Quid du quatrième pouvoir ?
"Forcée d'être toujours ouverte", reconnaissons à la décharge de la presse que se taire équivaut à sinon un arrêt de mort du moins à une perte de pouvoir. Sous le masque du savoir "divague-t-elle" ? Quand elle n'a rien à dire, plutôt que de le dire, elle invente souvent. Oublie-t-elle alors ce qu'informer veut dire ?
La désinformation, qu'elle soit intentionnelle (fake news, fausses nouvelles), visant à tromper ou à intoxiquer, produite par négligence (sources non vérifiées) ou simplement le fruit d'une croyance (rumeur, légende urbaine) est le fléau des temps post-modernes.
Tout journal est une boutique où l’on vend au public des paroles de la couleur dont il les veut. S’il existait un journal des bossus, il prouverait soir et matin la beauté, la bonté, la nécessité des bossus. Un journal n’est plus fait pour éclairer, mais pour flatter les opinions. Ainsi, tous les journaux seront dans un temps donné, lâches, hypocrites, infâmes, menteurs, assassins ; ils tueront les idées, les systèmes, les hommes, et fleuriront par cela même. Ils auront le bénéfice de tous les êtres de raison : le mal sera fait sans que personne en soit coupable (...) Nous serons tous innocents, nous pourrons nous laver les mains de toute infamie. Napoléon a donné la raison de ce phénomène moral ou immoral, comme il vous plaira, dans un mot sublime que lui ont dicté ses études sur la Convention : Les crimes collectifs n’engagent personne . Le journal peut se permettre la conduite la plus atroce, personne ne s’en croit sali personnellement. Honoré de Balzac
La désinformation
est un processus, utilisable à tous
les niveaux dans toutes les sphères de la communication, et qui
consiste à présenter :
une information fausse comme vraie,
une partie d'information vraie comme
une totalité indépendante et vraie pour elle-même,
une partie d'information fausse comme une totalité indépendante et vraie pour elle-même,
une information vraie comme fausse.
une partie d'information fausse comme une totalité indépendante et vraie pour elle-même,
une information vraie comme fausse.
Description
Une désinformation
est un simple transfert d'information qui comporte en lui-même une
transformation de l'information initiale. Il ne s'agit pas ici de
discuter pour savoir si tout transfert d'information est une
transformation de cette information, mais de comprendre qu'il existe
une certaine forme de transfert qui nie l'information initiale (en la
dénaturant) ou les informations (en les regroupant de manière
intempestive et non raisonnée).
Vladimir Volkoff la définit ainsi dans sa Petite histoire de la désinformation : " La désinformation est une manipulation de l'opinion publique, à des fins politiques, avec une information traitée par des moyens détournés. " Pour lui, la manipulation des dirigeants ne relève pas de la désinformation, mais de l'intoxication psychologique, tandis qu'en l'absence de moyens détournés, on a affaire à de la propagande.
Kevin
Bronstein donne une définition
"faible" c'est-à-dire générale du concept. La
désinformation consiste en une inversion du trajet de la
communication
défini par Adrian Mc Donough dans Information Economics. Ce trajet
va de l'information factuelle ou observation,
aux inférences tirées à partir des informations et enfin au
jugement porté sur les inférences. La voie inverse
consiste à partir d'un jugement a priori pour forger des inférences
incorrectes à partir de faits manipulés. La théorie
de la dissonance cognitive de Leon
Festinger montre que la désinformation est un processus plus ou
moins conscient de réduction de la contradiction
entre les jugements et les faits.
François-Bernard Huyghe en donne une définition plus restrictive dans L'Ennemi à l'ère numérique. Pour lui, "[l]a désinformation consiste à propager délibérément des informations fausses en les faisant apparaître comme venant de source neutre ou amie pour influencer une opinion et affaiblir un adversaire."
