Sur la décision
Texte intégral
OBJET DE L’AFFAIRE
La requête concerne des allégations faites par G.A., ancien inspecteur de la police judiciaire, dans un livre et un documentaire diffusé sur la chaîne de télévision T., puis mis en vente sous la forme d’un DVD, au sujet de l’implication des requérants dans la disparition de leur fille, survenue le 3 mai 2007 dans le Sud du Portugal. Elle concerne aussi l’action en responsabilité civile introduite par les requérants contre G.A., son éditeur et la chaîne de télévision T., à l’issue de laquelle ils ont été déboutés.
Invoquant les articles 6-1,2, 8 et 10-2 de la Convention, les requérants affirment que les allégations faites par G.A. dans le livre et le documentaire en question ont porté atteinte à leur droit au respect de leur vie privée et leur droit à la présomption d’innocence. Ils se plaignent que les juridictions internes n’ont pas procédé à une mise en balance des intérêts en jeu conformément aux critères énoncés dans la jurisprudence de la Cour.
Par ailleurs, toujours sous l’angle des articles 6-1,2, 8 et 10-2 de la Convention, ils plaident que la motivation contenue dans les décisions rendues, les 31 janvier et 21 mars 2017, par la Cour suprême à l’issue de l’action en responsabilité civile a également violé leur droit à la présomption d’innocence.
La conviction des McCann que le livre d'Amaral était illégal les a conduits à la CEDH. C'est leur dernière chance, dans leur combat de plus de 12 ans, de trouver un tribunal qui les approuve. Il convient de répéter que la Cour n'est pas intéressée par les "faits" de l'affaire.
Seule la question de savoir si la décision prise par le tribunal en question est conforme à la Convention. la CEDH ne s'intéresse même pas à la question de savoir si la décision était "correcte". Cette question relève de la Cour suprême du Portugal.
Là est toute la question, il faut avoir fait l'objet d'une accusation devant une cour de justice pour bénéficier de la présomption d'innocence, or les MC ne l'ont jamais été.
Ce droit est mise en balance avec le droit au respect de la vie privée et familiale.
Les tribunaux portugais ont reconnu qu'il était "prouvé que les faits figurant dans le livre et dans le documentaire, concernant l'enquête, sont pour la plupart des faits qui ont eu lieu dans le cadre de l'enquête et sont documentés comme tels". la juge a informé les avocats le 21 janvier 2015 des faits qu'elle considérait comme prouvés et non prouvés. Les avocats des McCann n'ayant pas soulevé d'objections, il est trop tard maintenant pour contester.
QUESTIONS AUX PARTIES
1. Y a-t-il eu atteinte au droit des requérants au respect de leur vie privée, au sens de l’article 8-1 de la Convention (voir, Axel Springer AG c. Allemagne [GC Grande Chambre], no 39954/08, § 83, 7 février 2012 ; et Larrañaga Arando et autres c. Espagne (déc.), nos 73911/16, 233/17 3086/17 et 5155/17, § 42, 25 juin 2019) eu égard notamment aux allégations faites par G.A. dans le livre et le documentaire litigieux ?
Les requérants invoquent la violation du respect de la vie privée (par le groupe de presse Alex Springer, en l'espèce Bild) et de la présomption d'innocence (Larrañaga Arando). La CEDH a décidé qu'il n'y avait pas eu violation dans le premier cas (AS v D) et que la requête de LA était irrecevable. Il semble qu'il sera nécessaire pour les requérants de démontrer en quoi leurs revendications diffèrent de celles citées.
RÉFÉRENCES :
§ 83 - La Cour rappelle que le droit à la protection de la réputation est un droit qui relève, en tant qu’élément de la vie privée, de l’article 8 de la Convention. La notion de « vie privée » est une notion large, non susceptible d’une définition exhaustive, qui recouvre l’intégrité physique et morale de la personne et peut donc englober de multiples aspects de l’identité d’un individu, tels l’identification et l’orientation sexuelle, le nom, ou des éléments se rapportant au droit à l’image. Elle comprend des informations personnelles dont un individu peut légitimement attendre qu’elles ne soient pas publiées sans son consentement. Cependant, pour que l’article 8 entre en ligne de compte, l’attaque à la réputation personnelle doit atteindre un certain niveau de gravité et avoir été effectuée de manière à causer un préjudice à la jouissance personnelle du droit au respect de la vie privée. La Cour a jugé par ailleurs qu’on ne saurait invoquer l’article 8 pour se plaindre d’une atteinte à sa réputation qui résulterait de manière prévisible de ses propres actions, telle une infraction pénale.
