Détection de Restes HumainsLes équipes cynophiles qui détectent les corps humains ensevelis suite à une catastrophe ou dans le cadre d'un crime existent depuis plusieurs années déjà en Belgique et en Allemagne.
Peu de pays possèdent ce type de chiens, dressés à détecter des restes humains ou des traces de sang. La Gendarmerie française en a huit. Malinois, Bergers Allemands ou Springer Spaniel, tous appartiennent au Groupe national d'investigation cynophile (Gnic), situé à Gramat, dans le Lot. La création de cette unité spécialisée remonte à 2002. Lire aussi ici.
C'est la découverte par des chiens belges des petites Julie et Mélissa dans l'affaire Dutroux qui nous a poussé à lancer notre propre unité, explique le gendarme Patrice Testard, l'un des fondateurs de l'unité.
Des chiens fanatiques de l'odeur de putréfaction
Les critères de sélection pour ces chiens sont simples : être "très joueur", "sociable" et "très tenace" face à l'odeur à mémoriser. Leur entraînement dure de trois à quatre mois, mais ils ne sont déclarés "opérationnels" qu'au bout d'un an.
La technique consiste à leur fabriquer un jouet, en l'occurrence un tube en caoutchouc noir de 10 à 15 cm de diamètre, à l'intérieur duquel on met de la cadavérine, issue de la putréfaction de cadavre, détaille notre dresseur-instructeur. Ensuite, nous les fanatisons à ce jouet avec cette odeur. Progressivement nous le cachons, puis nous l'enterrons sous terre et nous lui apprenons à gratter tout doucement pour le retrouver, car sur le terrain il s'agira de vrais cadavres à préserver.
Une trentaine d'affaires par an
C'est simple, explique Patrice Testard, les premiers sont dressés pour retrouver des vivants, les nôtres détectent les morts. Par exemple, lors de l'effondrement du Terminal E à Roissy, poursuit-il, les chiens de décombres sont passés en premier pour repérer d'éventuels survivants. Notre travail à nous a été de repasser avec nos chiens pour qu'ils repèrent s'ils restaient d'éventuels cadavres sous les gravats avant d'envoyer les bulldozers.
Depuis sa création, le Gnic traite une trentaine d'affaire par an. Requis par les Officiers de police judiciaire ou les magistrats, Rusty, Tayson, Vicking, Niko, Bono, Trex et Tonyx interviennent dans deux types d'affaires : les homicides, pour rechercher un cadavre, mais aussi pour les disparitions inquiétantes.
Ces derniers mois, le Gnic a été saisi a plusieurs reprises pour retrouver des cadavres de nouveau-nés.Une dame avait disparu depuis plusieurs semaines, les recherches ne donnaient rien, se souvient Patrice Testard. Les enquêteurs nous ont demandé l'intervention d'un de nos chiens. Ce dernier a aussitôt flairé l'odeur de décomposition de corps humain et de sang et retrouvé la dame au fond d'un fossé, à 500 m du lieu de sa disparition.
Le Gnic peut aussi être saisi pour aider à l'orientation d'une enquête.
Si on ne trouve pas forcément un cadavre, nous pouvons affirmer grâce au chien si un corps sans vie a séjourné à tel ou tel endroit et ainsi réorienter des enquêtes, commente le gendarme Testard.
La plupart des interventions se déroulant dans des bois ou des forêts, les chiens sont formés pour faire la différence entre la putréfaction humaine et l'odeur des animaux morts. Le chien est ainsi capable de faire le tri que l'homme ne sait pas faire. Petit bémol, s'il s'agit de retrouver un corps enseveli, il faut attendre au moins trois semaines pour que la décomposition démarre... De même, aucune recherche n'est possible en période de gel, car dans ce cas le corps n'émet plus d'odeur.
