Arthur Dreyfus - 05.01.2012
Où l'inconditionnel amour maternel est revisité et le tabou de l'instinct maternel questionné.
Résumé par FrenchEuropean
Prologue
Je ne crois pas en la vérité. Comme l'esprit humain, elle a ses humeurs. Elle a son humour. On pense la tenir par une extrémité. De l'autre elle se dérobe pour nous contraindre à rêver. L'écrivain ne fait rien d'autre que cela: rêver la vérité. A sa mode il la tourne;comme le caramel mou confectionné par des tabliers blancs sur les marchés de Bretagne.
La matière première du romancier ne colle pas aux molaires. Elle flotte autour de lui. Ce sont des larmes. Ce sont des lignes. Celles, presque invisibles, d'un canard de province; Celles, trop imposantes, des colonnes nationales.
Magritte a peint un homme qui observe un oeuf, et qui peint un pigeon. C'est de cet oeuf que, précautionneusement, je me suis saisi. Je l'ai désempli. Dedans, j'ai versé un jus neuf.
Comme l'homme au pigeon, je n'ai abouti qu'à l'un des modes possibles de la réalité. Entre mille milliards. Excepté les rayons du soleil et le bruit que donne la mer, un rapide calcul des probabilités m'incite subséquemment à confesser que tout est faux. Qu'hormis ma coquille de départ, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être attribué qu'à ce que Louis Aragon dénomma les droits imprescriptibles de l'imagination.
L'écrivain n'est jamais fidèle à la vérité. Il lui préfère sa petite soeur, la vraisemblance. Qu'on lui pardonne cette allégeance – car il faut convenir qu'un brochet, qu'une vipère, ou qu'un goéland se logent plus commodément dans un oeuf que trois-cent-trois tigres de Bengale.
ch.1
Granville est située en Normandie, au nord du Mont St Michel. Les Granvillais vivent du négoce des fruits de mer mais répugnent à en manger pour des raisons obscures, voire inquiétantes.
Dans la baie, au début du siècle, des marées très hautes ont parfois emporté des enfants partis pêcher des moules et depuis on inculque aux enfants la hantise de l'eau salée.
La mairie veut taxer ceux qui pêchent les fruits de mer à marée basse mais les pêcheurs estiment que c'est le droit de la mer qui s'applique. Une bonne part des habitants soutient la mairie pour des raisons financières , sauf lorsque leurs enfants leur ramènent des crustacés car alors ils se posent la question.
Les notables se réservent les belles maisons sur la falaise et les enfants de pêcheurs ne montent jamais sur la colline dont les demeures sont comme un Monopoly interdit.
ch.2
Dans sa maison, Laurence est en colère contre son frère de quarante ans, Tony qui lui rapporte toujours de ses voyages lointains des objets étranges et inutiles. Cette fois, il a ramené à son neveu un caméléon que l'enfant, Madec, observe dans sa boite en plastique. Pas facile de jeter cela à la poubelle.
Tony s'amuse à raconter à sa soeur ses aventures peu recommandables en Colombie, sachant que celle-ci, qui ne vit que dans le présent, ne l'écoute pas. En effet, Laurence est en train de s'inquiéter des crottes que le caméléon va faire. Tony taquine sa soeur en lui rappelant qu'elle a renoncé à suivre un bel amoureux romantique, Astor, en Argentine ( et à quitter Stéphane) pendant son internat. Furieuse, celle-ci, qui depuis cet épisode, s'est interdit toute joie, songe au moyen de se débarrasser du caméléon. Elle se réjouit de voir que Madec semble déçu par le caméléon ( qui est moins beau que sur les images) et, perfidement, elle lui propose de le garder près de lui dans sa chambre. Mais l'enfant, devinant les sentiments de sa mère, pour la contrarier, dit qu'il aime l'animal et l'appelle Big. La mère imagine alors une stratégie perverse : comme ils vont partir en vacances en Toscane, elle s'arrangera pour que l'enfant oublie de prendre le caméléon et s'exclamera au cours du voyage qu'elle a oublié de nourrir le caméléon, mais que ce n'est pas grave car ces animaux survivent sans nourriture dans la jungle.
Au retour, on retrouvera Big mort sur le dos, tout racorni et tout sera bien qui finira bien.
ch.3
Madec, qui a sept ans, a un frère aîné Vladimir et un cadet, Antonin. Alors que les deux autres sont blonds et de tempérament malléable, Madec, qui est roux a plutôt des goûts de paysan, aussi étranger à la famille que son prénom.
Le père, Stéphane, a eu un coup de coeur pour ce prénom à consonance celtique lors d'un congrès médical en Irlande. Sa femme l'a accepté à contre-coeur en disant au père qu'il « prenait ses responsabilités avec ce gosse ». Deux semaines après, l'enfant est né par une césarienne d'urgence à cause d' un accident rare du cordon ombilical.
Laurence, qui a des principes éducatifs stricts, et impose à sa famille une cuisine bio insipide, a tout de même acheté un jeu vidéo à ses fils. Madec, en voyant ses frères zapper stupidement avec la télécommande, doute qu'il soit du même sang qu'eux et décide de sortir.
C'est un mercredi d'automne, jour sans école. Les parents sont de garde à l'hôpital et comme les frères Macand sont d'une sagesse proverbiale, c'est un jour de liberté pour eux. Madec descend pieds nus vers la plage et rêve à son caméléon que son père a bien accueilli car il n'a pas grand chose à dire à son fils et cela lui fera toujours un sujet de conversation.
Pour voir jusqu'à quel point sa peau peut rougir, Madec se déshabille complètement et va se baigner. Il est content car il est tout rouge dans les vagues.
En face de la plage, l'infirmière Francine Frêle, le voit et se précipite pour traverser la route et aller le chercher. Son menton rencontre le pare-choc d'un camion transportant dix tonnes d'huitres. Elle meurt, et sa cervelle se mêle aux coquilles broyées. Madec arrive et demande si elle est morte.
Stéphane Macand donne son point de vue sur l'événement à sa femme en ces termes :
« Avec une haleine d'aquavit, Stéphane Macand expliquait à son épouse qu'ils n'auraient rien pu empêcher, qu'ils ne se trouvaient pas sur place-ni lui ni elle--toi comme moi. Que les accidents survenaient justement par accident. »
Laurence, passant à la limite, sur l'homicide involontaire de son enfant, est surtout choquée par le fait qu'il se promenait tout nu sur la voie publique, rejetant la faute sur la proximité de la plage nudiste (et homosexuelle) inaugurée par les autorités religieuses trop complaisantes pour les valeurs laxistes de la gauche.
En regardant son mari, elle le trouve mou et inintéressant. Il est porté sur l'alcool et cela fait même l'objet de « private jokes » à l'hôpital. Mais comme il a un bon diagnostic... Laurence , femme frustrée, se plaît à souligner que son mari est un raté.
Madec est puni, l'infirmière enterrée. Il y aura plus tard un procès pour déterminer la part de responsabilité de l'infirmière et des parents de Madec, dans l'accident.
Avec de la colle forte fournie par la municipalité, les enfants des écoles vont chacun coller une coquille d'huitre sur la tombe de la victime. Au fil du temps, cela deviendra un lieu célèbre de pèlerinage, cela rapportera beaucoup d'argent à la municipalité qui,reconnaissante, décorera Sandrine Frêle, « pour son engagement » dans ce processus.
Ch.4
Madec, lorsque ses parents sont de garde, aime regarder la télévision le soir dans leur lit. En voyant sur l'écran une femme se faire dévorer accidentellement par un tigre dans un zoo, sous les yeux des visiteurs subitement très intéressés par la vie animale, il joue avec l'idée d'une mort violente.
Puis il repense aux dimanches à la messe où il passe son temps à observer les gens et notamment les vieilles dames (les volailles, comme il les appelle.). Il constate que sa mère pleure parfois pendant les chants religieux et ne sait pas pourquoi. Elle non plus d'ailleurs.
Ch.5
Un jour, après la messe, il demande au vieux père Garrec d'aller avec lui à la ferme pour voir les vaches. A la maison, le vieil homme raconte de vieilles histoires en buvant du vin rouge. L'enfant insiste pour en boire un verre, puis deux et s'endort. Le vieux, lui aussi, ivre, se met à dormir; Il est réveillé par la police à la recherche de l'enfant depuis des heures. Le gamin est retrouvé endormi avec les vaches, confié à six pédopsychiatres pour voir s'il n'a pas souffert de la séquestration et examiné par un médecin qui établit qu'il n'y a pas eu viol. Le vieil homme est interné en hôpital psychiatrique, il y meurt au bout de trois semaines de même que ses quarante vaches que personne a pensé à abreuver en son absence.
Ch.6
Départ vers la Toscane. Voyage ennuyeux à écouter les histoires sans intérêt du père et à chercher sans succès des restaurants ouverts.
Laurence se souvient de sa première rencontre avec son mari lors d'une opération chirurgicale où elle l'assistait. Elle avait décidé de le séduire car elle voulait être mère. Ce n'est que sur le parking qu'elle s'est rendue compte avec effroi, comme il n'avait plus son masque opératoire, qu'une horrible balafre lui traversait le bas du visage. Elle a tout de même constaté qu'il avait les traits droits et les yeux clairs et a calculé que cette cicatrice le rendrait plus vulnérable et empressé, ce qui l'a décidée.
Cinq ans plus tard naît Vladimir, leur premier enfant.
ch.7
Laurence est physiquement harmonieuse mais trop métallique pour être gracieuse. Ses traits sont mordants, ses joues lisses, son front finement plissé, ses cheveux d'un blond nordique. Mais chez elle « tout ne tient qu'à un fil qu'elle retient entre ses lèvres pincées ». C'est une femme dominante qui ne supporte pas la contradiction et fait passer ses contradicteurs pour des fous ou des crétins. « Elle savait qu'elle savait ».
Stéphane lui cède pour avoir la paix et comme elle dirige le service de cardiologie, il préfère lui laisser l'illusion du pouvoir. Plus adolescent qu'homme, imberbe, à 46 ans, il n'a aucune calvitie. Leurs relations sont froidement réglées, l'amour et la sexualité y tiennent peu de place.
Entre ce père modéré et cette mère très sévère, Madec, au contraire de ses frères qui s'accommodent de la situation, se sent très seul. Sa mère, à cause de cela pense qu'il ne l'aime pas et attribue ses fréquentes migraines à un fils qu'elle ne comprend pas. Elle a parfois des cauchemars où elle se voit comme un animal dévoré par ses propres enfants.
Lors d'une halte en Italie, un gentil marchand offre à Madec un porte-clef avec un scorpion dans de la résine qui fascine Madec et lui rappelle Big. La mère est obligée d'accepter mais refuse de le donner à son fils car un scorpion « ce n'est pas fait pour un enfant de sept ans ».
ch. 8
Ils arrivent au lotissement, des bungalows industriels dans une pinède , avec piscine et près de la mer,mais Laurence est déçue car c'est moins bien que sur le Web et elle se demande ce que vont en penser les Josserand qui arrivent le lendemain. Elle se console en se disant que , « comme c'est cher, on ne sera pas avec des ploucs ». Ils décident d'aller à la piscine. Avant de partir, comme elle ne peut jeter le porte clef au scorpion à la poubelle, elle décide de le placer sur le plus haut placard de la cuisine.
ch.9
A la piscine, Madec, toujours à la recherche de l'imprévu qui pimente une vie trop monotone, explore en apnée le fond de l'eau. Lorsqu'il remonte, ses frères lui maintiennent la tête sous l'eau. Μadec boit et s'évanouit.
Ron Murdoch, qui était sur un transat au bord de la piscine, se précipite et sort l'enfant inanimé de l'eau.
Laurence, voyant l'attroupement depuis les vestiaires, se précipite et donne les premières secours à son fils qu'elle parvient à ranimer. Elle remercie chaleureusement Murdoch qui décline son invitation à un repas.
Les frères ne sont pas grondés mais Madec est gâté: on lui fait son lit dans le petit salon devant la télé et on lui apporte son repas. Les frères s'excusent auprès de lui. Il réclame son scorpion mais Laurence butée et qui se trouve comme prétexte que ce objet peut contenir des microbes, explique d'un air ennuyé à Madec qu'elle l'a perdu. Madec, furieux ne la croit pas.
ch.10
Laurence raconte d'un air détaché à son mari qui vient de rentrer, ce qui vient de se passer, en insistant sur la gentillesse de l'Anglais. Ils en concluent :« plus de peur que de mal. »
Arrivée des Josserand, qui ont un bungalow à l'autre bout du complexe. Lui, Julien, grand et beau est architecte, sa femme Sylviane envie la maigreur de Laurence et se console en se disant qu'elle, elle a de gros os. Laurence s'est réjouie en apprenant que Julien à trompé Sylviane avec sa secrétaire, ce qui l'a un peu consolée d'avoir un mari avec une cicatrice si repoussante.