§ 42 Le deuxième aspect de la protection de la présomption d'innocence entre en jeu lorsque la procédure pénale se termine par un résultat autre qu'une condamnation. Dans de tels cas, la présomption d'innocence permet déjà, par l'application au procès des différentes exigences inhérentes à la garantie procédurale qu'elle offre, d'éviter qu'une condamnation pénale inéquitable ne soit prononcée. Sans protection pour assurer le respect de l'acquittement ou de la décision de classement sans suite (discontinuation decision) dans toute autre procédure, les garanties de procès équitable de l'article 6-2 risquent de devenir théoriques et illusoires (voir Allen, précité, § 94). La Cour a estimé qu'"après l'abandon des poursuites pénales, la présomption d'innocence exige que l'absence de condamnation pénale soit préservée dans toute autre procédure, quelle qu'en soit la nature" (voir Allen, précité, § 102). Ce qui est également en jeu une fois la procédure pénale terminée, c'est la réputation de la personne et la manière dont elle est perçue par le public. Dans une certaine mesure, la protection offerte par l'article 6-2 à cet égard peut recouper la protection offerte par l'article 8.
En particulier, l’État défendeur a-t-il respecté ses obligations positives visant à garantir aux requérants le droit au respect de leur « vie privée », au sens de l’article 8 de la Convention ?
En outre, les juridictions internes ont-elles effectué, dans leurs décisions, une mise en balance adéquate, dans le respect des critères établis par la jurisprudence de la Cour, entre le droit des requérants au respect de leur vie privée et le droit des parties adverses à la liberté d’expression (voir, Von Hannover (no 2) [GC], nos 40660/08 et 60641/08, §§ 108-113, CEDH 2012, Axel Springer AG, précité, §§ 89-95, et Bédat c. Suisse [GC], no 56925/08, §§ 52-54, ECHR 2016) ?
RÉFÉRENCES :
Van Hannover c Allemagne [GC] (non violation 8-1)
§§ 108-113 S’agissant de la mise
en balance du droit à la liberté d’expression et du droit au respect de
la vie privée, les critères se dégageant de la jurisprudence qui
s’avèrent pertinents en l’espèce sont énumérés ci-après.
Un premier élément essentiel est la contribution que la parution de
photos ou d’articles dans la presse apporte à un débat d’intérêt général. La définition de ce qui fait l’objet de l’intérêt
général dépend des circonstances de l’affaire. La Cour estime néanmoins
utile de rappeler qu’elle a reconnu l’existence d’un tel intérêt non
seulement lorsque la publication portait sur des questions politiques ou
sur des crimes commis, mais également lorsqu’elle concernait des questions relatives au sport ou aux artistes de la scène. En revanche, les éventuels problèmes conjugaux d’un
président de la République ou les difficultés financières d’un chanteur
célèbre n’ont pas été considérés comme relevant d’un débat d’intérêt
général.
α) La contribution à un débat d’intérêt général
β) La notoriété de la personne visée et l’objet du reportage
Le rôle ou la fonction de la personne visée et la nature de l’activité faisant l’objet du reportage et/ou de la photo constituent un autre critère important, en lien avec le précédent. Il s’agit de distinguer ici entre des personnes privées et des personnes agissant dans un contexte public, en tant que personnalités politiques ou personnes publiques. Ainsi, alors qu’une personne privée inconnue du public peut prétendre à une protection particulière de son droit à la vie privée, il n’en va pas de même des personnes publiques. On ne saurait en effet assimiler un reportage relatant des faits susceptibles de contribuer à un débat dans une société démocratique, au sujet de personnalités politiques, à raison de l’exercice de leurs fonctions officielles par exemple, à un reportage sur les détails de la vie privée d’une personne ne remplissant pas de telles fonctions.