Ces chiens peuvent ainsi dénicher des restes humains très longtemps après le décès. La police allemande a ainsi pu retrouver un cadavre seize ans après sa mort ! « Tant qu’il y a de la matière carnée, le chien peut marquer », explique le capitaine Georges Lafargue, du Gnic. Idem pour le sang, dont l’odeur ne se périme pas.
En 1995, les chiens se sont illustrés en Belgique dans l’affaire Dutroux en localisant les corps de Julie et Mélissa, deux victimes du pédophile, enfouis à 4 mètres sous terre.
Ces chiens peuvent ainsi dénicher des restes humains très longtemps après le décès. La police allemande a ainsi pu retrouver un cadavre seize ans après sa mort ! « Tant qu’il y a de la matière carnée, le chien peut marquer », explique le capitaine Georges Lafargue, du Gnic. Idem pour le sang, dont l’odeur ne se périme pas.
En 1995, les chiens se sont illustrés en Belgique dans l’affaire Dutroux en localisant les corps de Julie et Mélissa, deux victimes du pédophile, enfouis à 4 mètres sous terre.
Article de Libération - 13.08.2002
Ils sont quatre chiens dressés par les vivants pour rechercher leurs morts. Liav, Tonix, Niko et Tyson constituent le tout nouveau Groupe national d'investigation cynophile (GNIC) de la gendarmerie. En militaire habitué aux sigles martiaux, le maréchal des logis-chef Fabrice Galli avait bien proposé de baptiser son groupe «Croc», pour Cellule de recherches en odeurs de cadavres. «Mais, on m'a dit : "Cadavre, ça ne passera pas."»
Les quatre chiens et leurs deux maîtres sont basés à Gramat dans le Lot, au sein du Centre national d'instruction cynophile de la gendarmerie (CNICG). Là-bas, on les a vite surnommés «le groupe nécro». C'est un peu un clan à part au sein de cette école du chien et du «maître de chien» les gendarmes sont très sourcilleux sur l'appellation qui rassemble une centaine d'animaux et une soixantaine d'hommes. L'ordonnancement militaire règne sur les douze hectares du site. Les chenils sont alignés comme des casernes ; à l'intérieur, les boxes individuels des chiens rappellent les violons des vieilles brigades. Il y a là Oliver, spécialisé en pistage et en défense. Ou encore Sarco, né le 18 mai 2001, qui est en cours de «débourrage». Après son achat par la gendarmerie, cette période de dressage permet d'orienter le chien vers une spécialité comme le pistage, la recherche d'explosifs, de stupéfiants ou de restes humains.
Drôle de mal. Tous les jours, à 17 h 30, c'est l'extinction des feux pour les chiens. «Les vies des animaux et de leurs maîtres se séparent jusqu'au lendemain matin, explique un gradé. Plus aucun être humain ne s'aventure dans les chenils pour ne pas risquer d'énerver les bêtes.» Les militaires redoutent en effet un drôle de mal pour leurs animaux quand ils s'agitent, «le retournement d'estomac». Mimé par le vétérinaire en treillis, cela donne une torsion de l'organe sur lui-même et la mort assurée du chien s'il n'est pas opéré à temps.
Liav et ses trois camarades du Groupe national d'investigation cynophile échappent à ce casernement. A eux, les enclos arborés. Et surtout, les voyages à travers la France au gré des recherches qui leur sont confiées. Ce matin, ils trépignent autour de leur chenil roulant, une remorque carrossée façon caravane basse. Tyson est le plus remuant. Cet épagneul anglais fait figure d'intrus parmi les bergers belges et allemands qui monopolisent le recrutement. Niko, 5 ans, est décrit comme «un peu froid. En bon berger allemand, la vie pour lui, c'est "Arbeit", explique-t-on. Ce n'est pas comme Tonix. Avec sa tête de fouine, c'est un vrai trou du cul malin. Il sait bosser mais il fait ressortir sa sensibilité.»