Les amis se donnent rendez-vous à la plage à 14 heures.
ch.11
De retour de la plage, Laurence fait
lire a son aîné de 11 ans un livre comportant des scènes de
violence et beaucoup trop difficile pour lui. Ils leur préparent des
pâtes au lait, plat traditionnel lorsque les parents sont de sortie.
Après, Laurence ajoute:
« ...maintenant on va se coucher;
parce qu'après s'être occupés de vous toute la journée, Papa et
maman ont envie de passer la soirée avec leurs amis. »
Stéphane va chercher les Josserand.
Peu après, Fabien arrive avec sa fille Mahaut, et apporte comme
cadeau à Madec, un vieux livre trouvé dans une brocante, qui
raconte l'Histoire du Kappa, un monstre qui se cache dans l'eau pour
noyer les gosses. Comme ça, dit-il, cela fera à Madec un souvenir
de sa noyade. S'ensuit, fait par un Fabien rigolard, un horrible
récit de ce monstre aquatique, dévoreur d'enfant dans les plus
atroces souffrances. Mais pour rassurer un Madec terrorisé, Fabien,
lui révèle que seuls des concombres, mets favori des Kappas, les
éloignent des enfants. Laurence, qui avait couché les autres
enfants, éteint la lumière et ne comprend pas pourquoi Madec se met
à hurler et lui demande de lui rapporter des concombres.
Perturbé, Fabien convient avec
Laurence de se retrouver au resto.
ch.12
Le restaurant ne pouvant fournir des
concombres,Laurence et son mari vont acheter des concombres dans une
épicerie et retournent au restaurant.
Madec qui a très peur des Kappas
décide de retrouver le scorpion que sa mère a caché car lui seul
pourra le protéger du monstre. Alors qu'il est dans la cuisine pour
chercher une grande fourchette à viande dans un tiroir, il déduit
que sa mère a dû cacher le porte-clef en hauteur. Il essaie donc
d'atteindre le haut du placard en montant sur une chaise de bar,
ajoute par dessus un couscoussier retourné et enfin, au sommet du
placard, distingue la forme du scorpion. Au moment où il s'en
saisit, l'équilibre se rompt, il bascule en arrière, son crane
heurte l'angle de la table et il tombe en s'embrochant le cou sur la
fourchette à viande. Il meurt. Le bruit n'a pas réveillé les
frères.
Laurence qui s'est absentée du
restaurant pour lui rapporter les concombres promis, arrive au
bungalow, ne le trouve pas dans le salon et bute sur son corps dans
la cuisine. Un peu de sang a coulé de sa gorge. Sans réfléchir,
elle remet tout en place, enveloppe le corps dans la nappe, nettoie
le sol tâché de sang avec une lingette imbibée de Javel, la met
dans la nappe et transporte le corps dans le coffre de sa voiture.
Elle roule jusqu'à l'extrémité de la résidence et, dans la pluie,
le dépose dans un petit canal d'évacuation boueux puis le recouvre
de branches. Elle repart en voiture.
« L'instant d'après, on vit une 807
se garer devant La Buona Tavola. On vit une femme aux vêtements
mouillés en sortir. On vit la femme rejoindre la table de ses amis,
se recoiffer en crochetant ses doigts comme un peigne, découper la
part d'une pizza quatre-saison dont elle déplora la froideur. On vit
cette femme manger. On la vit rire. »
ch. 13
Ses amis lui demandent si les concombres ont calmé Madec. Elle répond « oui » sans réfléchir et se corrige immédiatement : « Il dormait quand je suis entrée . » Elle pense que Madec était un peu comme un faux mort au cinéma.
Lorsqu'ils reviennent au bungalow, , la porte est entrouverte et la lumière allumée. Ne trouvant pas Madec, le père dit qu'il va explorer les alentours car il ne serait pas étonné que l'enfant soit allé se promener en pleine nuit. Il demande à sa femme d'aller faire un tour en voiture pendant qu'il va aller à la piscine et à la plage. Il sort en fermant la porte à double tour.
Laurence se rend machinalement vers l'endroit où est caché le corps. Elle a du mal à réaliser que c'est le corps de Madec. Elle le porte dans le coffre de la voiture.
Elle roule le long de la falaise surplombant la mer et s'arrête sur le bas-côté, là où un terrain vague, interdit au public, débouche sur le vide. Elle lâche le corps qui tombe dans le fracas des vagues. Elle se met à éternuer et est soulagée de trouver dans sa poche un mouchoir froissé « mais encore propre . »
Ron Murdoch qui était sorti faire un tour pour se détendre, la reconnaît au volant de la voiture à son retour . Pendant ce temps, le père et le gardien ont contacté la police.
Laurence se rend à la cuisine et elle voit par terre le scorpion. Alors, subitement, elle se rend compte que ce n'était pas un simple accident mais que « son fils s'était tué par elle. ». Elle s'effondre sur le sol en une violente crise d'hystérie dont le mari ne comprend pas la soudaineté. Elle entend la police arriver, questionner son mari. On va l'interroger.
« Laurence pensa à Antonin, à Vladimir. Combien elle les aimait. Pour eux, elle prit une décision. Cette décision tenait en trois mots, qu'elle prononça à voix basse pour la toute première fois: « Madec a disparu ».
ch.14
Des brigades mobiles fouillent les alentours. Stéphane passe la nuit au commissariat, Laurence reste avec les garçons. A sept heures du matin, son mari revient avec l'inspecteur Paolo Andreotti qui parle bien français. Bien bâti, l'aspect juvénile, un sourire en coin qui lui donne un air faussement bête. Ils s'assoient dans la cuisine pendant que les policiers fouillent le petit salon. Il y a trop de monde dans un si petit espace ce que Laurence remarque avec intérêt:
« Laurence fixa les semelles innocentes des agents de police, qui gommaient les résidus de son secret. » Ils effacent avec leurs chaussures, les traces qui pourraient révéler l'accident).
Stéphane fait un résumé des faits jusqu'à l'arrivée de la police. Laurence, qui a peur, dit qu'elle confirme ce qu'a dit son mari mais Andréotti lui fait remarquer que cela ne suffit pas et qu'elle doit raconter ce qui s'est passé lorsqu'elle est revenue, sans son mari, avec les concombres.
« Laurence pensa à Antonin, à Vladimir. Combien elle les aimait. Pour eux, elle prit une décision. Cette décision tenait en trois mots, qu'elle prononça à voix basse pour la toute première fois: « Madec a disparu ».
ch.14
Des brigades mobiles fouillent les alentours. Stéphane passe la nuit au commissariat, Laurence reste avec les garçons. A sept heures du matin, son mari revient avec l'inspecteur Paolo Andreotti qui parle bien français. Bien bâti, l'aspect juvénile, un sourire en coin qui lui donne un air faussement bête. Ils s'assoient dans la cuisine pendant que les policiers fouillent le petit salon. Il y a trop de monde dans un si petit espace ce que Laurence remarque avec intérêt:
« Laurence fixa les semelles innocentes des agents de police, qui gommaient les résidus de son secret. » Ils effacent avec leurs chaussures, les traces qui pourraient révéler l'accident).
Stéphane fait un résumé des faits jusqu'à l'arrivée de la police. Laurence, qui a peur, dit qu'elle confirme ce qu'a dit son mari mais Andréotti lui fait remarquer que cela ne suffit pas et qu'elle doit raconter ce qui s'est passé lorsqu'elle est revenue, sans son mari, avec les concombres.
« - Quand j'ai ouvert la porte du petit salon,mon fils dormait déjà. Je l'ai embrassé.
- Quelle heure était-il?
- C'était en début de soirée: 21 h.15 peut-être.
- Avez-vous refermé la porte en sortant?
- La porte principale?
- L'avez-vous fermée à clef?
- Je crois. Je n'aurais pas laissé les enfants sans ça. »
Laurence est assez satisfaite de ses réponses. Après tout ce n'est pas si difficile! Andreotti est perplexe : pas de trace d'effraction, des volets clos, une porte fermée à clef. En quête d'un détail révélateur, il demande à Laurence ce qu'elle a fait des concombre. Elle dit qu'elle ne sait pas. Andreotti note qu'ils sont restés sur un petit meuble, à côté d'un vide poche, dans l'entrée.
L'enquête débute avec les renseignements d'usage sur les activités passées des Macand. Une photo de Madec sera placardée sur tous les édifices publics de Toscane avant le soir.
Laurence s'endurcit en l'espace de la journée. Le souvenir du corps de Madec s'éloigne petit à petit , comme une radeau dérivant vers l'horizon. Stéphane, complètement déboussolé par le chagrin et l'inquiétude, se rend compte néanmoins que sa chère Laurence ne sera plus jamais la même.
Ch15
Deux jours ont passé. Les recherches n'ont rien donné, personne n'a rien vu. Des bergers allemands on été déployés sur le terrain, à la grande frayeur de Laurence, mais comme il avait plu, ils n'ont pas trouvé de trace. Ils n'ont pu fouiller le bungalow que Laurence avait subrepticement fermé de l'intérieur. Elle a encore frotté avec du Javel le sol et les plinthes de la cuisine.
- La porte principale?
- L'avez-vous fermée à clef?
- Je crois. Je n'aurais pas laissé les enfants sans ça. »
Laurence est assez satisfaite de ses réponses. Après tout ce n'est pas si difficile! Andreotti est perplexe : pas de trace d'effraction, des volets clos, une porte fermée à clef. En quête d'un détail révélateur, il demande à Laurence ce qu'elle a fait des concombre. Elle dit qu'elle ne sait pas. Andreotti note qu'ils sont restés sur un petit meuble, à côté d'un vide poche, dans l'entrée.
L'enquête débute avec les renseignements d'usage sur les activités passées des Macand. Une photo de Madec sera placardée sur tous les édifices publics de Toscane avant le soir.
Laurence s'endurcit en l'espace de la journée. Le souvenir du corps de Madec s'éloigne petit à petit , comme une radeau dérivant vers l'horizon. Stéphane, complètement déboussolé par le chagrin et l'inquiétude, se rend compte néanmoins que sa chère Laurence ne sera plus jamais la même.
Ch15
Deux jours ont passé. Les recherches n'ont rien donné, personne n'a rien vu. Des bergers allemands on été déployés sur le terrain, à la grande frayeur de Laurence, mais comme il avait plu, ils n'ont pas trouvé de trace. Ils n'ont pu fouiller le bungalow que Laurence avait subrepticement fermé de l'intérieur. Elle a encore frotté avec du Javel le sol et les plinthes de la cuisine.
Les Josserand n'ont été prévenus que le lendemain de la disparition. Sylviane et Laurence se rendent compte avec un lointain regret qu'il ne peut plus être question de vacances. Sylviane propose de ramener les garçons. Laurence se rend compte qu'ils constituent un handicap pour elle car ils lui donnent de la force. Or « la vérité brille mieux dans les larmes. ». Et puis les Josserand seraient, par leur départ, un poids en moins également.
Laurence rabroue sèchement le directeur de la résidence qui s'inquiète de tout le remue-ménage causé par la disparition et de ses répercussions sur la clientèle. Laurence découvre alors en elle un pouvoir inconnu : « celui des mères atteintes dans leur maternité ».
Un journal régional, Ouest-France, essaie de les contacter par téléphone. Stéphane est un peu flatté mais se fait attraper par Laurence qui lui dit que la police, ça suffit, que « c'est une affaire d'enlèvement » et qu'ils ne vont pas raconter leur vie aux tabloïds.
En elle-même cependant, elle imagine déjà la Une du journal, les photos. Elle s'entend dire : « j'exige que soient brouillés les visages de mes autres enfants. » Le petit monde de Granville lui paraît soudain bien minable. « Pour Madec, Laurence voyait plus grand. »
ch.16
Encore célibataire à 46 ans, Paulo Andreotti vit, comme c'est la coutume, chez sa mère. Il apprécie bien la vie et consacre beaucoup de temps à ses enquêtes.
C'est étrange si l'enfant a été enlevé qu'il n'ait pas fait du bruit et réveillé ses frères. Aucun résidu de chloroforme n'a été détecté par la police scientifique. Que font les concombres dans l'entrée alors qu'ils auraient dû se trouver dans la chambre de l'enfant ou la cuisine? A moins que ce soit l'enfant qui les ait posés là avant de sortir à l'extérieur où il aurait été kidnappé?
Laurence rabroue sèchement le directeur de la résidence qui s'inquiète de tout le remue-ménage causé par la disparition et de ses répercussions sur la clientèle. Laurence découvre alors en elle un pouvoir inconnu : « celui des mères atteintes dans leur maternité ».