Si, dans le premier cas, le rôle de la presse correspond à sa fonction de «chien de garde» chargé, dans une démocratie, de communiquer des idées et des informations sur des questions d’intérêt public, ce rôle paraît moins important dans le second cas. De même, si dans des circonstances particulières, le droit du public d’être informé peut même porter sur des aspects de la vie privée de personnes publiques, notamment lorsqu’il s’agit de personnalités politiques, cela n’est pas le cas, même si les personnes visées jouissent d’une certaine notoriété, lorsque les photos publiées et les commentaires les accompagnant se rapportent exclusivement à des détails de leur vie privée et ont pour seul but de satisfaire la curiosité d’un certain public à cet égard. Dans ce dernier cas, la liberté d’expression appelle une interprétation moins large.
γ) Le comportement antérieur de la personne concernée
Le comportement de la personne concernée avant la publication du reportage ou le fait que la photo litigieuse et les informations y afférentes ont déjà été publiés auparavant figurent également au nombre des éléments à prendre en compte. Toutefois, le seul fait d’avoir coopéré avec la presse antérieurement n’est pas de nature à priver l’intéressé de toute protection contre la publication du reportage ou de la photo en cause.
δ) Le contenu, la forme et les répercussions de la publication
De même, peuvent entrer en ligne de compte la façon dont un reportage ou une photo sont publiés et la manière dont la personne visée y est représentée. En outre, l’ampleur de la diffusion du reportage et de la photo peut, elle aussi, revêtir une importance, selon qu’il s’agit d’un journal à tirage national ou local, important ou faible.
ε) Les circonstances de la prise des photos
Enfin, la Cour a déjà jugé que l’on ne peut faire abstraction du contexte et des circonstances dans lesquels les photos publiées ont été prises. A cet égard, il importe d’examiner la question de savoir si la personne visée a donné son consentement à la prise et à la publication des photos ou si celles-ci ont été faites à son insu ou à l’aide de manœuvres frauduleuses. Il convient également d’avoir égard à la nature ou à la gravité de l’intrusion et des répercussions de la publication de la photo pour la personne visée. En effet, pour une personne privée inconnue du public, la publication d’une photo peut s’analyser en une ingérence plus substantielle qu’un reportage écrit.
§§ 89-95 S’agissant de la mise en balance du droit à la liberté d’expression et du droit au respect de la vie privée, les critères se dégageant de la jurisprudence qui s’avèrent pertinents en l’espèce sont énumérés ci-après.
α) La contribution à un débat d’intérêt général (idem Von Hannover)
β) La notoriété de la personne visée et l’objet du reportage (idem Von Hannover)
γ) Le comportement antérieur de la personne concernée (idem Van Hannover)
δ) Le mode d’obtention des informations et leur véracité
Le mode d’obtention des informations et leur véracité jouent, eux aussi, un rôle important. La Cour a déjà jugé, en effet, que la garantie que l’article 10 offre aux journalistes, en ce qui concerne les comptes rendus sur des questions d’intérêt général, est subordonnée à la condition que les intéressés agissent de bonne foi sur la base de faits exacts et fournissent des informations « fiables et précises » dans le respect de la déontologie journalistique.
ε) Le contenu, la forme et les répercussions de la publication (idem Van Hannover)
ζ) La gravité de la sanction imposée
Enfin, il faut avoir égard à la nature et à la gravité des sanctions infligées s’agissant d’apprécier la proportionnalité d’une ingérence dans l’exercice de la liberté d’expression.
§§ 52-54 Par ailleurs, lorsqu’elle est appelée à se prononcer sur un conflit entre deux droits également protégés par la Convention, la Cour doit effectuer une mise en balance des intérêts en jeu. L’issue de la requête ne saurait en principe varier selon qu’elle a été portée devant elle, sous l’angle de l’article 8 de la Convention, par la personne faisant l’objet de l’article litigieux ou, sous l’angle de l’article 10, par l’auteur de cet article. En effet, ces droits méritent a priori un égal respect. Dès lors, la marge d’appréciation devrait en principe être la même dans les deux cas.
La Cour considère qu’un raisonnement analogue doit s’appliquer dans la mise en balance des droits garantis, respectivement, par les articles 10 et 6-1.