Cas d'espèces
Une
désinformation n'implique ni un complot ni même une visée
consciente. Mais il est possible que des désinformations conscientes
soient exercées, par exemple comme technique de propagande. Ce type
de désinformation " planifiée " est exercée
principalement par l'influence des autorités étatiques, des groupes
financiers ou industriels et des lobbys, avec ou sans la complicité
des responsables médiatiques, en fonction du degré
de démocratie.
On peut aussi considérer que la plus grande partie de la désinformation quotidienne dans les médias est latente et banalisée. Elle s'exerce sous forme d'autocensure ou de sujets promotionnels (motifs politiques et commerciaux), et la course à l'audimat dans les chaînes de télévision, média de loin le plus influent, privilégie fréquemment des sujets moins informatifs mais plus populaires.
Internet
et les nouvelles technologies de communication multiplient de manière
exponentielle
l'échange d'informations plus ou moins importantes. Si certains
considèrent que ces nouveaux moyens permettent de construire des
médias alternatifs qui seraient capables de contrer la
désinformation institutionnelle, on est obligé de constater que
chaque information est davantage noyée dans un flot difficilement
vérifiable, et qu'Internet véhicule
un large éventail de rumeurs, canulars et donne de nouvelles
possibilités à différents types de propagande, y compris par des
petits groupes politiques.
Exemples
Les canulars informatiques
Ce
sont de fausses nouvelles propagées sur Internet. Aussi appelées
hoax en anglais, elles ont souvent un but mercantile (faux hommes
d'affaires " Nigérians ", enfant à sauver d'une maladie
si rare qu'aucun médecin
n'en a jamais entendu parler, scoop bidon, phishing...)
Les médias non indépendants.
Les médias non indépendants.
Le
fait qu'un média
soit indépendant ou non d'un groupe (ou d'une mouvance) ne garantit
pas pour autant la véracité de ses informations.
On
note toutefois que les médias traditionnels, généralement en perte
d'audience depuis l'essor de l'Internet, appartiennent le plus
souvent (et de plus en plus) à des groupes industriels, des holdings
ou à l'État, ou sont proches d'un mouvement politique et sont donc
soumis à des pressions de la part de leurs propriétaires ou à du
lobbying. Les intérêts financiers ou politiques de ces acteurs
peuvent contraindre ces médias à biaiser, parfois déformer des
informations. Dans les cas extrêmes, un média peut diffuser
volontairement ou non de fausses informations, dont sont à l'origine
la plupart du temps
des services étatiques (par exemple, nuage
de Tchernobyl ne passant pas les frontières françaises) ou la
course au scoop (par exemple, les charniers de Timi?oara). Ces
pratiques sont en totale contradiction avec la déontologie
journalistique.
Il
a souvent été reproché à la chaîne
de télévision TF1 d'être soumise aux pressions de son
propriétaire, le groupe BTP Bouygues dont les intérêts passent par
une bonne entente avec certains hommes politiques, notamment pour
obtenir des contrats de travaux publics. Dans un autre cas, la
remarque de Serge Dassault, patron du Groupe Dassault et du Figaro,
selon laquelle il voulait que son journal produise des informations "
intelligentes " a provoqué un tollé en 2005.
Le
plus grand magnat international des médias, l'Australien Rupert
Murdoch, entretient d'excellentes relations avec Tony Blair et George
W. Bush, ce qui se ressent dans le ton globalement favorable
vis-à-vis de ces dirigeants dans les journaux et les chaînes de
télévision qu'il possède (dont The Times, The Sun et Fox News),
par rapport aux autres médias. Par ailleurs, l'armée américaine a
reconnu en 2005 que ses services de communication écrivaient des
articles pour les journaux irakiens.
Google.cn (filiale du groupe en Chine) est soumis à la censure des autorités chinoises. Les sondages
Il
s'agit d'une désinformation plus subtile basée sur l'intérêt
financier d'entreprises spécialisées à taire les limites de leur
méthodologie : les biais d'échantillonnage,
les " effets de halo ", et effets de cadrage (formulation
des questions), et l'impossibilité théorique de calculer une
précision lorsque l'on ne dispose pas d'une base de recensement,
rendent en effet leurs résultats imprécis, et, plus grave, d'une
précision inconnue.