Un journal régional, Ouest-France, essaie de les contacter par téléphone. Stéphane est un peu flatté mais se fait attraper par Laurence qui lui dit que la police, ça suffit, que « c'est une affaire d'enlèvement » et qu'ils ne vont pas raconter leur vie aux tabloïds.
En elle-même cependant, elle imagine déjà la Une du journal, les photos. Elle s'entend dire : « j'exige que soient brouillés les visages de mes autres enfants. » Le petit monde de Granville lui paraît soudain bien minable. « Pour Madec, Laurence voyait plus grand. »
ch.16
Encore célibataire à 46 ans, Paulo Andreotti vit, comme c'est la coutume, chez sa mère. Il apprécie bien la vie et consacre beaucoup de temps à ses enquêtes.
C'est étrange si l'enfant a été enlevé qu'il n'ait pas fait du bruit et réveillé ses frères. Aucun résidu de chloroforme n'a été détecté par la police scientifique. Que font les concombres dans l'entrée alors qu'ils auraient dû se trouver dans la chambre de l'enfant ou la cuisine? A moins que ce soit l'enfant qui les ait posés là avant de sortir à l'extérieur où il aurait été kidnappé?
Il va réinterroger tout le monde, vérifier les casiers judiciaires et les alibis. Il éprouve de l'affection pour Laurence qui lui rappelle une ancienne conquête. Il pense aussi à son meilleur ami, Simone Cazzi, qui n'a pas eu de chance dans la vie, battu par ses parents, né un 29 février (un cadeau tous les quatre ans), et qui, alors qu'il était heureux après avoir tuné la voiture de ses rêves, a vu cette dernière broyée en quelques secondes par un camion poubelle. Il ne va pas bien fort depuis.
ch.17
Laurence, qui n'a pas mangé depuis
quatre jours, repousse l'image du corps de Madec qui revient par
intermittence, en répétant : « je ne l'ai pas tué. »En réfléchissant, elle conclut : «
ce qui manquait à l'affaire pour grossir, c'était un coupable. » Son sang se glace lorsque Andreotti
vient leur annoncer que la brigade maritime explore les côtes à la
recherche d'un corps. Elle imagine le retour à Granville dans la
honte et la douleur.
Andreotti leur annonce aussi que la
presse va bientôt arriver pour les interviewer et leur conseille de
s'en méfier. Laurence, qui a opposé d'un air
offusqué un non de principe, est bien contente cependant quand
Andreotti fait remarquer que la presse pourrait aider dans les
recherches. Elle fait alors semblant de se résigner: « dans ce
cas, bien sûr... »
Le soir, elle craint le pire lorsque
l'inspecteur frappe à la porte. Il lui apporte une photo , celle
d'un suspect.
ch.18
Ron Murdoch se souvient de son passé.
Professeur dans une école anglaise en Italie, il y a été condamné
à 16 ans de prison en Angleterre pour attouchement sur de jeunes
élèves. Il avait plaidé coupable en regrettant que la peine de
mort n'existe pas. A sa sortie de prison, à Leicester, il a trouvé
un emploi dans un bar. Il a fui à Londres car le barman de 20 ans,
Magnus, était tombé amoureux de lui et qu'il s'était juré de ne
plus jamais fréquenter de jeunes adolescents. Magnus l'a cependant
retrouvé et ils ont emménagé ensemble.
Pour lui faire plaisir, Ron, qui venait
d'hériter de sa mère, lui a offert de partir en vacances. Magnus a
choisi l'Italie, dans un village tranquille de vacances. Ron a hésité
puis accepté. Cependant, peu avant le départ, Il tient à tout dire
à Magnus de son passé. Magnus, qui savait tout, lui reproche,
d'avoir, par cet aveu, dressé un mur entre eux et le quitte. Ron part seul en Italie. A la piscine,
il va à la rescousse d'un enfant qui se noie. Après, il va visiter
pendant deux jours des monuments à Florence.
A son retour , la police l'attend et
l'inspecteur l'informe, d'une voix douce, qu'il est le principal
suspect dans l'enlèvement d'un petit garçon: Madec Macand.
ch.19
Laurence est étonnée de voir la photo
de Murdoch qui ressemble plus à Georges Clooney qu'à un pédophile.
De toutes façon, elle estime que comme il a été coupable du pire,
il peut payer deux fois.
Elle fond en larmes et s'exclame : « Ce qui est épouvantable,
Inspecteur, c'est qu'il lui a sauvé la vie, avant. »
Une semaine a passé, l'enquête est
devenue une affaire. Des analyses ADN chez Murdoch n'ont rien donné.
Andreotti ne croit pas beaucoup en sa culpabilité.
Les médias se pressent devant le
bungalow. Les Macand feignent de les ignorer. Le magazine VSD offre
15000 euros pour une interview. Laurence est flattée par la
proposition:
« Elle estima qu'en attendant
davantage, les enchères allaient monter. Elle s'immobilisa.
Fallait-il avoir mauvaise conscience de marchander ainsi? Tout cela
c'était pour Madec. Pour le bonheur de ses frères, de sa famille;
pour la possibilité de vivre en dehors de lui. »
Obsédé par son passé et sous le
poids des soupçons récents, Murdoch veut se suicider en se jetant
du haut d'une falaise, mais un autre homme le double et se précipite
avant lui dans le vide. Cela le dissuade.
ch.20
Tony appelle et dit à Laurence qu'il
lui faut « un plan médias ».Les Josserand repartent en France, avec
les deux autres garçons.
Laurence se demande si Madec lui manque
et constate : « Depuis peu, la disparition de son
fils occupait une place plus importante que le fils lui-même. Elle
aurait voulu le serrer dans ses bras-qu'il se débatte un peu. Tête
de mule. La mère se souvint d'une session de coloriage. Pourquoi
Madec dépassait-il tant des contours? Laurence avait saisi le crayon
rouge et rempli une tomate proprement. Malgré l'exemple, Madec
dépassait encore. Arrachant le cahier des mains de son fils,
Laurence avait vidé une boite de feutres et s'était mise à
colorier tous les autres légumes. »
Andréotti arrive chez les Macand. La
piste de Murdoch ne donne rien. Il sera à nouveau interrogé en
présence de psychologues et avec un détecteur de mensonge. Le sang
de Laurence se glace lorsque l'inspecteur lui apprend qu'un de ses
amis est mort en se jetant du haut de la falaise et que les plongeurs
vont fouiller le littoral.
Le directeur de l'hôtel leur demande
d'avoir quitté les lieux pour le lendemain midi. L'oncle de Madec veut faire du «
buzz » pour émouvoir le monde. Pour cela, il faut :1 de l'argent, 2
de la notoriété.Il va contacter, par l'intermédiaire d'une amie,
Yannick Noah (note: Tennisman et chanteur français, personnalité
préférée des Français). Il rejoint sa soeur en Italie. Devant
les journalistes, il déclare : « Je suis le porte-parole de la
famille Macand ».
Laurence n'en croit pas sa chance quand
on lui apprend que les plongeurs n'ont ramené que le corps de Simone
Cazzi.
ch.21
Les Macand ont emménagé dans un
nouvel hôtel. Lors de l'inventaire, le directeur de l'hôtel
précédent, a signalé l'absence de la fourchette à viande.
Laurence, l'a pris de haut, affirmant qu'elle n'était pas là lors
de leur arrivée. Stéphane a jeté un gros billet aux pieds du
directeur qui demandait son remboursement. Laurence a apprécié la
noblesse du geste.
Ron a passé avec sincérité le test
du polygraphe. Andréotti est de plus en plus persuadé de son
innocence mais sa hiérarchie, au niveau ministériel, commence à
faire pression. Il le fait donc placer en détention provisoire.
Yannick Noah a enregistré une vidéo
avec le texte que Tony lui a envoyé. Tony est très satisfait du
résultat. Le chanteur tourné vers la caméra dit: « J'arrête de chanter un instant
pour cet enfant. Cet enfant qui s'appelle Madec. Cet enfant qui a
disparu. Juste un instant pour lui. Parce qu'il faut le retrouver.
Parce que, ensemble, on peut faire des miracles. N'oubliez pas: juste
un instant. Pour Madec Macand . » Mais la vidéo a peu de succès. Par
contre, un article d'un journal satirique, publié sur le Web,
connaît un gros succès. Il est intitulé : « Quand Noah démago se prend pour
Colombo. »
Laurence est furieuse de ce ratage.
ch.22
Les Macand décident alors
d'enregistrer un message improvisé avec leur caméra, en
contre-jour, avec un plan qui creuse les visages. Ce message a
beaucoup de succès sur le Web.
Pendant ce temps, dans un salon doré,
en France, le jeune ministre de l'Intérieur qui fait beaucoup parler
de lui, repose le journal Le Figaro et pense que c'est une bonne
occasion de redorer l'image de la police française à l'étranger.
Il décide d'envoyer un de ses meilleurs inspecteurs en Toscane.
(note: en 2002 et 2003, le ministre de
l'Intérieur était Nicolas Sarkozy)
Au moment où, sur le conseil de Tony,
les Macand vont désactiver leurs téléphones français pour prendre
un abonnement italien, le téléphone de Laurence retentit : c'est
une communication du ministre de l'Intérieur. Pendant les cinq
minutes de conversation, le ministre s'est posé en père. « Il l'avait rassurée, en s'engageant
personnellement,à ce que tout soit mis en oeuvre pour lui rendre son
fils. » Il a été si convaincant que pendant
quelques secondes Laurence a espéré retrouver Madec.
L'inspecteur français Jacques
Braconnet est accueilli sans enthousiasme par Andréotti qui anticipe
une charge inutile de travail, d'autant plus, qu'à la demande
expresse du ministre, des journalistes accompagnent partout la police
française. Braconnet explique aux Macand qu'un plan Alerte
Enlèvement aurait dû être déclenché. Cela n'affecte pas
Andréotti car s'il ne l'a pas déclenché, « c'est qu'il ne l'avait
pas jugé nécessaire. Son instinct lui suggérait que la vérité se
cachait ailleurs. »
L'inspecteur français souhaite une
reconstitution ce qui paraît impossible à Laurence qui a effacé
tout le décor de cette soirée, de sa mémoire. Place Beauvau (note : siège du
Ministère de l'Intérieur), le ministre repense à la vidéo des
McCann vue au journal télévisé de TF1 (en regrettant d'avoir
oublié d'appeler le présentateur pour lui souhaiter son
anniversaire):« Dans leur désespoir, les Macand
semblaient unis. Comment se prénommait leur fille? Avant son
enlèvement, cette petite Madaine (il retenait mal les prénoms
originaux) devait être heureuse. »
Stéphane, qui essaie de gérer son
absence à l'hopital, appelle les Josserand pour les informer du
désir de l'inspecteur français de faire une reconstitution. Leur
trajet sera payé et cela ne durera pas longtemps. Fabien donne leur
accord, si c'est bien pour Madec.
Stéphane annonce la nouvelle à
Laurence qui revient de chez le coiffeur (« regarde ma tête, j'ai
honte de passer à la télé). La seconde suivante, son épouse le
gifle. Pris d'une rage soudaine, il frappe violemment au visage sa
femme qui s'évanouit.
ch.23
Après avoir repris connaissance,
Laurence qui n'en veut pas à son mari, ( et a même plutôt aimé
cela) pleure avec lui. Refaire de façon fictive les gestes de la
soirée fatale, c'est au-dessus de ses forces.
Pour prendre l'air, Laurence va sur des
rochers au bord de l'eau. Elle ne s'est jamais épanouie dans sa
vie, son mari, en dépit de sa bonne volonté, n 'a pas compris ses
attentes.
Elle repense à sa vidéo: « Elle
n'était pas célèbre, mais elle était connue. C'était comme
exister davantage. » Elle a appris de Tony les règles essentielles
du média training : « gérer le silence,..résumer des faits,
placer ses éléments de langage ».La règle d'or, en communication
de crise , étant de « répéter en boucle, robotiquement, les
détails concrets – et rien que les détails concrets ( date,
heure, lieux, noms) ».Elle se rend compte alors que depuis le
début de la journée,elle n'a pas encore pensé à son fils.
Andréotti a rencontré une jeune femme
qui désire fonder un foyer avec lui. Vu l'état du monde et les
contraintes de son métier, cela ne l'enthousiasme guère. Dans le
journal local, il lit un fait divers: un baigneur s'est blessé au
pied avec une fourchette à viande. Le journal somme la population
locale de prendre garde aux objets abandonnés dans la mer. Et
Andréotti déplore que , dans un journal, on puisse accorder autant
de place à une égratignure sur une plage, un fait aussi
insignifiant. Ah, « depuis Berlusconi, la situation
s'était bien dégradée... »
ch.24
La situation financière des Macand
pose problème. Le séjour coûte cher et Stéphane n'est plus payé.
Comme Tony a organisé une conférence de presse, ce sera l'occasion
de lancer un appel aux dons.