Liav, lui, est un peu à l'écart. Calme et imposant, ce berger belge a déjà fait la couverture de Gend'info, la revue de la gendarmerie. Avant d'intégrer le «groupe nécro», Liav était chien d'assaut. «Ce sont des chiens aussi bien dans leur tête que sur leurs pattes», affirment les instructeurs de Gramat, qui recrutent et dressent les chiens d'assaut pour des formations très pointues, comme le GIGN.
A Gramat, les quatre chiens du GNIC ont appris à renifler la mort comme un jeu. Le jouet, c'est un tube en plastique percé de petits trous. Au début du dressage, il est vide quand le chien s'amuse avec. Puis l'instructeur enferme dans le tube un morceau de tissu d'un vêtement ayant été en contact avec un cadavre. «Le chien fait l'association "je joue, je trouve l'objet avec l'odeur et je la mémorise"», résume le gendarme Patrice Testard.
Affaire Dutroux. Les deux sous-officiers du «groupe nécro» ont été formés en Allemagne. Auparavant, ils avaient vu leurs collègues belges exposer leur savoir-faire. «Chez eux, le déclic pour ce genre de recherches a été l'affaire Dutroux. En 1997, une équipe canine belge a localisé deux cadavres sous quarante centimètres de terre dans une sapinière, près de Nantua, dans l'Ain», raconte le chef Galli pour qui les chiens permettent d'épauler des enquêteurs : «On détient un coupable potentiel, mais on n'a pas les corps.»
Liav et ses camarades sont «un peu le dernier recours», disent leurs maîtres. En mars, ils ont permis de retrouver la victime d'un homicide près de Menton. Plus récemment, ils ont été appelés en Ardèche où ils ont localisé le corps d'une personne âgée qui avait disparu.
Au bout de sa longe, le nez au sol, le chien traque ces odeurs qu'il a en mémoire. «Pas plus d'une demi-heure, dit le gendarme Testard, car c'est très intense pour lui.» L'instructeur l'observe quand il s'emballe sur une «odeur chaude», c'est-à-dire récente, ou le ménage «quand une forte pluie tue les odeurs. C'est pareil quand il gèle très fort».
Dans quelques semaines, les bêtes et les hommes du «groupe nécro» vont repartir en formation. Cette fois, il s'agit d'apprendre à rechercher les traces de sang, fussent-elles lavées, prétendent les gendarmes. Car le chef Galli en est convaincu : même dans une pièce récurée de fond en comble, il y aura toujours une petite molécule pour chatouiller le nez des chiens du «groupe nécro».
Ils sont quatre chiens dressés par les vivants pour rechercher leurs morts. Liav, Tonix, Niko et Tyson constituent le tout nouveau Groupe national d'investigation cynophile (GNIC) de la gendarmerie. En militaire habitué aux sigles martiaux, le maréchal des logis-chef Fabrice Galli avait bien proposé de baptiser son groupe «Croc», pour Cellule de recherches en odeurs de cadavres. «Mais, on m'a dit : "Cadavre, ça ne passera pas."»
Les quatre chiens et leurs deux maîtres sont basés à Gramat dans le Lot, au sein du Centre national d'instruction cynophile de la gendarmerie (CNICG). Là-bas, on les a vite surnommés «le groupe nécro». C'est un peu un clan à part au sein de cette école du chien et du «maître de chien» les gendarmes sont très sourcilleux sur l'appellation qui rassemble une centaine d'animaux et une soixantaine d'hommes. L'ordonnancement militaire règne sur les douze hectares du site. Les chenils sont alignés comme des casernes ; à l'intérieur, les boxes individuels des chiens rappellent les violons des vieilles brigades. Il y a là Oliver, spécialisé en pistage et en défense. Ou encore Sarco, né le 18 mai 2001, qui est en cours de «débourrage». Après son achat par la gendarmerie, cette période de dressage permet d'orienter le chien vers une spécialité comme le pistage, la recherche d'explosifs, de stupéfiants ou de restes humains.