Citations
"
On peut tromper tout le peuple un certain temps, ou certaines
personnes tout le temps, mais on ne peut pas tromper tout le monde,
tout le temps. " (attribué à Abraham Lincoln)
" Plus un mensonge est gros, et plus les gens y croient. " (attribué à Joseph Goebbels)
" Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective ”business”, soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit ... Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible ... Rien n’est plus difficile que d’obtenir cette disponibilité. C’est là que se trouve le changement permanent. Il faut chercher en permanence les programmes qui marchent, suivre les modes, surfer sur les tendances, dans un contexte où l’information s’accélère, se multiplie et se banalise. " (Patrick Le Lay)
" Plus un mensonge est gros, et plus les gens y croient. " (attribué à Joseph Goebbels)
" Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective ”business”, soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit ... Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible ... Rien n’est plus difficile que d’obtenir cette disponibilité. C’est là que se trouve le changement permanent. Il faut chercher en permanence les programmes qui marchent, suivre les modes, surfer sur les tendances, dans un contexte où l’information s’accélère, se multiplie et se banalise. " (Patrick Le Lay)
" The closer to the truth, the better the lie, and the truth itself, when it can be used, is the best lie. " ( " Plus un mensonge est proche de la vérité, plus il est efficace ; et la vérité elle-même, lorsque l'on peut en faire usage, est le meilleur des mensonges ") (Isaac Asimov)
" Il y a des gens qui plutôt que persuasifs sont contagieux. . " (Paul Claudel)
La propagande
désigne la stratégie de communication,
dont use un pouvoir (ou un parti) politique ou militaire pour changer
la perception d'événements, de personnes (propagande politique,
propagande militaire). Elle est à la puissance civile ou martiale ce que
la publicité
est au secteur privé à cette différence qu'elle ne vise pas à produire
un seul acte de portée limitée (acheter le produit X) mais qu'elle
cherche à convaincre d'un ensemble d'idées et de valeurs, à mobiliser, parfois à convertir.
D'une manière plus générale, la propagande est l'art de propager à grande échelle
des informations, fausses ou non, mais toujours partiales. Les
techniques de propagande moderne exploitent les connaissances accumulées
en psychologie et en communication. Elle se concentre sur la manipulation des émotions, au détriment des facultés de raisonnement et de jugement.
Histoire du terme
propagande
En latin
(médiéval),propaganda est l'adjectif verbal du verbe " propager "
désignant les choses à propager (à rapprocher par exemple du
delenda de l'expression Carthago delenda est , littéralement
Carthage est devant être détruite ou il faut détruire Carthage).
En 1622, peu de temps
après le début de la Guerre de Trente Ans, le pape Grégoire XV
fonda la Congregatio de Propaganda Fide (" Congrégation
pour la propagation de la foi "), un comité de cardinaux
chargé d'observer la propagation du christianisme par les
missionnaires envoyés dans les pays non-chrétiens. À l'origine le
terme n'évoquait pas la propagation d'une information déformée.
Antérieurement et notamment lorsque la personnalisation est forte,
on utilise le terme " gloire ".
Le sens politique moderne
date de la Première Guerre mondiale, il est généralement
péjoratif, mais pas toujours (par exemple, c'est le terme officiel
pour les programmes et profession de foi dans les opérations
pré-électorales).
Types de propagande
Certains considèrent la
publicité comme un type de propagande.
Cependant, la propagande
est habituellement politique (nationaliste, fasciste, nazie
stalinienne, militariste, etc.). Elle est multiforme (utilisation des
différents médias) et peut être insidieuse. Dans le langage
commun, la propagande équivaut à la désinformation mise au service
d'une cause politique d'intérêts privés.