Laurence, qui est sortie par l'arrière
du bâtiment où sera organisée la conférence, avise sur le parking
une jeune journaliste seule et désoeuvrée dans sa voiture. Elle
demande à lui parler en privé, et une fois dans le véhicule, elle
chuchote : « La police sait qui a tué mon fils. »
Dès 16 heures, une riche vieille dame
de Versailles ( note : Liliane Bettencourt), fait un chèque de 50
000 euros, chèque qui sera versé à une association loi 1901, créée
trois jours avant en urgence : « Retrouvons Madec »
Stéphane est furieux car il vient de
voir avec Tony le reportage de France 2 de 13 heures qui a annoncé
que Fabien et Sylviane figuraient « parmi les principaux suspects
dans la disparition (et probablement la mort) de Madec. Une enquête
était en cours à leur sujet. » Il téléphone la nouvelle à Laurence
qui s'exclame : « on nage en plein délire! » Et elle se met à réfléchir: « La mécanique fonctionnait. Dans
quelques heures, les Josserand auraient forcément visionné le
reportage. Ils s'indigneraient qu'on les accuse. Ils porteraient
plainte pour diffamation. Et se braqueraient. En excluant bien sûr
de participer à la moindre reconstitution. L'inspecteur Braconnet
renoncerait à son idée infernale. »
La nature est bien faite, songe
Laurence soulagée, savourant presque le moment: la perte d'un enfant
s'accompagne d'un tas de démarches et de désagréments épuisants
mais qui font tout de même oublier un peu le chagrin de la perte
elle-même.
ch.25
En dépit des réticences des Macand
qui trouvent cela assez déplacé, Tony insiste pour organiser un
buffet pour les journalistes de la conférence. Laurence a obtenu ,
pour le principe, qu'il n'y ait pas d'oeufs de lump car les invités
risqueraient de prendre cela pour du caviar.
Tony affirme que s'ils sont bien
nourris, ils feront des articles plus longs.
Les journalistes, bien que surpris, se
précipitent sur la nourriture et le champagne. « Tout le monde
bouffe et s'arrache les restes. Il y a des blessés. » Stéphane,
outré par ce comportement, brise le verre d'un journaliste qui
exigeait une quatrième coupe de champagne. Laurence l'entraîne dans
une autre pièce et le remet vertement à sa place en ironisant sur
le peu de sobriété, d'habitude, de son mari. Il s'excuse.
ch.26
La conférence, relayée par des
journalistes de quatorze nationalités différentes, connaît un
grand succès. Les dons affluent. A minuit, il y a 300 000 euros de
promesses de dons. Tony se charge de la répartition des fonds : les
passages télé en prime time étant trop chers, « il opta pour une
communication en PQR et PQN, et affichage sur le mobilier urbain » (
note : en terme de communication, PQR=presse quotidienne régionale
PQR=presse quotidienne nationale)
Il contactera aussi des graphistes et
des régies publicitaires.
Comme prévu, Sylviane a porté plainte
contre France télévision. Elle appelle Laurence pour lui demander
ce qu'il faut faire des garçons dont elle ne veut plus assumer la
garde, vu les circonstances. Sur un ton assez froid et après avoir
consulté les sommes du fonds disponibles, Laurence l'informe qu'une
éducatrice de la paroisse viendra les chercher. La conversation
terminée, « la mère de Madec se rendit compte qu'elle n'avait
jamais aimé Sylviane. Qu'au premier revers, cette grosse vache lui
était devenu étrangère. Etait-il possible de se lier d'amitié
avec une personne laide physiquement? »
Le ministre, de son côté, s'indigne
de la faute commise par les journalistes. Il décroche son téléphone
et deux heures après, le CSA émet un blâme à l'encontre d'Antenne
2 pour son reportage mensonger. (note: CSA = Conseil Supérieur de
l'Audiovisuel, dont le président est nommé par le gouvernement mais
qui est indépendant...). De retour chez lui, il essuie une
violente colère de son épouse qui lui reproche ses infidélités
trop voyantes, lui dit que c'est pas parce qu'il peut « faire
émettre un putain de blâme du CSA » qu'il en est plus viril.
ch.27
Le ministre est fier d'avoir pu obtenir du Pape qu'il s'intéresse aux Macand. Son service de communication renseignera la rubrique « Indiscrets » des magazines sur le rôle qu'il aura joué dans l'obtention de cette entrevue.
La jeune journaliste de France 2 a été suspendue et l'affaire sera jugée en référé.(note : Le référé est une procédure permettant de demander au juge qu'il ordonne des mesures provisoires mais rapides tendant à préserver les droits du demandeur). L'avocat des Josserand demandant 230 000 euros de dommages et intérêts, Laurence estime qu'ils pourraient la remercier car, sans rien faire, ils vont gagner beaucoup d'argent grâce à elle.
C'est alors que le site internet d'un journal d'investigation publie un article accompagné d'un enregistrement clandestin: « SCANDALE AU CSA Quand les parents Macand tirent les ficelles des médias. On entendait alors la voix de Laurence, brouillée par des frottements. La mère de Madec chuchotait: « c'est de vous à moi-mais nos amis Josserand, qui sont interrogés en France, seraient à l'origine de la disparition de mon fils...Il serait mort. La police sait qui a tué mon fils. »
Dans son bureau, le ministre n'est pas content, mais pas du tout: : « -A chaque fois qu'on veut être sympa, ça se retourne contre vous.
La jeune journaliste de France 2 a été suspendue et l'affaire sera jugée en référé.(note : Le référé est une procédure permettant de demander au juge qu'il ordonne des mesures provisoires mais rapides tendant à préserver les droits du demandeur). L'avocat des Josserand demandant 230 000 euros de dommages et intérêts, Laurence estime qu'ils pourraient la remercier car, sans rien faire, ils vont gagner beaucoup d'argent grâce à elle.
C'est alors que le site internet d'un journal d'investigation publie un article accompagné d'un enregistrement clandestin: « SCANDALE AU CSA Quand les parents Macand tirent les ficelles des médias. On entendait alors la voix de Laurence, brouillée par des frottements. La mère de Madec chuchotait: « c'est de vous à moi-mais nos amis Josserand, qui sont interrogés en France, seraient à l'origine de la disparition de mon fils...Il serait mort. La police sait qui a tué mon fils. »
Dans son bureau, le ministre n'est pas content, mais pas du tout: : « -A chaque fois qu'on veut être sympa, ça se retourne contre vous.
-Vous avez pris la bonne décision monsieur le Ministre.
-Qu'est-ce que cette tarée avait besoin de raconter des conneries à la première caméra venue?
-On ne sait pas encore. Nous cherchons à la contacter.
-Je passe pour qui avec Carolis (ancien président de France télévision) , Interpol et le CSA ?
-Ca n'a rien à voir avec vous.
-Je vous rappelle que j'ai prévenu le pape: ça devient mondial leur affaire.
-C'est peut-être un faux monsieur.
-Vous savez que non, lâcha-t-il excédé. Les services l'ont analysé
-Oui, mais pour le reste du monde, c'est encore peut-être un faux. Personne ne l'a authentifié.
-Vous êtes sûr de ce que vous dites? Demanda le politicien après un silence habité.
-Je crois qu'il faut jouer cette carte monsieur le Ministre. »
Tétanisée, Laurence a fini par décrocher son téléphone. C'est encore le service de communication du ministère de l'Intérieur. On lui affirme qu'on sait que c'est un faux, que le ministre la soutiendra « dans son combat pour la vérité ». La voix répète:« un message, vous n'avez qu'un message à faire passer,qui est aussi le nôtre, madame Macand-ce document est un faux. »
Confrontée pour la première fois depuis la mort de Madec, à la réalité du monde, Laurence s'enferme dans les toilettes. Tony lui a surtout reproché de foutre en l'air la crédibilité de leur image de marque. Stéphane l'a scrutée comme une ennemie. Et elle se prend à songer que la vie n'est qu'un jeu, « le seul jeu dont le but est d'en connaître les règles. »
ch.28
Tony a loué une Mercedes pour aller voir le Pape.
Dans la confortable voiture, Laurence pense à l'enregistrement clandestin : « Il n'y avait décidément plus d'éthique dans la profession de journaliste. Tout ça pour des pourcentages d'audience ». Heureusement que, pour une raison inconnue, le gouvernement l'a soutenue.
Ils attendent, dans un petit salon, la fin de l'allocution du Pape. Laurence, dit sèchement à son mari qui prie sous un crucifix, de « cesser ce cirque ». Une escorte vient chercher les Macand pour les emmener au Très Saint-Père.
« Chemin faisant, Laurence sortit de son sac à main une bombe de laque Elnett pour cheveux secs et abimés. »
Le Pape est vieux et fatigué. Il y voit mal. Il harangue la foule du balcon dominant la place Saint-Pierre. Lorsqu'il se retourne, son conseiller spécial, Comman, lui présente la photo de Madec et ses parents et lui rappelle qu'il est convenu, avec le gouvernement français, d'en parler tout à l'heure.
Le Pape se retourne vers la foule pour son homélie finale. Il présente à la foule, non la photo de l'enfant, mais le fax et à l'envers. Un conseiller le met respectueusement à l'endroit:
« Questa ragazza è sparita. Piccola Madic è stata sottratta dall'amore dei suoi genitori » (Cette petite fille a disparu. La petite Madic a été soustraite à l'amour de ses parents).
Le conseiller murmure quelques mots à son oreille. Le Pape se corrige:« Piccolo Madec è stato sottratto dall'amore dei suoi genitori. Che Dio ci aiuti a ritrovarlo, con il vostro aiuto a tutti. » ( Le petit Madec a été soustrait à l'amour de sa famille, que Dieu lui vienne en aide ainsi que vous tous.
L'instant d'après, les Macand se retrouvent dans leur voiture. Laurence est déçue. Le pape s'est contenté de lui tendre une main molle, sans même la regarder.
Pendant le trajet, Laurence reçoit un appel du ministre. Elle le remercie et il lui dit que la police italienne « va activer le turbo ». L'enregistrement clandestin n'est pas évoqué. Laurence sent, pour la première fois, le cynisme l'envahir: « Il avait suffi que quelque chose dérange pour que la chose disparaisse. La sincérité est humaine, pensa-t-elle, mais la politique, c'est de la finasserie. »
ch.29
Il arrive parfois à Laurence, l'espace d'un instant, de croire que Madec a réellement disparu mais est vivant.
Moins de deux semaines après l'appel du Pape, les dons s'élèvent à plus de trois millions d'euros. Stéphane a exigé le recrutement d'un comptable professionnel. En effet, comme « l'erreur est humaine », Il ne veut pas courir le risque d'être poursuivi par le fisc lors de son retour en France.
Quarante jours ont passé pendant lesquels Andréotti a consacré toutes ses pensées à un enfant qu'il n'a jamais connu. Un jour , il a même imaginé:« Et s'il n'avait jamais existé? Ce serait une belle pièce (à la Pirandello).Il éprouve soudain de la lassitude en pensant aux centaines d'affaires qu'il a vu défiler dans sa carrière. Et s'il avait un enfant avec son amie Venezia?
C'est alors qu'il reçoit un appel du directeur de la prison : Ron Murdoch désire lui parler de toute urgence.
Tony a décidé de verser presque toutes les sommes de l'Association à diverses agences de détectives privés « qui disposaient souvent de moyens supérieurs à la police ». Quatre sont choisies, « dont le prestigieux Control Risks group, qui avait enquêté sur la mort de Lady Di »
Tony veut aussi avoir recours à la voyance pour retrouver Madec. Mais pas une simple voyance, une agence complète qui sortira le grand jeu: «lecture dans le cristal,dans le marc de café, tarot, tirage de cartes, pendules, télékinésie, hypnose-et même déchiffrage au sang. C'était un programme sérieux. »
Stéphane n'en revient pas du prix exorbitant réclamé. Bien sûr, c'est ennuyeux d'avoir à répéter éternellement les mêmes choses, mais au moins, «ce sont des hommes complaisants, et portant des costumes sur mesure. »
Depuis la violente dispute avec Laurence, il se réveille en sursaut chaque nuit, à côté de Laurence qui dort, en criant : « je l'ai tuée! ».
Il se souvient de son enfance dans un milieu aisé et froid et de ce jour fatal où la voiture conduite par le chauffeur personnel de son père a été victime de l'accident qui a causé sa cicatrice. Le chauffeur, distrait par une jolie rousse sur un trottoir de Pigalle, avait grillé le feu rouge.