Drôle de mal. Tous les jours, à 17 h 30, c'est l'extinction des feux pour les chiens. «Les vies des animaux et de leurs maîtres se séparent jusqu'au lendemain matin, explique un gradé. Plus aucun être humain ne s'aventure dans les chenils pour ne pas risquer d'énerver les bêtes.» Les militaires redoutent en effet un drôle de mal pour leurs animaux quand ils s'agitent, «le retournement d'estomac». Mimé par le vétérinaire en treillis, cela donne une torsion de l'organe sur lui-même et la mort assurée du chien s'il n'est pas opéré à temps.
Liav et ses trois camarades du Groupe national d'investigation cynophile échappent à ce casernement. A eux, les enclos arborés. Et surtout, les voyages à travers la France au gré des recherches qui leur sont confiées. Ce matin, ils trépignent autour de leur chenil roulant, une remorque carrossée façon caravane basse. Tyson est le plus remuant. Cet épagneul anglais fait figure d'intrus parmi les bergers belges et allemands qui monopolisent le recrutement. Niko, 5 ans, est décrit comme «un peu froid. En bon berger allemand, la vie pour lui, c'est "Arbeit", explique-t-on. Ce n'est pas comme Tonix. Avec sa tête de fouine, c'est un vrai trou du cul malin. Il sait bosser mais il fait ressortir sa sensibilité.»
Liav, lui, est un peu à l'écart. Calme et imposant, ce berger belge a déjà fait la couverture de Gend'info, la revue de la gendarmerie. Avant d'intégrer le «groupe nécro», Liav était chien d'assaut. «Ce sont des chiens aussi bien dans leur tête que sur leurs pattes», affirment les instructeurs de Gramat, qui recrutent et dressent les chiens d'assaut pour des formations très pointues, comme le GIGN.
A Gramat, les quatre chiens du GNIC ont appris à renifler la mort comme un jeu. Le jouet, c'est un tube en plastique percé de petits trous. Au début du dressage, il est vide quand le chien s'amuse avec. Puis l'instructeur enferme dans le tube un morceau de tissu d'un vêtement ayant été en contact avec un cadavre. «Le chien fait l'association "je joue, je trouve l'objet avec l'odeur et je la mémorise"», résume le gendarme Patrice Testard.
Affaire Dutroux. Les deux sous-officiers du «groupe nécro» ont été formés en Allemagne. Auparavant, ils avaient vu leurs collègues belges exposer leur savoir-faire. «Chez eux, le déclic pour ce genre de recherches a été l'affaire Dutroux. En 1997, une équipe canine belge a localisé deux cadavres sous quarante centimètres de terre dans une sapinière, près de Nantua, dans l'Ain», raconte le chef Galli pour qui les chiens permettent d'épauler des enquêteurs : «On détient un coupable potentiel, mais on n'a pas les corps.»
Liav et ses camarades sont «un peu le dernier recours», disent leurs maîtres. En mars, ils ont permis de retrouver la victime d'un homicide près de Menton. Plus récemment, ils ont été appelés en Ardèche où ils ont localisé le corps d'une personne âgée qui avait disparu.
Au bout de sa longe, le nez au sol, le chien traque ces odeurs qu'il a en mémoire. «Pas plus d'une demi-heure, dit le gendarme Testard, car c'est très intense pour lui.» L'instructeur l'observe quand il s'emballe sur une «odeur chaude», c'est-à-dire récente, ou le ménage «quand une forte pluie tue les odeurs. C'est pareil quand il gèle très fort».
Dans quelques semaines, les bêtes et les hommes du «groupe nécro» vont repartir en formation. Cette fois, il s'agit d'apprendre à rechercher les traces de sang, fussent-elles lavées, prétendent les gendarmes. Car le chef Galli en est convaincu : même dans une pièce récurée de fond en comble, il y aura toujours une petite molécule pour chatouiller le nez des chiens du «groupe nécro».