Les propagandistes
cherchent à altérer l'opinion publique en faveur de leurs intérêts
propres. Cette imposition d'une nouvelle perspective a pour objectif
de modifier les actions et les espérances de la cible. La propagande
complète les dispositifs de censure. Celle-ci opère dans le même
but, mais de façon négative, par la sélection intéressée des
informations favorables à l'interprétation voulue. La propagande
procède par excès d'informations, alors que la censure joue d'un
manque délibéré d'informations. Ce sont les deux faces d'une même
stratégie de domination mentale, surtout utilisée dans les
contextes de guerre. Ces deux types de manipulation sont
interdépendants : la censure crée un besoin que la propagande
s'empresse de combler, tandis que la propagande passe mieux en
l'absence d'éléments. Ce qui distingue la propagande des autres
formes de recommandation est la volonté du propagandiste de changer
la compréhension des personnes par diversion ou confusion au lieu de
convaincre et d'expliquer.
Les chefs d'un groupe
peuvent savoir que l'information est partiale, voire erronée, tout
en maintenant les membres du groupe et les relais de l'information
dans l'ignorance.
La propagande est une
arme puissante lors d'une guerre. Dans ce cas-ci, son but est
habituellement de déshumaniser l'ennemi et de susciter la haine
contre un certain groupe, en altérant la représentation que s'en
fait l'opinion manipulée. Les procédés de propagande vont de
l'omission à l'imputation mensongère.
La propagande a beaucoup
évolué avec la naissance de la guerre psychologique. On parle aussi
de "propagande religieuse" pour désigner le prosélytisme
religieux.
Exemples de
propagande politique :
- La propagande anglaise contre l'Allemagne pendant la Première Guerre mondiale, voir le Lusitania.
- Les actions de propagande nazie comme la journée de Potsdam (21 mars 1933), qui précéda de deux jours le vote par le Reichstag de la loi des pleins pouvoirs (23 mars 1933), début de la dictature de Hitler.
- L'Allemagne nazie contre la république de Pologne pour amorcer la Seconde Guerre mondiale, voir l'attaque de l'émetteur radio de Gleiwitz.
La propagande peut être classée selon la source :
- La propagande blanche provient d'une source ouvertement identifiée.
- La propagande noire provient d'une source soi-disant amicale, mais en réalité hostile.
- La propagande grise provient d'une source soi-disant neutre, mais en réalité hostile.
Histoire de la propagande
La propagande est une activité
humaine, qui laisse délibérément peu de traces. Les textes latins
comme ceux de Tite-Live ou de Jules César, sont des chefs-d'œuvre
de propagande romaine.
Napoléon fut le premier à user de la
propagande moderne pour conquérir le pouvoir puis le consolider. Dès
sa campagne d'Italie, alors qu'il n'était que le général
Bonaparte, il usa de l'influence des Bulletins de l'Armée d'Italie.
Par exemple, il se fit représenter lors de la bataille du Pont
d'Arcole tenant un drapeau à la main (thème reproduit à des
milliers d'exemplaires), alors qu'en réalité, il avait fait une
chute dans un marécage. Il étendit ensuite ce système de
propagande une fois qu'il eut conquis le pouvoir, avec les "Bulletins
de la Grande Armée". Les tableaux de Gros et de David, les
affiches de l'époque, et le Mémorial de Sainte-Hélène ont aussi
participé à l'élaboration de la légende dorée de Bonaparte.
Des techniques de propagande ont été
codifiées et appliquées la première fois d'une façon scientifique
par le journaliste Walter Lippmann et le psychologue Edward Bernays
(neveu de Sigmund Freud) au début du XXe siècle. Pendant la
Première Guerre mondiale, Lippman et Bernays furent engagés par le
président des États-Unis Woodrow Wilson pour faire basculer une
opinion américaine traditionnellement isolationniste vers
l'interventionnisme. Pour cela, il fit aux appels aux Comités pour
l'information du public (Comitee for Public Information) dirigés par
le journaliste George Creel, "privatisant" ainsi la
propagande de guerre.