A l'hôpital, Stéphane s'était regardé dans le miroir: «Face à son visage déchiré puis recousu, Stéphane avait pris deux décisions ; ne plus jamais aller à Pigalle ; devenir chirurgien»
ch.30
C'est en regardant un reportage à la télé que Murdoch a reconnu en Laurence la conductrice qu'il avait aperçue au volant d'une voiture dans la résidence la nuit du drame. Ainsi Andréotti peut boucler le bec à ses collègues du commissariat, un peu jaloux de sa médiatisation , en leur expliquant « que le principal suspect venait d'incriminer la mère de l'enfant. »
Stéphane a envoyé une bouteille à la tête du journaliste qui lui a demandé s'il confirmait l'information selon laquelle Murdoch aurait vu Laurence, le soir de la disparition, pénétrant dans la résidence de l'extérieur, élément absent des multiples déclarations de Laurence. Il se demande pourquoi, alors qu'il va sortit de prison, faute de preuves, Murdoch professe une chose fausse.
Feignant d'abord l'ignorance, puis confrontée à Murdoch qui la reconnaît formellement, Laurence, qui a eu le temps de réfléchir à un alibi dans la voiture, affirme qu'elle est bien sortie de la résidence mais avec son mari pour aller chercher des concombres à son fils. Mais Murdoch est sûr de lui:« Il affirma qu'elle se trouvait seule dans la voiture-qu'il en était certain. Laurence détourna les yeux et déglutit. Tony en profita pour se lever, et exiger de mettre un terme à cette grotesquerie. Il tendit à Andréotti les coordonnées sur Bristol de ses avocats. C'était pratique, pensa-t-il, l'argent. Laurence et son frère quittèrent sans se retourner la salle de visites. Immédiatement, l'inspecteur dégagea un téléphone de sa poche pour contacter la brigade scientifique.
Il avait un monospace de marque française à passer au peigne fin» Murdoch, lui, a compris que sur Laurence pesait, comme sur lui, le lourd poids de la faute.
ch.31
« Laurence ne possédait plus son mari. Chaque fois qu'un journaliste s'approchait d'elle, Stéphane s'approchait du journaliste avec un air bravant. Il hurlait en anglais: « Leave her alone !» et faisait mine de frapper. On le savait maintenant capable de violence. Les images de ces esclandres, diffusées partout sur le web, étaient désastreuses pour le plan communication. Une application iphone proposait, exercices à l'appui, de s'entraîner à acquérir un aussi mauvais accent français que Stéphane Macand. »
Laurence implore Stéphane de se modérer, d'autant plus que les premières analyses de la 807 n'avaient rien donné.
Andréotti confie à Venezia qu'il est sûr de la culpabilité de Laurence Macand. Il a envie d'avoir un enfant, mais surtout « l'envie d'offrir à un fils une mère qui ne ressemblerait jamais à celle de Madec. »
Il n'y a rien de bien concret du côté des enquêteurs privés, excepté une piste au Maroc «qui dévoilait la photographie d'un touriste, dans le fond de laquelle on apercevait, sur le dos de la paysanne voilée, un visage pouvant être celui de Madec. La police locale avait été avertie, les recherches étaient déjà en cours. Tony avait réuni sa soeur et Stéphane pour leur présenter le cliché. Le tirage était de piètre qualité- et le visage possible du fils, égaré dans un flou agreste. La ressemblance était manifeste, mais il était impossible de confondre Madec avec certitude.»
Andréotti évite de plus en plus ses collègues. Il ne supporte plus d'interroger Laurence Macand car «elle minaudait en permanence et lui faisait perdre un temps précieux»
Laurence doit reconnaître que son frère, pour la première fois, a été efficace (même s'il se préoccupe plus de la présence des caméras que de la disparition de Madec). Le monde entier parle de Madec, elle est devenue une people, ce qui l'étonne. Elle gère chaque jour le dossier de presse transmis par une agence spécialisée. Et lorsque Stéphane se prend à rêver de faire carrière dans l'implantation des pacemakers, elle lui dit qu'elle doit «se remettre à avancer sur les papiers».
ch.32
C'est avec distraction que Laurence répond à l'envoyée spéciale de Paris Match :« Non, pour la photo, il faudra prendre attache avec Tony Legendre, notre porte-parole, qui s'occupe des droits de diffusion...Oui Madec avait de bonnes notes. Mais vous savez il était en CP...Tant qu'il n'est pas mort, on y croit encore. C'est grâce à cette lumière qu'on avance dans le tunnel»
En effet, elle a été bouleversée, lorsqu'elle est sortie, par sa rencontre avec un chien qui lui a rappelé cette promenade au bord de la mer ...Madec s'était précipité, sans l'écouter, vers un gros chien attaché et qui grognait férocement. Avec une impuissante horreur, elle avait vu le chien sauter sur l'enfant pour....le lécher et jouer avec lui. Il n'avait pas du tout eu peur et elle s'était demandé si ce gamin n'avait pas un pouvoir spécial, comme Harry Potter.
Puis des idées se pressent de façon incohérente dans la tête de Laurence. Tout se brouille et elle s'évanouit.
ch.33
Murdoch pense à son enfance d'enfant violenté par son père, sur la vie qui distribue au hasard le bonheur et le malheur.. Il a hâte de retrouver son appartement de Londres. Magnus reviendra certainement, ils se retrouveront....
Quelque part en Angleterre, le long d'une voie ferrée, marche Magnus qui a tourné la page.
ch.34
Laurence se réveille à l'hôpital. Elle a dormi quarante heures. A son chevet, il y a Stéphane, Tony,furieux contre la journaliste qui a profité du malaise de Laurence pour la prendre en photo et...l'inspecteur Andréotti qui s'approche de son lit:
«Nous avons retrouvé son sang dans le coffre de la voiture. Nous savons tout. Maintenant madame Macand, il va falloir coopérer ».
La rage envahit Laurence : « De quel droit ce minable flic usait-il d'un ton pareil ? Avec elle, le chantage n'avait jamais marché...D'un seul regard, qui fonctionna, elle démentit tout. »
C'est la seconde brigade scientifique, dotée d'un matériel de dernière génération, qui a prélevé des traces d'hémoglobine dans le coffre de la 807. « Les analyses étaient formelles: c'était bien le sang de Madec »
Tony s'est déjà beaucoup agité pour menacer les journalistes de poursuites judiciaires en cas d'article non fondé, pour minimiser l'interrogatoire, pour affirmer que Laurence n'était pas incriminée.
Andréotti a gagné un point en disant que Laurence figurait parmi les suspects et que sa déposition restait approximative : «Nombre de tabloïds avaient emboîté le pas (les profits d'une survente valant le risque de perdre d'éventuels procès en diffamation). Dans toutes les langues d'Europe- et, bientôt, dans toutes celles du monde, on pouvait lire, avec le même et universel point d'interrogation (ces torchons étaient bien conseillés) : LA MERE COUPABLE ?
Les commentaires et les analyses les plus farfelus ont envahi les médias, à l'image de ce post douteux non filtré par le Monde : «Le nom de Macand n'est-il pas la francisation du patronyme israélite Makanski ? Ce qui expliquerait bien des choses, parce quand il y a de l'argent... » ce qui a entraîné une protestation des associations juives. Un écrivain en géopolitique a écrit un article replaçant l'affaire dans le cadre du conflit israélo-palestinien, entre autres.
Tony cherche d'urgence une nouvelle stratégie : «Cela sentait mauvais. Lorsque le peuple même n'y croyait plus, la guerre était perdue. Il fallait re-sensibiliser les gens. Désemparé, Tony projeta un instant d'organiser le suicide manqué (et factice) de sa soeur.. il enjoignit Laurence et Stéphane de ne plus sourire d'un iota face aux caméras - et si possible d'essayer de craquer en public - . Concernant la police : maintenir le silence. Car après tout c'était vrai - on ne savait rien. L'accusation d'Andréotti ne reposait que sur le témoignage d'un pédophile avéré, et une microscopique tâche de sang (qu'à n'importe quel moment Madec avait pu engendrer en se blessant superficiellement dans la voiture).
La mère de Madec est placée, à l'hôpital sous protection policière, « des manifestations avaient éclaté à Milan (réclamant la condamnation della madre infanticida)».
Elle envisage de passer aux aveux : «On lui pardonnerait bien. Qu'avait-elle commis de si répréhensible? Mais alors la mère s'était souvenue du Pape. De Yannick Noah. Du ministre. Et de Stéphane, le soir de la disparition. Tout ce monde, à commencer par son mari, évoquait Madec vivant. Si bien qu'au bout du compte, elle finissait par les croire. Ne subsistait qu'Andréotti, qui - elle en était persuadée - savait la vérité. Si cet homme avait vraiment compris, que lui voulait-il au juste?»
C'est le ministre de l'Intérieur qui sauve le coup. Il fait une déclaration publique en faveur de Laurence, fustigeant l'Europe qui accuse la victime « avant d'avoir puni les coupables . » L'humiliation faite à une mère est « intolérable ». La police française n'a rien trouvé qui accrédite la thèse des policiers italiens, qui feraient mieux, d'ailleurs, d'enquêter d'abord sur le fonctionnement de leur propre démocratie.
L'allocution a été brillante, dès le lendemain les journaux français virent à nouveau leur cutie, la presse italienne crie au scandale, en oubliant presque Laurence.
Le lendemain aussi, le directeur de cabinet du ministre répond froidement à Stéphane, qui veut remercier le ministre, que ses services ne souhaitent plus les entendre. C'est ainsi que se termine la coopération d'un ministère «suffisamment compromis dans une affaire poisseuse. »
S'estimant trahi, Stéphane décide de rentrer à Granville.
«Partant de l'honorable principe que, contrairement à l'erreur tout court, l'erreur du tribunal était inhumaine, la justice italienne n'estima pas les charges ( assemblées dans une pile de dossiers multicolores contenant huit mille pages de documents) retenues contre Laurence Macand, suffisantes pour lui interdire de quitter le territoire national. La mère s'était souvenue, par ailleurs d'une blessure de Madec. Il cherchait son goûter dans le coffre et s'était éraflé le pouce sur la raclette dégivrante. Il y avait eu du sang sur le pouce; et sur le revêtement du coffre. »
Venézia a calmé Andréotti. Elle pense qu'elle va avoir un fils.
Les collègues d'Andreéotti ont moqué «son échec final, la fièvre médiatique réitérée, les faux espoirs pour aboutir encore une fois au silence. Le bluff ne pouvait pas marcher à tous les coups. Même le chef d'Andréotti avait téléphoné, l'accusant d'avoir inculpé la mère per lo specttacolo, ( pour le spectacle) sans preuves suffisantes."
Peu à peu, Paolo n'a plus accordé d'importance à ces critiques. Il a décidé en secret de mettre en scène une pièce de théâtre de Dario Fo : « Morte accidentale di un anarchico ». L'auteur, Dario Fo, qu'il avait rencontré en 1986, lui avait livré un conseil :« Non dimenticare di vivere la tua vita. » ,(n'oublie pas de vivre ta vie.) »
ch.35
Sur le chemin du retour, Laurence repense à une jeune femme qui lui ressemblait physiquement dans le film Kill Bill et qui avait tué Bill avec une prise d'art martial qui faisait exploser le coeur en cinq secondes . Le vieillard avait eu le temps de faire quelques pas avant de mourir.
Laurence se demande : « Combien de pas supplémentaires Madec avait-il consenti à lui accorder? »
Avant de partir, ils ont rendu la Mercedes qu'Andréotti avait gardée le plus longtemps possible en multipliant les analyses. Au moment du départ, le regard de Paolo a croisé celui de Laurence qui a plissé le front comme pour se défendre.
-Qu'est-ce que cette tarée avait besoin de raconter des conneries à la première caméra venue?
-On ne sait pas encore. Nous cherchons à la contacter.
-Je passe pour qui avec Carolis (ancien président de France télévision) , Interpol et le CSA ?
-Ca n'a rien à voir avec vous.
-Je vous rappelle que j'ai prévenu le pape: ça devient mondial leur affaire.
-C'est peut-être un faux monsieur.
-Vous savez que non, lâcha-t-il excédé. Les services l'ont analysé
-Oui, mais pour le reste du monde, c'est encore peut-être un faux. Personne ne l'a authentifié.
-Vous êtes sûr de ce que vous dites? Demanda le politicien après un silence habité.
-Je crois qu'il faut jouer cette carte monsieur le Ministre. »
Tétanisée, Laurence a fini par décrocher son téléphone. C'est encore le service de communication du ministère de l'Intérieur. On lui affirme qu'on sait que c'est un faux, que le ministre la soutiendra « dans son combat pour la vérité ». La voix répète:« un message, vous n'avez qu'un message à faire passer,qui est aussi le nôtre, madame Macand-ce document est un faux. »
Confrontée pour la première fois depuis la mort de Madec, à la réalité du monde, Laurence s'enferme dans les toilettes. Tony lui a surtout reproché de foutre en l'air la crédibilité de leur image de marque. Stéphane l'a scrutée comme une ennemie. Et elle se prend à songer que la vie n'est qu'un jeu, « le seul jeu dont le but est d'en connaître les règles. »
ch.28
Tony a loué une Mercedes pour aller voir le Pape.
