Citation

"Grâce à la liberté dans les communications, des groupes d’hommes de même nature pourront se réunir et fonder des communautés. Les nations seront dépassées" - Friedrich Nietzsche (Fragments posthumes XIII-883)

08 - JUL 28 - Juge sur le caviardage

Position du juge d'instruction Pedro Frias quant aux exigences des autorités judiciaires britanniques -
28.07.2008



Le juge d'instruction Pedro Frias donne à connaître sa position au procureur de la république Magalhães e Menezes, ce dernier lui ayant soumis à la fois la lettre des avocats des autorités britanniques (adressée et au procureur et au juge) et sa propre position sur les trois premiers points de la lettre. On comprend que cette position était antérieure à la réception de la lettre des avocats portugais en représentation des diverses entités judiciaires et policières britanniques. De fait, le président de l'ACPO, Ken Jones, s'était déplacé à Portimao pour rencontrer le procureur Melchior Gomes à propos précisément de cette question. Voir ici.
On appréciera la tranchante phrase finale du juge évoquant au passage la missive laborieuse et lourde de références légales des avocats portugais. La brièveté ici en dit plus long que toute parole.

Après consultation des procès-verbaux, je confirme qu'il s'agit de références, informations et éléments qui, de fait, sont liés directement à la réserve et l'intimité de la vie privée de personnes à propos desquelles il n'existe aucune espèce d'indice ténu d'implication dans les présents procès-verbaux, comme le remarque le procureur de la république.
L'article 26-1 de la Constitution de la République portugaise consacre, sous l'épigraphe "Autres droits de la personne", un ensemble de neuf droits distincts pré-ordonnés à la protection de la sphère nucléaire des personnes et de leur vie. Parmi ces droits figurent le droit au bon nom et à la réputation, le droit à l'image et le droit à la réserve de la vie privée et familiale.
Le premier, brevitatis causae, est le droit pour tout individu de n'être ni offensé ni lésé dans son honneur, sa dignité ou la considération sociale dont il jouit à travers une imputation faite par autrui et également de pouvoir réagir à une quelconque de ces attaques.
Le second, brevitatis causae, englobe, positivement, le droit pour tout individu de définir les conditions dans lesquelles il autorise son exposition ou plutôt sa propre auto-exposition et, négativement, le droit de n'être pas photographié, sketché publiquement sans qu'il y ait consenti ou encore sketché ou exposé graphiquement de manière déformée.
Le troisième, brevitatis causae, comprend à la fois le droit pour chacun d'empêcher l'accès de tiers à des informations sur sa vie privée et familiale et d'empêcher la divulgation par un tiers d'informations que ce dernier possèderait sur la vie privée et familiale d'autrui.
Ces autres droits de la personne, qui selon l'ordre des droits fondamentaux dans la Constitution de la République portugaise suivent immédiatement le droit à la vie et à l'intégrité personnelle, articles 24 et 25, constituent également la limite d'autres droits fondamentaux (limite immédiate à l'exercice) qui pourraient entrer en conflit avec eux, principalement la limite à la liberté de l'information et de la presse.

De la sorte, considérant la teneur des références, informations et éléments évoqués dans l'alinea A) du document du ministère public et pondérant le potentiel de dommage qui découlerait de la prise de connaissance de ces éléments par un tiers, dommage qui se répercuterait sur les droits fondamentaux référés, avec assise constitutionnelle, d'un côté, sur l'intérêt aussi bien des arguidos, principalement de la défense, que de la communauté par voie de droit à l'information, j'entends que devront prévaloir les droits fondamentaux au bon nom et à la réputation, à l'image et, principalement, le droit à la réserve en matière de  vie privée et familiale.


Après consultation des procès-verbaux, je constate qu'il s'agit à présent des informations fournies par les autorités britanniques à travers un mécanisme de recueil d'information dénommé Crimestoppers.
L'analyse des informations ici en cause, bien que la source ne soit pas toujours indiquée, fait très souvent référence à un courriel, ce qui, une fois de plus, pourrait conduire à la révélation de l'identité de l'informateur et à la perturbation de sa vie privée. Le système Crimestoppers repose sur une relation d'anonymat et de confiance entre le prestateur d'information et l'autorité policière qui la reçoit, les uns et les autres britanniques, il repose sur le fait que le prestateur de l'information sait ce qu'il fait et à qui il adresse l'information, le risque d'aliénation de cette relation dans notre pays et à travers l'examen du procès violerait le principe de la confiance au fondement de la prestation d'information de la part de la source, ce qui est également un élément à pondérer.
De sorte que pondérant semblablement les valeurs fondamentales, j'entends, ici aussi, que devra prévaloir le droit à l'intimité et à la réserve de la vie privée.


Après consultation des procès-verbaux, je confirme qu'il s'agit d'éléments auxquels nous faisons allusion dans notre arrêté folios 4655-57, et aussi d'informations qui sont liées au droit à la réserve de la vie privée et familiale des personnes en cause.
Ainsi, pondérant là encore les valeurs fondamentales, j'entends également que devra prévaloir le droit à l'intimité et à la réserve de la vie privée sur les autres droits.


Synthèse
Étant donné ce qui vient d'être dit et moyennant les fondements référés, je décide que les pièces spécifiées dans les alineas A), B) et C) de la demande du ministère public présentée aux folios 4671 sq doivent continuer à être soumises au secret de justice selon les termes de l'article 86-7 du CPP, conjugués avec les normes constitutionnelles évoquées.
Dans cette conformité je donne mon accord sur le mode de procédure proposé par le ministère public, autrement dit sur l'extraction et la constitution d'une annexe se référant aux pièces faisant partie des alinéas A) et B) et la désannexion des pièces faisant partie de l'alinea C).
Les annexes créées en raison de l'approbation de la proposition du ministère public resteront sous la garde du procureur de la république titulaire du processus en instance.

Requête des folios 4675 sq envoyée au nom des autorités de la police britannique.
En premier lieu, le ministère public a déjà pris position sur les données devant continuer à faire l'objet du secret de justice et c'est sur cette revendication que porte mon arrêté d'approbation.
En second lieu, les requérants n'ont pas de légimité pour intervenir dans ce processus comme s'ils se substituaient à son titulaire, le ministère public.
Ainsi rien n'est ordonné et la requête est rejetée.