La campagne de propagande de Creel,
Lippman et Bernays effectuée pendant six mois fut si intense que
l'hystérie anti-allemande générée a impressionné l'industrie
américaine, qui découvrait tout à coup les immenses ressources que
l'on pouvait déployer pour influencer l'opinion publique d'un pays
entier. Bernays a inventé les termes d’esprit de groupe et
d’ingénierie du consentement, des concepts importants en
propagande appliquée.
Lord Ponsonby, un aristocrate anglais,
socialiste et pacifiste, résuma ainsi les méthodes utilisées
pendant le conflit (y compris par son propre pays) :
Il faut faire croire
- que notre camp ne veut pas la guerre
- que l’adversaire en est responsable
- qu’il est moralement condamnable
- que la guerre a de nobles buts
- que l’ennemi commet des atrocités délibérées (pas nous)
- qu’il subit bien plus de pertes que nous
- que Dieu est avec nous
- que le monde de l’art et de la culture approuve notre combat
- que l’ennemi utilise des armes illicites (pas nous)
- que ceux qui doutent des neuf premiers points sont soit des traîtres, soit des victimes des mensonges adverses (car l’ennemi, contrairement à nous qui informons, fait de la propagande).
L'historienne Anne Morelli a démontré que cette grille pouvait s'appliquer encore aux conflits de la fin du XXe siècle. Certains soulignent aussi leur adéquations avec des conflits très actuels (voir plus bas).
Les relations publiques,
dont usent les États et les entreprises, s'inspirent directement des
travaux de Lippman et Bernays. Dans la première moitié du XXe siècle, Bernays et Lippman ont eux-mêmes dirigé une société florissante de relations publiques.
Les nazis ont largement employé des techniques de propagande
pour la prise de pouvoir de Hitler (journée de Potsdam qui précéda de
peu la loi des pleins pouvoirs). Le futur dictateur fut appuyé en ce
sens par Joseph Goebbels.
La Seconde Guerre mondiale a été le théâtre d'une propagande
constante, utilisée comme arme de guerre, par les nazis, mais aussi par
les Alliés. Mussolini avait avant eux compris son importance dès les
années 1920 ; ainsi il avait crée le Minculpop (ministère de la Culture populaire) qui fonctionna comme outil de propagande à partir de 1925.
Propagande et démocratie
Selon des intellectuels
critiques, les techniques de propagande ont toujours cours dans les
démocraties, sous le nom de communication politique. Dans une
dictature, la conservation du pouvoir est assurée par des moyens
coercitifs ; dans une démocratie, les moyens de conquête ou de
conservation du pouvoir sont fondés sur la persuasion. L'art
officiel, s'il est "décrété" ouvertement sous des
régimes totalitaires, se manifeste subtilement en démocratie. Le
pouvoir médiatique prime alors le pouvoir militaire.
D'après un paradoxe
formulé par Hume, dans une démocratie, l'armée est beaucoup moins
puissante que dans une dictature. Pour éviter toute contestation
populaire, les dirigeants élus auraient donc encore plus besoin
d'une propagande efficace qu'un pouvoir dictatorial. En effet, une
répression policière excessive conduirait à une défaite
électorale.
Edward S. Herman et Noam
Chomsky ont proposé un modèle de propagande, qu'ils ont testé
empiriquement aux États-Unis. Leur méthode consistait, sur un grand
nombre d'articles de presse d'origine diverses mais portant sur des
sujets comparables, à quantifier l'influence de quatre facteurs
pouvant modifier l'information : le groupe de presse, les
annonceurs publicitaires, les fournisseurs d'information (agences
gouvernementales) et l'idéologie dominante.
Les principaux aspects de la propagande dans une démocratie seraient les suivants :
- influence médiatique (radio, télévision, presse, publicité, internet, téléphone).
- confusion volontaire : justification de la vente d'un produit par des principes éthiques, ou inversement, promotion d'une opération humanitaire en usant des techniques de communication des entreprises privées.
- valorisation sémantique : " mondialisation " par exemple.
- manipulation de l'opinion publique à l'aide de statistiques ou de sondages biaisés.