Dans la confortable voiture, Laurence pense à l'enregistrement clandestin : « Il n'y avait décidément plus d'éthique dans la profession de journaliste. Tout ça pour des pourcentages d'audience ». Heureusement que, pour une raison inconnue, le gouvernement l'a soutenue.
Ils attendent, dans un petit salon, la fin de l'allocution du Pape. Laurence, dit sèchement à son mari qui prie sous un crucifix, de « cesser ce cirque ». Une escorte vient chercher les Macand pour les emmener au Très Saint-Père.
« Chemin faisant, Laurence sortit de son sac à main une bombe de laque Elnett pour cheveux secs et abimés. »
Le Pape est vieux et fatigué. Il y voit mal. Il harangue la foule du balcon dominant la place Saint-Pierre. Lorsqu'il se retourne, son conseiller spécial, Comman, lui présente la photo de Madec et ses parents et lui rappelle qu'il est convenu, avec le gouvernement français, d'en parler tout à l'heure.
Le Pape se retourne vers la foule pour son homélie finale. Il présente à la foule, non la photo de l'enfant, mais le fax et à l'envers. Un conseiller le met respectueusement à l'endroit:
« Questa ragazza è sparita. Piccola Madic è stata sottratta dall'amore dei suoi genitori » (Cette petite fille a disparu. La petite Madic a été soustraite à l'amour de ses parents).
Le conseiller murmure quelques mots à son oreille. Le Pape se corrige:« Piccolo Madec è stato sottratto dall'amore dei suoi genitori. Che Dio ci aiuti a ritrovarlo, con il vostro aiuto a tutti. » ( Le petit Madec a été soustrait à l'amour de sa famille, que Dieu lui vienne en aide ainsi que vous tous.
L'instant d'après, les Macand se retrouvent dans leur voiture. Laurence est déçue. Le pape s'est contenté de lui tendre une main molle, sans même la regarder.
Pendant le trajet, Laurence reçoit un appel du ministre. Elle le remercie et il lui dit que la police italienne « va activer le turbo ». L'enregistrement clandestin n'est pas évoqué. Laurence sent, pour la première fois, le cynisme l'envahir: « Il avait suffi que quelque chose dérange pour que la chose disparaisse. La sincérité est humaine, pensa-t-elle, mais la politique, c'est de la finasserie. »
ch.29
Il arrive parfois à Laurence, l'espace d'un instant, de croire que Madec a réellement disparu mais est vivant.
Moins de deux semaines après l'appel du Pape, les dons s'élèvent à plus de trois millions d'euros. Stéphane a exigé le recrutement d'un comptable professionnel. En effet, comme « l'erreur est humaine », Il ne veut pas courir le risque d'être poursuivi par le fisc lors de son retour en France.
Quarante jours ont passé pendant lesquels Andréotti a consacré toutes ses pensées à un enfant qu'il n'a jamais connu. Un jour , il a même imaginé:« Et s'il n'avait jamais existé? Ce serait une belle pièce (à la Pirandello).Il éprouve soudain de la lassitude en pensant aux centaines d'affaires qu'il a vu défiler dans sa carrière. Et s'il avait un enfant avec son amie Venezia?
C'est alors qu'il reçoit un appel du directeur de la prison : Ron Murdoch désire lui parler de toute urgence.
Tony a décidé de verser presque toutes les sommes de l'Association à diverses agences de détectives privés « qui disposaient souvent de moyens supérieurs à la police ». Quatre sont choisies, « dont le prestigieux Control Risks group, qui avait enquêté sur la mort de Lady Di »
Tony veut aussi avoir recours à la voyance pour retrouver Madec. Mais pas une simple voyance, une agence complète qui sortira le grand jeu: «lecture dans le cristal,dans le marc de café, tarot, tirage de cartes, pendules, télékinésie, hypnose-et même déchiffrage au sang. C'était un programme sérieux. »
Stéphane n'en revient pas du prix exorbitant réclamé. Bien sûr, c'est ennuyeux d'avoir à répéter éternellement les mêmes choses, mais au moins, «ce sont des hommes complaisants, et portant des costumes sur mesure. »
Depuis la violente dispute avec Laurence, il se réveille en sursaut chaque nuit, à côté de Laurence qui dort, en criant : « je l'ai tuée! ».
Il se souvient de son enfance dans un milieu aisé et froid et de ce jour fatal où la voiture conduite par le chauffeur personnel de son père a été victime de l'accident qui a causé sa cicatrice. Le chauffeur, distrait par une jolie rousse sur un trottoir de Pigalle, avait grillé le feu rouge.
A l'hôpital, Stéphane s'était regardé dans le miroir: «Face à son visage déchiré puis recousu, Stéphane avait pris deux décisions ; ne plus jamais aller à Pigalle ; devenir chirurgien»
ch.30
C'est en regardant un reportage à la télé que Murdoch a reconnu en Laurence la conductrice qu'il avait aperçue au volant d'une voiture dans la résidence la nuit du drame. Ainsi Andréotti peut boucler le bec à ses collègues du commissariat, un peu jaloux de sa médiatisation , en leur expliquant « que le principal suspect venait d'incriminer la mère de l'enfant. »
Stéphane a envoyé une bouteille à la tête du journaliste qui lui a demandé s'il confirmait l'information selon laquelle Murdoch aurait vu Laurence, le soir de la disparition, pénétrant dans la résidence de l'extérieur, élément absent des multiples déclarations de Laurence. Il se demande pourquoi, alors qu'il va sortit de prison, faute de preuves, Murdoch professe une chose fausse.
Feignant d'abord l'ignorance, puis confrontée à Murdoch qui la reconnaît formellement, Laurence, qui a eu le temps de réfléchir à un alibi dans la voiture, affirme qu'elle est bien sortie de la résidence mais avec son mari pour aller chercher des concombres à son fils. Mais Murdoch est sûr de lui:« Il affirma qu'elle se trouvait seule dans la voiture-qu'il en était certain. Laurence détourna les yeux et déglutit. Tony en profita pour se lever, et exiger de mettre un terme à cette grotesquerie. Il tendit à Andréotti les coordonnées sur Bristol de ses avocats. C'était pratique, pensa-t-il, l'argent. Laurence et son frère quittèrent sans se retourner la salle de visites. Immédiatement, l'inspecteur dégagea un téléphone de sa poche pour contacter la brigade scientifique.
Il avait un monospace de marque française à passer au peigne fin» Murdoch, lui, a compris que sur Laurence pesait, comme sur lui, le lourd poids de la faute.
ch.31
« Laurence ne possédait plus son mari. Chaque fois qu'un journaliste s'approchait d'elle, Stéphane s'approchait du journaliste avec un air bravant. Il hurlait en anglais: « Leave her alone !» et faisait mine de frapper. On le savait maintenant capable de violence. Les images de ces esclandres, diffusées partout sur le web, étaient désastreuses pour le plan communication. Une application iphone proposait, exercices à l'appui, de s'entraîner à acquérir un aussi mauvais accent français que Stéphane Macand. »
Laurence implore Stéphane de se modérer, d'autant plus que les premières analyses de la 807 n'avaient rien donné.
Andréotti confie à Venezia qu'il est sûr de la culpabilité de Laurence Macand. Il a envie d'avoir un enfant, mais surtout « l'envie d'offrir à un fils une mère qui ne ressemblerait jamais à celle de Madec. »
Il n'y a rien de bien concret du côté des enquêteurs privés, excepté une piste au Maroc «qui dévoilait la photographie d'un touriste, dans le fond de laquelle on apercevait, sur le dos de la paysanne voilée, un visage pouvant être celui de Madec. La police locale avait été avertie, les recherches étaient déjà en cours. Tony avait réuni sa soeur et Stéphane pour leur présenter le cliché. Le tirage était de piètre qualité- et le visage possible du fils, égaré dans un flou agreste. La ressemblance était manifeste, mais il était impossible de confondre Madec avec certitude.»
Andréotti évite de plus en plus ses collègues. Il ne supporte plus d'interroger Laurence Macand car «elle minaudait en permanence et lui faisait perdre un temps précieux»
Laurence doit reconnaître que son frère, pour la première fois, a été efficace (même s'il se préoccupe plus de la présence des caméras que de la disparition de Madec). Le monde entier parle de Madec, elle est devenue une people, ce qui l'étonne. Elle gère chaque jour le dossier de presse transmis par une agence spécialisée. Et lorsque Stéphane se prend à rêver de faire carrière dans l'implantation des pacemakers, elle lui dit qu'elle doit «se remettre à avancer sur les papiers».
ch.32
C'est avec distraction que Laurence répond à l'envoyée spéciale de Paris Match :« Non, pour la photo, il faudra prendre attache avec Tony Legendre, notre porte-parole, qui s'occupe des droits de diffusion...Oui Madec avait de bonnes notes. Mais vous savez il était en CP...Tant qu'il n'est pas mort, on y croit encore. C'est grâce à cette lumière qu'on avance dans le tunnel»
En effet, elle a été bouleversée, lorsqu'elle est sortie, par sa rencontre avec un chien qui lui a rappelé cette promenade au bord de la mer ...Madec s'était précipité, sans l'écouter, vers un gros chien attaché et qui grognait férocement. Avec une impuissante horreur, elle avait vu le chien sauter sur l'enfant pour....le lécher et jouer avec lui. Il n'avait pas du tout eu peur et elle s'était demandé si ce gamin n'avait pas un pouvoir spécial, comme Harry Potter.
Puis des idées se pressent de façon incohérente dans la tête de Laurence. Tout se brouille et elle s'évanouit.
ch.33
Murdoch pense à son enfance d'enfant violenté par son père, sur la vie qui distribue au hasard le bonheur et le malheur.. Il a hâte de retrouver son appartement de Londres. Magnus reviendra certainement, ils se retrouveront....
Quelque part en Angleterre, le long d'une voie ferrée, marche Magnus qui a tourné la page.
ch.34
Laurence se réveille à l'hôpital. Elle a dormi quarante heures. A son chevet, il y a Stéphane, Tony,furieux contre la journaliste qui a profité du malaise de Laurence pour la prendre en photo et...l'inspecteur Andréotti qui s'approche de son lit:
«Nous avons retrouvé son sang dans le coffre de la voiture. Nous savons tout. Maintenant madame Macand, il va falloir coopérer ».
La rage envahit Laurence : « De quel droit ce minable flic usait-il d'un ton pareil ? Avec elle, le chantage n'avait jamais marché...D'un seul regard, qui fonctionna, elle démentit tout. »
C'est la seconde brigade scientifique, dotée d'un matériel de dernière génération, qui a prélevé des traces d'hémoglobine dans le coffre de la 807. « Les analyses étaient formelles: c'était bien le sang de Madec »
Tony s'est déjà beaucoup agité pour menacer les journalistes de poursuites judiciaires en cas d'article non fondé, pour minimiser l'interrogatoire, pour affirmer que Laurence n'était pas incriminée.
Andréotti a gagné un point en disant que Laurence figurait parmi les suspects et que sa déposition restait approximative : «Nombre de tabloïds avaient emboîté le pas (les profits d'une survente valant le risque de perdre d'éventuels procès en diffamation). Dans toutes les langues d'Europe- et, bientôt, dans toutes celles du monde, on pouvait lire, avec le même et universel point d'interrogation (ces torchons étaient bien conseillés) : LA MERE COUPABLE ?
Les commentaires et les analyses les plus farfelus ont envahi les médias, à l'image de ce post douteux non filtré par le Monde : «Le nom de Macand n'est-il pas la francisation du patronyme israélite Makanski ? Ce qui expliquerait bien des choses, parce quand il y a de l'argent... » ce qui a entraîné une protestation des associations juives. Un écrivain en géopolitique a écrit un article replaçant l'affaire dans le cadre du conflit israélo-palestinien, entre autres.
Tony cherche d'urgence une nouvelle stratégie : «Cela sentait mauvais. Lorsque le peuple même n'y croyait plus, la guerre était perdue. Il fallait re-sensibiliser les gens. Désemparé, Tony projeta un instant d'organiser le suicide manqué (et factice) de sa soeur.. il enjoignit Laurence et Stéphane de ne plus sourire d'un iota face aux caméras - et si possible d'essayer de craquer en public - . Concernant la police : maintenir le silence. Car après tout c'était vrai - on ne savait rien. L'accusation d'Andréotti ne reposait que sur le témoignage d'un pédophile avéré, et une microscopique tâche de sang (qu'à n'importe quel moment Madec avait pu engendrer en se blessant superficiellement dans la voiture).
La mère de Madec est placée, à l'hôpital sous protection policière, « des manifestations avaient éclaté à Milan (réclamant la condamnation della madre infanticida)».