Enfin, la Cour rappelle qu’il convient de tenir compte de l’équilibre à ménager entre les divers intérêts en jeu. Grâce à leurs contacts directs et constants avec les réalités du pays, les cours et tribunaux d’un État se trouvent souvent mieux placés que le juge international pour préciser où se situe, à un moment donné, le juste équilibre à ménager. C’est pourquoi, sur le terrain de l’article 10 de la Convention, les États contractants disposent d’une certaine marge d’appréciation pour juger de la nécessité et de l’ampleur d’une ingérence dans la liberté d’expression protégée par cette disposition, en particulier lorsqu’il s’agit de mettre en balance des intérêts privés en conflit.
Si la mise en balance par les autorités nationales s’est faite dans le respect des critères établis par la jurisprudence de la Cour, il faut des raisons sérieuses pour que celle-ci substitue son avis à celui des juridictions internes.
2. La présomption d’innocence garantie par l’article 6-2 de la Convention a-t-elle été respectée en l’espèce eu égard à la motivation contenue dans les décisions rendues, les 31 janvier et 21 mars 2017, par la Cour suprême (voir, Allen c. Royaume-Uni [GC], no 25424/09, § 94, CEDH 2013) ?
Allen c Uk [GC] (non violation 6-2)
§ 94 Compte tenu toutefois de la nécessité de veiller à ce que le droit garanti par l’article 6-2 soit concret et effectif, la présomption d’innocence revêt aussi un autre aspect. Son but général, dans le cadre de ce second volet, est d’empêcher que des individus qui ont bénéficié d’un acquittement ou d’un abandon des poursuites soient traités par des agents ou autorités publics comme s’ils étaient en fait coupables de l’infraction qui leur avait été imputée. Dans de telles situations, la présomption d’innocence a déjà permis – par l’application lors du procès des diverses exigences inhérentes à la garantie procédurale qu’elle offre – d’empêcher que soit prononcée une condamnation pénale injuste. Sans protection destinée à faire respecter dans toute procédure ultérieure un acquittement ou une décision d’abandon des poursuites, les garanties d’un procès équitable énoncées à l’article 6-2 risqueraient de devenir théoriques et illusoires. Ce qui est également en jeu une fois la procédure pénale achevée, c’est la réputation de l’intéressé et la manière dont celui-ci est perçu par le public. Dans une certaine mesure, la protection offerte par l’article 6-2 à cet égard peut recouvrir celle qu’apporte l’article 8.
Information aux requérants : Procédure après la communication d’une requête – phase contentieuse
En général, toute requête se prête à un examen en même temps de la recevabilité et du fond, conformément aux articles 29 § 1 de la Convention et 54A du règlement de la Cour. En pareil cas, lorsque la Cour juge ces requêtes recevables et en état d’être examinées au fond, elle peut adopter immédiatement un arrêt conformément à l’article 54A § 2 de son règlement.
Le gouvernement défendeur est normalement invité à soumettre ses observations dans un délai de douze semaines. Une fois reçues, ces observations vous sont envoyées pour que vous présentiez des observations écrites en réponse, en principe avec vos éventuelles demandes de satisfaction équitable au titre de l’article 41, dans un délai de six semaines. Dans les cas où le Gouvernement est autorisé à soumettre ses observations dans sa langue nationale (article 34 § 4 a) du règlement), il doit par la suite fournir à la Cour une traduction en français ou en anglais dans un délai de quatre semaines. Ces délais ne seront normalement pas étendus.
Les observations déposées en dehors du délai fixé par la Cour sans qu’une prorogation n’ait été demandée avant l’expiration de ce délai ne seront en principe pas versées au dossier et ne seront pas prises en compte (article 38 § 1 du règlement). Cela ne doit cependant pas vous empêcher d’informer la Cour, de votre propre chef, de tout développement important concernant votre affaire, et de lui faire parvenir toute décision complémentaire pertinente des autorités nationales.
À ce stade de la procédure, aux termes de l’article 34 § 3 du règlement, toutes communications avec le requérant ou son représentant doivent normalement se faire dans l’une des langues officielles de la Cour, le français ou l’anglais. Toutefois, la Cour peut donner l’autorisation de continuer à employer la langue officielle d’une Partie contractante.