- falsification de l'image : retouches vidéo, fausses images.
- auto-censure des rédactions.
- informations partiales : traitement de la guerre en Irak par Fox News par exemple.
Dans les pays démocratiques, la propagande reste diffuse et variée,
alors que les régimes totalitaires déploient une propagande centralisée.
C'est pourquoi il serait sans doute plus juste de parler de "techniques
de propagande".
Techniques de propagande
Les propagandistes
emploient des arguments qui, bien que parfois convaincants, ne sont
pas nécessairement justes. Un certain nombre de méthodes, inspirées
notamment de la psychologie sociale, sont employées pour créer des
messages persuasifs, mais faux. Plusieurs de ces techniques de
manipulation rhétorique relèvent du sophisme.
Il a fallu beaucoup de
temps pour analyser les canaux par lesquels les messages de
propagande font leur effet. Si ce travail est important, il est clair
que les stratégies de diffusion de l'information ne deviennent des
stratégies de propagande qu'à partir du moment où elles diffusent
effectivement des messages de propagande. L'identification de ces
messages de propagande est donc un prérequis nécessaire. Nous
proposons ci-dessous quelques techniques classiques, dont la plupart
reposent sur une bonne utilisation de l'émotivité de l'auditoire.
La peur : un public qui a peur est en situation
de réceptivité passive, et admet plus facilement l'idée qu'on veut lui
inculquer. Par exemple, Joseph Goebbels a exploité la phrase de Théodore
Kaufman, " l'Allemagne doit périr !", pour affirmer que les Alliés ont pour but l'extermination du peuple allemand.
Appel à l'autorité : l'appel à l'autorité consiste à
citer des personnages importants pour soutenir une idée, un argument,
ou une ligne de conduite.
Témoignage : les témoignages sont des mentions, dans ou hors du contexte, particulièrement cités pour soutenir ou rejeter une politique, une action, un programme, ou une personnalité donnée. La réputation (ou le rôle : expert, figure publique respectée, etc.) de l'individu est aussi exploitée. Les témoignages marquent du sceau de la respectabilité le message de propagande.
Effet moutonnier : cet appel tente de persuader
l'auditoire d'adopter une idée en insinuant qu'un mouvement de masse
irrésistible est déjà engagé ailleurs pour cette idée. Comme tout le
monde préfère être dans le camp des vainqueurs que dans la minorité qui
sera écrasée, cette technique permet de préparer l'auditoire à suivre le
propagandiste.
Redéfinition, révisionnisme : consiste à redéfinir des mots ou à falsifier l'histoire de façon partisane.
Obtenir la désapprobation : cette technique
consiste à suggérer qu'une idée ou une action est adoptée par un groupe
adverse, pour que l'auditoire désapprouve cette idée ou cette action
sans vraiment l'étudier. Ainsi, si un groupe qui soutient une politique
est mené à croire que les personnes indésirables, subversives, ou
méprisables la soutiennent également, les membres du groupe sont plus
enclins à changer d'avis.
Généralités éblouissantes et mots vertueux :
les généralités peuvent provoquer une émotion intense dans l'auditoire.
Par exemple, faire appel à l'amour de la patrie, au désir de paix, à la
liberté, à la gloire,
à la justice, à l'honneur, à la pureté, etc., permet de tuer l'esprit
critique de l'auditoire. Même si ces mots et ces expressions sont des
concepts dont les définitions varient selon les individus, leur
connotation est toujours favorable. De sorte que, par association, les
concepts et les programmes du propagandiste seront perçus comme tout
aussi grandioses, bons, souhaitables et vertueux.
Imprécision intentionnelle : il s'agit de rapporter
des faits en les déformant ou de citer des statistiques sans en
indiquer les sources. L'intention est de donner au discours un contenu
d'apparence scientifique, sans permettre d'analyser sa validité ou son
applicabilité. Ces imprécisions peuvent se glisser dans le système
juridique, sous forme d'un droit mou, poussant à la communication en vue d'obtenir des informations, tout en influençant l'opinion publique.