Elle envisage de passer aux aveux : «On lui pardonnerait bien. Qu'avait-elle commis de si répréhensible? Mais alors la mère s'était souvenue du Pape. De Yannick Noah. Du ministre. Et de Stéphane, le soir de la disparition. Tout ce monde, à commencer par son mari, évoquait Madec vivant. Si bien qu'au bout du compte, elle finissait par les croire. Ne subsistait qu'Andréotti, qui - elle en était persuadée - savait la vérité. Si cet homme avait vraiment compris, que lui voulait-il au juste?»
C'est le ministre de l'Intérieur qui sauve le coup. Il fait une déclaration publique en faveur de Laurence, fustigeant l'Europe qui accuse la victime « avant d'avoir puni les coupables . » L'humiliation faite à une mère est « intolérable ». La police française n'a rien trouvé qui accrédite la thèse des policiers italiens, qui feraient mieux, d'ailleurs, d'enquêter d'abord sur le fonctionnement de leur propre démocratie.
L'allocution a été brillante, dès le lendemain les journaux français virent à nouveau leur cutie, la presse italienne crie au scandale, en oubliant presque Laurence.
Le lendemain aussi, le directeur de cabinet du ministre répond froidement à Stéphane, qui veut remercier le ministre, que ses services ne souhaitent plus les entendre. C'est ainsi que se termine la coopération d'un ministère «suffisamment compromis dans une affaire poisseuse. »
S'estimant trahi, Stéphane décide de rentrer à Granville.
«Partant de l'honorable principe que, contrairement à l'erreur tout court, l'erreur du tribunal était inhumaine, la justice italienne n'estima pas les charges ( assemblées dans une pile de dossiers multicolores contenant huit mille pages de documents) retenues contre Laurence Macand, suffisantes pour lui interdire de quitter le territoire national. La mère s'était souvenue, par ailleurs d'une blessure de Madec. Il cherchait son goûter dans le coffre et s'était éraflé le pouce sur la raclette dégivrante. Il y avait eu du sang sur le pouce; et sur le revêtement du coffre. »
Venézia a calmé Andréotti. Elle pense qu'elle va avoir un fils.
Les collègues d'Andreéotti ont moqué «son échec final, la fièvre médiatique réitérée, les faux espoirs pour aboutir encore une fois au silence. Le bluff ne pouvait pas marcher à tous les coups. Même le chef d'Andréotti avait téléphoné, l'accusant d'avoir inculpé la mère per lo specttacolo, ( pour le spectacle) sans preuves suffisantes."
Peu à peu, Paolo n'a plus accordé d'importance à ces critiques. Il a décidé en secret de mettre en scène une pièce de théâtre de Dario Fo : « Morte accidentale di un anarchico ». L'auteur, Dario Fo, qu'il avait rencontré en 1986, lui avait livré un conseil :« Non dimenticare di vivere la tua vita. » ,(n'oublie pas de vivre ta vie.) »
ch.35
Sur le chemin du retour, Laurence repense à une jeune femme qui lui ressemblait physiquement dans le film Kill Bill et qui avait tué Bill avec une prise d'art martial qui faisait exploser le coeur en cinq secondes . Le vieillard avait eu le temps de faire quelques pas avant de mourir.
Laurence se demande : « Combien de pas supplémentaires Madec avait-il consenti à lui accorder? »
Avant de partir, ils ont rendu la Mercedes qu'Andréotti avait gardée le plus longtemps possible en multipliant les analyses. Au moment du départ, le regard de Paolo a croisé celui de Laurence qui a plissé le front comme pour se défendre.
En démarrant, Stéphane a appuyé par erreur sur l'auto-radio qui a diffusé à pleine puissance une version de My way par Nina Simone: « La musique s'imposa dans l'habitacle comme un passager supplémentaire...Regrets, I've had a few. But then again, too few to mention. I did what I had to do and saw it through without exemption. Sur son siège, Laurence tenta d'accroître la contenance de sa cage thoracique, tant l'émotion l'étouffait. Il y eut des carillons débordant de gaité, puis douze accord successifs des claviers (qui lui firent chacun l'effet d'une syncope). And more, much more than this, I did it my way.
Ils arrivent chez eux. Pour Laurence, qui a perdu douze kilos, c'est comme si elle remontait le temps. Ils arrivent devant la grille du jardin: «L'image était surnaturelle. Une montagne de colis, de paquets cadeaux et de bouquets de fleurs fanées obstruait l'entrée. Dans cet amas, on trouvait pèle-mêle des lettres plus ou moins aimables, quarante bibles, vingt-sept corans (dont un en indonésien), des peluches bigarrées, une centaine de photographies de garçons roux peu analogues à Madec, des journaux, des coupures de presse, des chrysanthèmes, et une infinité de gribouillages d'enfant. Le monde entier avait envoyé à Granville des offrandes-comme si les Macand constituaient une sorte de famille divine.»
Ils arrivent chez eux. Pour Laurence, qui a perdu douze kilos, c'est comme si elle remontait le temps. Ils arrivent devant la grille du jardin: «L'image était surnaturelle. Une montagne de colis, de paquets cadeaux et de bouquets de fleurs fanées obstruait l'entrée. Dans cet amas, on trouvait pèle-mêle des lettres plus ou moins aimables, quarante bibles, vingt-sept corans (dont un en indonésien), des peluches bigarrées, une centaine de photographies de garçons roux peu analogues à Madec, des journaux, des coupures de presse, des chrysanthèmes, et une infinité de gribouillages d'enfant. Le monde entier avait envoyé à Granville des offrandes-comme si les Macand constituaient une sorte de famille divine.»
Stéphane décide de tout brûler, à part les courriers qui peuvent contenir des indications pour l'enquête. Il n'a pas osé brûler cependant une poupée Barbie: « Barbie bonne-soeur (coiffée d'une cornette, vêtue d'une cape noire) »
Ils trouvent un courrier du tribunal de Nantes qui les informe qu'ils ne seront pas poursuivis dans l'affaire de l'accident de Mme Prêle. L'arrêt du tribunal restera un modèle pour tous les étudiants en droit : «Le tribunal réaffirme par la présente le principe selon lequel un individu ne peut être déclaré responsable d'un dommage causé indirectement par le fait des personnes dont il doit répondre, lorsqu'une tierce personne, réputée responsable, a mis en péril sa propre sécurité afin de sauvegarder, sans y être rationnellement incitée, celle potentiellement engagée, de la première (engageant par là-même le caractère indirect du dommage).
Laurence se félicite de ne pas avoir fait des études de droit comme son père le désirait.
On sonne. A la porte se trouve une étrange adolescente au look cinquantenaire, Fanny, que Madec aimait beaucoup, et qui semble à chaque visite vieillir de plusieurs années. Elle tombe en larmes dans les bras de Laurence: «il avait juré de se marier ensemble». Laurence repousse posément l'adolescente: «En rien sa douleur ne pouvait être égale à celle d'une inconnue. Elle n'avait pas le droit. Malgré cela, la soeur de Tony se fit une remarque, qui l'émut excessivement : C'est la première fois que quelqu'un pleure Madec. »
(note sur Fanny: La Mort est appelée « la faucheuse » et faner signifie couper l'herbe sèche, faire perdre aux choses et aux êtres leur fraicheur. Fanny dit que Madec voulait se marier, non avec elle-même, comme il serait logique, mais avec lui-même. On peut peut-être en déduire que Madec aimait beaucoup la mort et voulait la rencontrer. C'est le sens aussi de l'épilogue)
ch.36
A Vladimer et Antonin qui demandent quand leur frère va rentrer, Stéphane explique que Madec ne reviendra pas tout de suite. Laurence a décidé de reprendre leur éducation en main et congédie leur nurse: « Et si la disparition d'un fils pouvait servir à l'éducation des deux autres, les Macand n'auraient pas souffert pour rien. »
Tony a profité des fonds de l'association pour louer, à Paris, des bureaux , dans lesquels il s'est installé un couchage . Il parade dans les bistrots en se donnant le beau-rôle dans les recherches entreprises. Laurence l'imagine, ramenant parfois une une jeune admiratrice chez lui:« Parfois Tony devait lever quelque jeune femme alcoolisée, la conduire au bureau, l'étendre sur les dossiers de presse et les photos éparpillées-la baiser sur Madec. Laurence commençait à aimer son frère (à le trouver touchant). »
A Granville, les habitants dont l'opinion envers les Macand a fluctué au gré des différentes péripéties de l'enquête, sont maintenant aux petits soins pour eux. Cela les insupporte souvent, surtout Stéphane qui déplore qu'aujourd'hui, seule la célébrité compte, même si ce n'est pas pour une bonne raison. Il pense que la célébrité rend petit. Ils sont malgré eux mis sur un piédestal , cela leur donne du pouvoir mais cela creuse un fossé entre eux et la population.
Le quotidien reprend son cours, Stéphane s'enthousiasme pour un projet de pacemaker. Laurence, quant à elle, envisage comme un supplice de retrouver son travail si monotone.
La veille, un tsunami a ravagé une partie de l'Asie. Le site en anglais de Find/Madec.com a été réactualisé. Tony a envoyé un email annonçant une opportunité de rencontrer Mick Jagger. « C'était donc ça, l'ennui. »
« Une semaine plus tard, Laurence fut momentanément sauvée (distraite) par Ron Murdoch. Elle n'avait pas repris l'hôpital, s'était surtout occupée de la maison. L'après-midi, elle passait plusieurs heures à actualiser les dossiers d'enquête. Elle avait enfin trouvé le temps de déballer son épilateur définitif commandé sur Internet juste avant le départ...
Ils trouvent un courrier du tribunal de Nantes qui les informe qu'ils ne seront pas poursuivis dans l'affaire de l'accident de Mme Prêle. L'arrêt du tribunal restera un modèle pour tous les étudiants en droit : «Le tribunal réaffirme par la présente le principe selon lequel un individu ne peut être déclaré responsable d'un dommage causé indirectement par le fait des personnes dont il doit répondre, lorsqu'une tierce personne, réputée responsable, a mis en péril sa propre sécurité afin de sauvegarder, sans y être rationnellement incitée, celle potentiellement engagée, de la première (engageant par là-même le caractère indirect du dommage).
Laurence se félicite de ne pas avoir fait des études de droit comme son père le désirait.
On sonne. A la porte se trouve une étrange adolescente au look cinquantenaire, Fanny, que Madec aimait beaucoup, et qui semble à chaque visite vieillir de plusieurs années. Elle tombe en larmes dans les bras de Laurence: «il avait juré de se marier ensemble». Laurence repousse posément l'adolescente: «En rien sa douleur ne pouvait être égale à celle d'une inconnue. Elle n'avait pas le droit. Malgré cela, la soeur de Tony se fit une remarque, qui l'émut excessivement : C'est la première fois que quelqu'un pleure Madec. »
(note sur Fanny: La Mort est appelée « la faucheuse » et faner signifie couper l'herbe sèche, faire perdre aux choses et aux êtres leur fraicheur. Fanny dit que Madec voulait se marier, non avec elle-même, comme il serait logique, mais avec lui-même. On peut peut-être en déduire que Madec aimait beaucoup la mort et voulait la rencontrer. C'est le sens aussi de l'épilogue)
ch.36
A Vladimer et Antonin qui demandent quand leur frère va rentrer, Stéphane explique que Madec ne reviendra pas tout de suite. Laurence a décidé de reprendre leur éducation en main et congédie leur nurse: « Et si la disparition d'un fils pouvait servir à l'éducation des deux autres, les Macand n'auraient pas souffert pour rien. »
Tony a profité des fonds de l'association pour louer, à Paris, des bureaux , dans lesquels il s'est installé un couchage . Il parade dans les bistrots en se donnant le beau-rôle dans les recherches entreprises. Laurence l'imagine, ramenant parfois une une jeune admiratrice chez lui:« Parfois Tony devait lever quelque jeune femme alcoolisée, la conduire au bureau, l'étendre sur les dossiers de presse et les photos éparpillées-la baiser sur Madec. Laurence commençait à aimer son frère (à le trouver touchant). »
A Granville, les habitants dont l'opinion envers les Macand a fluctué au gré des différentes péripéties de l'enquête, sont maintenant aux petits soins pour eux. Cela les insupporte souvent, surtout Stéphane qui déplore qu'aujourd'hui, seule la célébrité compte, même si ce n'est pas pour une bonne raison. Il pense que la célébrité rend petit. Ils sont malgré eux mis sur un piédestal , cela leur donne du pouvoir mais cela creuse un fossé entre eux et la population.
Le quotidien reprend son cours, Stéphane s'enthousiasme pour un projet de pacemaker. Laurence, quant à elle, envisage comme un supplice de retrouver son travail si monotone.
