec tout le sérieux que requiert une affaire capitale.

Et celle-ci l'était. Il faut, pour apprécier l'audace de la gamine, se souvenir que les enfants, y compris les moins doués en calcul, aiment l'idée que 2 et 2 font 4.
La logique des petits est chose implacable. Comme nous l'avons dit, nous étions samedi. Or, le samedi, l'école est fermée. Pour voir son amoureux à la récré, c'est tintin.

Sauf si, et nous voici en pleine passion, sauf si l'amoureuse connaît l'adresse de l'amoureux. L'heureux élu de ce cœur tendre était un "grand" de 6 ans.
C'est en tout cas ce qu'a raconté la fugueuse aux deux dames qui n'en croyaient toujours pas leurs yeux, pas plus que leurs oreilles. Mordue à Alençon par l'hameçon de l'amour, la petite ne faisait pas dans la dentelle.

On devine ce que ces adultes ont dû éprouver d'admiration, d'envie peut-être, pour un sentiment si pur qui prospérait derrière ce très jeune front. C'est beau, à 4 ans, d'aimer tellement fort que les jours de congé sont insupportables.

Mais puisqu'il était bien tôt, et que la vie peut être bien courte pour les ingénues qui courent les rues dès potron-minet, les dames dénoncèrent sans joie cette flamme précoce.
On s'en fut trouver la police qui apprit tout du stratagème enfantin. Profitant du sommeil de ses parents - car que faire d'autre, un samedi à 6 heures, sinon roupiller ! -, la petite s'était enfuie de chez elle pour s'en aller retrouver l'élu de son rêve éveillé.

Grâce à ses explications, les policiers ont reconduit la belle à domicile. Sûrement aurait-elle préféré être menée, cernée par deux pandores, entre les bras d'un amoureux dont on jurerait qu'il pionçait ferme. Mais qui sait ?
Quand on l'a réveillé pour lui rendre sa fugueuse, le papa en est resté comme deux ronds de flan. Il ne s'était encore aperçu de rien. L'échappée, il est vrai, n'avait duré qu'une quinzaine de minutes.

C'est ce que nous a appris la dépêche dont s'est fendue l'Agence France-Presse pour relater l'événement sous ce titre glorieux : "Une petite fille de 4 ans fugue pour rejoindre son fiancé de 6 ans".