Maddie McCann, 16 ans après sa disparition : pourquoi l’enquête continue à fasciner
25 mai 2023
Par Marie Van Cutsem, avec A.P via
Des fouilles ont lieu actuellement au Portugal dans le cadre de la disparition, il y a 16 ans, de Maddie McCann. Elles devraient se poursuivre ce jeudi.
Ces nouvelles fouilles ont été lancées mardi à la demande des autorités allemandes, lesquelles affirment depuis 2020 avoir la conviction que la fillette britannique est morte et portent leurs soupçons sur un agresseur sexuel multirécidiviste allemand déjà incarcéré en Allemagne pour un viol au Portugal.
La fillette de trois ans avait disparu de la chambre d’hôtel où elle dormait pendant que ses parents étaient au restaurant un peu plus loin. Ses parents seront soupçonnés dans un premier temps, avant que l’enquête n’explore d’autres pistes.
Cette affaire non résolue est l’une des plus mystérieuses de ces 20 dernières années. Après autant de temps, a-t-on encore des chances de découvrir quelque chose ? "Tout à fait, estime Michaël Dantinne, criminologue à l’Uliège. Je ne suis pas dans le secret de l’enquête, mais je pense qu’on cherche a minima des traces de la présence du principal suspect actuel ou de la victime, sur les lieux ; ou dans le pire des cas, peut-être des ossements à partir desquels on pourrait l’identifier. Ce sont évidemment des faits qui datent aujourd’hui de 16 ans. Donc, si on le fait, c’est qu’on pense qu’on a des chances de trouver quelque chose susceptible de faire avancer l’enquête. Sinon, on ne déploierait pas ces moyens-là."
Une enquête sur trois pays, autour d’un suspect multirécidiviste
D’importants moyens sont effectivement déployés et impliquent trois pays : l’Allemagne, pour la nationalité du principal suspect, violeur multirécidiviste incarcéré pour une autre affaire ; la Grande-Bretagne, pour la nationalité des parents, et le Portugal. Comment expliquer ça ? Qui commandite une telle opération ?
On a un bout de laine et on tire sur la pelote pour essayer de voir s’il n’est pas responsable d’autres faits.
"Ici, il y a un suspect qui est arrêté. C’est un délinquant multicible, qui s’en prend autant aux majeurs qu’aux mineurs, et sériel, comme c’est souvent le cas, chez qui on aurait retrouvé aussi du matériel pédopornographique à gros volume, qui a commis la principale partie des faits qui lui sont reprochés et qui lui ont déjà valu d’être condamné au Portugal, qui aurait été près du lieu de la disparition de Maddie McCann au moment où elle a disparu. Et donc, c’est une technique qu’on connaît par rapport à ce type de personnage, c’est-à-dire qu’on a un bout de laine et on tire sur la pelote pour essayer de voir s’il n’est pas responsable, puisque sériel, d’un ensemble d’autres faits. C’est une enquête qu’on considérera toujours comme ouverte sur la disparition de Maddie McCann tant qu’on n’aura pas d’épilogue.
Si vous prenez par exemple l’affaire Nordahl Lelandais en France, là aussi on a découvert, au départ d’un premier fait, qu’il était responsable d’une série d’autres faits. On ne néglige donc aucune piste dans une affaire comme celle-ci face à quelqu’un qui a un profil, faut-il le dire, qui pourrait correspondre éventuellement au ravisseur et peut-être au meurtrier de Maddie McCann."
Pourquoi cette affaire fascine-t-elle ?
En Grande-Bretagne, les tabloïds ont alimenté la machine médiatique en multipliant les épisodes autour de l’enquête. Mais cette histoire fascine le grand public de façon générale. "Cela suscite au minimum un intérêt, un intérêt un peu morbide, et même une fascination chez certains, qui vont se lancer à corps perdu dans cette affaire, menant même parfois leurs propres recherches, poursuit le criminologue. On sait de manière générale que le genre criminel fait recette dans les fictions — littérature, cinéma, séries télé – mais aussi dans les infos, et avec le développement d’un nouveau genre, l’info-fiction.
La deuxième raison, c’est que vraisemblablement, l’affaire Maddie McCann parle à tout le monde. C’est une petite Anglaise qui a été enlevée pendant les vacances au Portugal. Tout le monde peut s’identifier aux parents, à la victime. Tout le monde peut s’identifier aux faits. Il y a une espèce de proximité. Pour nous, Belges, ça nous parle d’autant plus que c’est une affaire qui s’inscrit dans ce qui a été un traumatisme pour notre pays et pour tous ceux qui y vivent, qui est l’affaire Dutroux. Je crois donc que tout cela crée vraiment un intérêt pour cette affaire et ça suscite un intérêt qui n’a pas d’épilogue."
Un des aspects particuliers de cette histoire, c’est effectivement, pour l’instant, l’absence d’épilogue. Et on voit ces dernières années des jeunes femmes qui affirment être l’enfant disparue. Comment peut-on expliquer cela ?
"C’est compliqué, analyse Michaël Dantinne. C’est une affaire qui a une caisse de résonance incroyable, qui va toucher un grand nombre de personnes. Il y a des jeunes qui avaient l’âge de Maddie au moment de son enlèvement et qui aujourd’hui savent de quoi on parle, et même certains qui n’étaient pas nés. C’est donc rentré dans une conscience collective. Et cette caisse de résonance va agir un peu comme un aimant avec des fractions très faibles de la population. On aura des gens qui légitimement cherchent leurs parents biologiques et croient qu’ils peuvent être Maddie McCann, mais également des gens qui ont des problèmes psy qui vont tenter à un moment donné de se créer une illusion d’identité, des gens qui vont organiser un bad buzz ou des gens qui simplement vont vouloir se mettre dans la lumière. Mais on a aussi des phénomènes où régulièrement on aurait vu Maddie, ce qui relance l’enquête et la complexifie. Et donc, ça, c’est quelque part un peu la face négative de la notoriété de cette affaire."