La veille, un tsunami a ravagé une partie de l'Asie. Le site en anglais de Find/Madec.com a été réactualisé. Tony a envoyé un email annonçant une opportunité de rencontrer Mick Jagger. « C'était donc ça, l'ennui. »
« Une semaine plus tard, Laurence fut momentanément sauvée (distraite) par Ron Murdoch. Elle n'avait pas repris l'hôpital, s'était surtout occupée de la maison. L'après-midi, elle passait plusieurs heures à actualiser les dossiers d'enquête. Elle avait enfin trouvé le temps de déballer son épilateur définitif commandé sur Internet juste avant le départ...
C'est à cet instant qu'elle reçoit un appel de l'inspecteur Braconnet. Elle l'a quasiment oublié. Un brave homme -clairement inefficace, qui a réussi dans la police grâce à un sens aigu du service public: « A aucun moment Braconnet n'avait suspecté Laurence. Et aujourd'hui, la voix réservée, il téléphonait pour annoncer le suicide de Murdoch. Dès sa relaxe (et son retour en Angleterre), le principal suspect s'était jeté sous un train à Saint-Pancras - paralysant la gare pendant quatre heures. L'instant d'avant, il avait téléphoné à son petit ami, un certain Magnus Beretta. La conversation n'avait pu être enregistrée -mais Beretta avait contacté la police. Murdoch était passé à table. Je suis ennuyé de vous dire ça comme ça. Viol. Meurtre. Étranglement. Et incinération du corps dans une poubelle (corps qu'on ne retrouverait plus). Beretta réclamait un million d'euros - celui promis par Tony à tout individu concourant à retrouver Madec. »
Laurence éclata en sanglots.
ch.37
Les relevés téléphoniques confirment l'information de Beretta. Le dialogue a duré une minute et onze secondes: « Il n'en fallait guère davantage pour confesser un meurtre, percevoir le silence de son correspondant, couper méthodiquement la ligne, se jeter sous un train. Sans effusion. Braconnet se réjouissait de cette confession - qui mettait un terme final à deux mois d'errance en Toscane. »
Dans son lit, Laurence imagine quelle a été la véritable conversation entre les deux hommes:
«Probablement l'aveu - celui du retour. Celui du renoncement. Une minute de silence; le rébus d'un aveu. Alors les rails; et puis des hurlements. »
De son côté, Paulo est en train de mettre en scène sa pièce de théâtre.
Les Macand ont décidé de laisser la chambre de Madec « telle quelle - en attendant qu'il revienne. »
Mais, désœuvrée (elle s'est ennuyée, les caméras étant parties jusqu'au suicide de Murdoch qui les a ramenées devant la maison), Laurence a décidé de ranger la chambre.
Une odeur de pourri provenant de sous le lit, Laurence se penche et découvre une boite en plastique. Qu'est-ce donc? C'est là que stupéfaite, elle reconnaît, desséché comme un pruneau, le cadavre d'un caméléon. Sa tromperie a fonctionné. On a oublié le caméléon et le caméléon est mort. Laurence est forcée de s'asseoir sur le tapis car ce reptile fait monter en elle le souvenir de quelque chose ou de quelqu'un: « Il fallut l'examiner de plus près pour comprendre. Tout résidait dans le regard. La ressemblance était patente: On aurait dit le Pape. »
Comme aucun enregistrement ne peut confirmer le témoignage de Magnus, il a été décidé de lui donner un dixième de la somme promise. C'est déjà une belle somme songe Laurence qui se prend d'affection pour le jeune homme: «Avec son mensonge, il enfouissait le sien, sans porter de coup fatal à l'espérance. Une étoile, quelque part, pouvait luire pour Madec.»
Mais que faire des fonds restants? Laurence attribue à son frère la gestion de la Fondation Madec pour l'enfance, structure «qui subventionnerait les orphelinats serbes, dépêcherait des sacs de riz au Niger - et surtout qui permettrait à Tony d'exister pour quelque chose. »
Stéphane connait le succès professionnel avec son pacemaker amélioré. Il retrouve la joie de vivre : «parfois même, il riait. »
Laurence s'interroge souvent sur la noyade de Madec : «Le Faucheur (note : la Mort) semblait avoir réparé son échec de la veille. A l'asphyxie, il avait préféré le tranchant d'une fourchette. Que son fils avait-il pu faire à la mort pour l'attiser autant ? »
A Noël, Laurence se sent sereine. Elle a décidé de ne plus exercer la médecine. Cela aura été l'année la plus éprouvante de l'année. Comme lui a dit une vieille patiente âgée, «on périt plus vite quand on ne vit plus.»
L'affaire Madec vient d'être classée par le ministère italien de la Justice:
«Consécutivement aux déclarations de Magnus Beretta, l'affaire Madec venait d'être classée. Le dossier pouvait toutefois être rouvert ( en cas de nouveau indices ou témoignages). »
La lettre adressée à Andréotti, qui lui annonçait cette décision, a été jetée à la poubelle par son remplaçant qui dit qu'on n'a pas besoin d'un fainéant qui quitte la police pour jouer la comédie.
Et puis, il y a eu cette scène, « la plus importante peut-être depuis leur rencontre, entre Stéphane et Laurence.» : Stéphane est en train de travailler sur un dossier internet. Chaque fois qu'il tape sur enregistrer tout, le logo d'Antivir Max apparaît en clignotant. Stéphane appelle Laurence à la rescousse. Laurence s'approche et lâche son couteau à éplucher qui tombe sur le carrelage. L'effigie d'Antivir Max est un scorpion rouge ! Et alors, le masque tombe et le visage de Laurence la trahit. Et alors, en un éclair, s'engouffrant dans la brèche, l'esprit de Stéphane saisit la vérité. Il vomit sur le clavier.
A ce moment, il a le choix. En proie à l'effroi et la rancune, «il choisit de sauvegarder son monde, plutôt que celui, trop large, de la réalité.» Et un vide, qui équilibre tout, s'installe entre eux.
«Au bourdonnement électroménager de la cuisine se mêle l'écho invisible de Nina Simone. Alors Laurence pense - mais penser est un terme de surface - et il faudra un jour inventer un terme ajusté aux couches les plus enfouies du cortex – , elle pense: Tout cela pour un enfant que je n'aimais pas. L'épouse de Stéphane se dirige mécaniquement vers le placard de l'évier pour en extraire une lingette Javel parfumée aux agrumes.»
Epilogue
«Tout en haut du placard, Madec distingue le scorpion. Un mouton de poussière enveloppe le porte-clefs. Madec est heureux. Sous le plafonnier, la fourchette à viande renvoie un éclat blanc. Lorsqu'il bande les muscles de ses chevilles, le petit garçon sent le couscoussier glisser sur le plan de travail. L'enfant s'immobilise. Il repense aux Kapas. Pourquoi on court. A chaque impulsion, la chaise de bar vacille. Le scorpion semble le regarder dans le fond des yeux. Les reflets bleus. Le nez de Julien. Madec se souvient qu'il est interdit de toucher aux ustensiles de cuisine. Il en ignore la raison. Une respiration. L'enfant disperse un peu plus son poids dans le vide. A présent il tend le poignet. Absolument tout ( le couscoussier, l'enfant, la chaise de bar) se met à basculer. Madec n'agrippe pas la poignée métallisée du placard. »
Madec aime bien mourir.
Laurence éclata en sanglots.
ch.37
Les relevés téléphoniques confirment l'information de Beretta. Le dialogue a duré une minute et onze secondes: « Il n'en fallait guère davantage pour confesser un meurtre, percevoir le silence de son correspondant, couper méthodiquement la ligne, se jeter sous un train. Sans effusion. Braconnet se réjouissait de cette confession - qui mettait un terme final à deux mois d'errance en Toscane. »
Dans son lit, Laurence imagine quelle a été la véritable conversation entre les deux hommes:
«Probablement l'aveu - celui du retour. Celui du renoncement. Une minute de silence; le rébus d'un aveu. Alors les rails; et puis des hurlements. »
De son côté, Paulo est en train de mettre en scène sa pièce de théâtre.
Les Macand ont décidé de laisser la chambre de Madec « telle quelle - en attendant qu'il revienne. »
Mais, désœuvrée (elle s'est ennuyée, les caméras étant parties jusqu'au suicide de Murdoch qui les a ramenées devant la maison), Laurence a décidé de ranger la chambre.
Une odeur de pourri provenant de sous le lit, Laurence se penche et découvre une boite en plastique. Qu'est-ce donc? C'est là que stupéfaite, elle reconnaît, desséché comme un pruneau, le cadavre d'un caméléon. Sa tromperie a fonctionné. On a oublié le caméléon et le caméléon est mort. Laurence est forcée de s'asseoir sur le tapis car ce reptile fait monter en elle le souvenir de quelque chose ou de quelqu'un: « Il fallut l'examiner de plus près pour comprendre. Tout résidait dans le regard. La ressemblance était patente: On aurait dit le Pape. »
Comme aucun enregistrement ne peut confirmer le témoignage de Magnus, il a été décidé de lui donner un dixième de la somme promise. C'est déjà une belle somme songe Laurence qui se prend d'affection pour le jeune homme: «Avec son mensonge, il enfouissait le sien, sans porter de coup fatal à l'espérance. Une étoile, quelque part, pouvait luire pour Madec.»
Mais que faire des fonds restants? Laurence attribue à son frère la gestion de la Fondation Madec pour l'enfance, structure «qui subventionnerait les orphelinats serbes, dépêcherait des sacs de riz au Niger - et surtout qui permettrait à Tony d'exister pour quelque chose. »
Stéphane connait le succès professionnel avec son pacemaker amélioré. Il retrouve la joie de vivre : «parfois même, il riait. »
Laurence s'interroge souvent sur la noyade de Madec : «Le Faucheur (note : la Mort) semblait avoir réparé son échec de la veille. A l'asphyxie, il avait préféré le tranchant d'une fourchette. Que son fils avait-il pu faire à la mort pour l'attiser autant ? »
A Noël, Laurence se sent sereine. Elle a décidé de ne plus exercer la médecine. Cela aura été l'année la plus éprouvante de l'année. Comme lui a dit une vieille patiente âgée, «on périt plus vite quand on ne vit plus.»
L'affaire Madec vient d'être classée par le ministère italien de la Justice:
«Consécutivement aux déclarations de Magnus Beretta, l'affaire Madec venait d'être classée. Le dossier pouvait toutefois être rouvert ( en cas de nouveau indices ou témoignages). »
La lettre adressée à Andréotti, qui lui annonçait cette décision, a été jetée à la poubelle par son remplaçant qui dit qu'on n'a pas besoin d'un fainéant qui quitte la police pour jouer la comédie.
Et puis, il y a eu cette scène, « la plus importante peut-être depuis leur rencontre, entre Stéphane et Laurence.» : Stéphane est en train de travailler sur un dossier internet. Chaque fois qu'il tape sur enregistrer tout, le logo d'Antivir Max apparaît en clignotant. Stéphane appelle Laurence à la rescousse. Laurence s'approche et lâche son couteau à éplucher qui tombe sur le carrelage. L'effigie d'Antivir Max est un scorpion rouge ! Et alors, le masque tombe et le visage de Laurence la trahit. Et alors, en un éclair, s'engouffrant dans la brèche, l'esprit de Stéphane saisit la vérité. Il vomit sur le clavier.
A ce moment, il a le choix. En proie à l'effroi et la rancune, «il choisit de sauvegarder son monde, plutôt que celui, trop large, de la réalité.» Et un vide, qui équilibre tout, s'installe entre eux.
«Au bourdonnement électroménager de la cuisine se mêle l'écho invisible de Nina Simone. Alors Laurence pense - mais penser est un terme de surface - et il faudra un jour inventer un terme ajusté aux couches les plus enfouies du cortex – , elle pense: Tout cela pour un enfant que je n'aimais pas. L'épouse de Stéphane se dirige mécaniquement vers le placard de l'évier pour en extraire une lingette Javel parfumée aux agrumes.»
Epilogue
«Tout en haut du placard, Madec distingue le scorpion. Un mouton de poussière enveloppe le porte-clefs. Madec est heureux. Sous le plafonnier, la fourchette à viande renvoie un éclat blanc. Lorsqu'il bande les muscles de ses chevilles, le petit garçon sent le couscoussier glisser sur le plan de travail. L'enfant s'immobilise. Il repense aux Kapas. Pourquoi on court. A chaque impulsion, la chaise de bar vacille. Le scorpion semble le regarder dans le fond des yeux. Les reflets bleus. Le nez de Julien. Madec se souvient qu'il est interdit de toucher aux ustensiles de cuisine. Il en ignore la raison. Une respiration. L'enfant disperse un peu plus son poids dans le vide. A présent il tend le poignet. Absolument tout ( le couscoussier, l'enfant, la chaise de bar) se met à basculer. Madec n'agrippe pas la poignée métallisée du placard. »
Madec aime bien mourir.