Transfert : cette technique sert à projeter les qualités positives ou négatives d'une personne, d'une entité, d'un objet
ou d'une valeur (un individu, un groupe, une organisation, une nation,
un patriotisme, etc.) sur un tiers, afin de rendre cette seconde entité
plus (ou moins) acceptable. Cette technique est utilisée, par exemple,
pour transférer le blâme d'un camp à l'autre, lors d'un conflit. Elle
évoque une réponse émotive qui stimule la cible pour qu'elle s'identifie
avec l'autorité reconnue.
Simplification exagérée : ce sont des généralités
employées pour fournir des réponses simples à des problèmes sociaux,
politiques, économiques, ou militaires complexes.
Quidam : pour gagner la confiance de son auditoire,
le propagandiste emploie le niveau de langage et les manières
(vêtements, gestes) d'une personne ordinaire. Par projection, l'auditoire est aussitôt plus enclin à accepter les positions du propagandiste, puisque celui-ci lui ressemble.
Stéréotyper ou étiqueter : cette
technique utilise les préjugés et les stéréotypes de l'auditoire pour le
pousser à rejeter l'objet de la campagne de propagande.
Bouc émissaire : en jetant l'anathème sur un
individu ou un groupe d'individus, accusés à tort d'être responsables
d'un problème réel (ou supposé), le propagandiste peut éviter de parler
des vrais responsables, et n'a pas à approfondir le problème lui-même.
Slogans : un slogan est une brève expression, facile à mémoriser et donc à reconnaître, qui permet de laisser une trace dans tous les esprits.
Glissement sémantique : technique consistant à
remplacer une expression par une autre afin de la décharger de tout
contenu émotionnel et de la vider de son sens (euphémisme). Le
glissement sémantique peut à l'inverse renforcer la force
expressive pour mieux émouvoir l'auditoire. Exemples : "frappe
aérienne" à la place de "bombardement", "dommages collatéraux" à la
place de "victimes civiles", "libéralisme" à la place de "capitalisme",
"loi de la jungle" à la place de "libéralisme", "solidarité" à la place d'"impôt", "pédagogie
préventive" à la place de "répression policière", "intervention
humanitaire préventive" à la place d'" intervention militaire ".
Ces méthodes ont été analysée entre deux guerres par un groupe de scientifiques américains regroupés autour de l'Institut pour l'analyse de la propagande (Institute for Propaganda Analysis)
afin d'apprendre au public à déceler les techniques de la propagande en
temps de guerre ou en temps de paix et à s'en préserver. Un des membres
de l’Ipa, Clyde Miller synthétisait en parlant de quatre leviers :
1. Levier d’adhésion (virtue device) faire accepter une personne, une idée ou un parti comme " bon " en l’associant à des mots ou symboles "bons "
2. Levier de rejet (poison device) : l’opération inverse avec des symboles du mal ou de valeurs détestées.
3. Levier d’autorité (testimonial device) : récupérer le prestige d’un homme ou d’une institution ou exagérer la valeur exemplaire d’un cas pour faire approuver ou rejeter.
4. Levier de conformité (together device) qui fait appel au poids de la masse des partisans ou à l’appartenance à une entité supérieure, Nation, Église pour obtenir l’adhésion.
Ce schéma théorique n’est pas d’un raffinement extrême, mais il décrit assez bien une pratique quotidienne.
Là aussi on comparera avec intérêt avec une grille des années 50 exposée par J.M. Domenach. Pour lui, la propagande suppose :
1) la simplification et le choix d’un ennemi unique
2) le grossissement et la défiguration des faits (ce qui ne signifie
pas le mensonge systématique : moins la propagande risque d’être
démentie et le trucage démontré, plus elle est efficace)
3) l’orchestration dans la répétition des thèmes principaux,
4) la "transfusion " qui est l’emploi des mythes préexistants et affects collectifs mobilisés au service de la cause
5) Le principe d’unanimité et de contagion : la pression conformiste du groupe sur l’individu