Si vous êtes ressortissant d’un État contractant autre que l’État défendeur, le gouvernement de cet État tiers sera invité à prendre part à la procédure (articles 36 § 1 de la Convention et 44 du règlement). Vous serez alors informé de la réaction du gouvernement de votre pays.
Axel Springer AG c. Allemagne [GC] - FEV 2012
Liberté d'expression v Respect de la vie privée art 10 v art 8La société requérante édite un quotidien national à grand tirage qui, en septembre 2004, publia à sa une un article concernant l’arrestation pour possession de cocaïne d’un acteur de télévision connu à la fête de la bière de Munich. Cet article était suivi d’un autre article plus détaillé publié en pages intérieures et était assorti de trois photographies de l’acteur en question. Aussitôt après la parution du premier article, une ordonnance interdisant toute nouvelle publication de l’article et des photographies l’accompagnant fut prononcée à la demande de l’acteur. L’interdiction de publier l’article fut confirmée en appel en juin 2005 (la société requérante ne contesta pas l’interdiction pour autant qu’elle concernait les photographies). En novembre 2005, le tribunal interdit toute nouvelle publication de la quasi-totalité de l’article et infligea à la société requérante une pénalité conventionnelle qui fut ramenée à 1 000 EUR en appel.
Les deux affaires portaient sur les griefs des requérants, fondés sur l’article 6 § 2 (présomption d’innocence), selon lesquels ils s’étaient vu refuser une indemnité de l’État pour le meurtre de leurs proches par des groupes terroristes. La Cour juge que la disposition de la Convention invoquée par les requérants (article 6 § 2) ne s’applique pas aux cas d’espèce. Elle ne voit en particulier aucun lien entre les accusations pénales qui avaient pu être formulées en Espagne contre les proches des requérants pour appartenance à l’ETA et les décisions des autorités administratives et juridictionnelles refusant d’allouer aux requérants une indemnité supplémentaire pour le décès de leurs proches.
Les requérants dans ces deux affaires sont dix ressortissants espagnols, dont trois résident à Bilbao, deux à San Sebastian et deux à Urretxu, un à Ascain (France), un à Olazagutia et un à Zestoa. La liste complète des requérants figure dans les décisions publiées dans la base de données HUDOC de la Cour.
Décision de la Cour - Article 6-2
La Cour joint les requêtes dans les deux affaires en raison de la similitude de leur objet.
Le Gouvernement avançait que les proches des requérants n’avaient jamais fait l’objet d’une procédure pénale en Espagne et que leur éventuelle responsabilité pénale s’était éteinte avec leur décès. Il plaidait que tout ce que les autorités et juridictions avaient dû faire pour trancher la question de l’indemnisation avait été d’examiner si les conditions légales étaient réunies pour accorder aux requérants une indemnité supplémentaire pour le décès de leurs proches, et en particulier vérifier si lesdits proches avaient été membres de l’ETA et si la disposition pertinente de la Convention européenne relative au dédommagement des victimes d’infractions violentes pouvait leur être appliquée.
La Cour dit que les requérants dans ces deux requêtes n’ont pas démontré le lien nécessaire entre l’enquête pénale dirigée contre leurs proches, puis abandonnée, et la procédure d’indemnisation, ce qui signifie que l’article 6-2 n’est pas applicable à cette dernière. Les requêtes doivent donc être déclarées irrecevables pour incompatibilité avec les dispositions de la Convention
Von Hannover (no 2) [GC] c Allemagne GC = Grande Chambre
Roselyne Letteron ; Il est vrai qu'il n'est pas tout à fait impossible d'invoquer la liberté d'expression pour justifier une atteinte au droit à l'image. La Cour européenne, en particulier, admet assez largement que l'image des personnes célèbres, même captée dans des circonstances privées, soit diffusée dans la presse, lorsque l'objet de cette diffusion est de participer à "un débat d'ordre général". Dans un arrêt, d'ailleurs très discutable, Van Hannover c. Allemagne du 7 février 2012, la Cour considère ainsi que la diffusion de photos du prince Rainier de Monaco, prises à son insu dans un cadre privé, n'emporte pas violation de l'article 8 de la Convention, puisque le journal se borne à verser une pièce à un débat public portant sur la santé du prince.
La Cour européenne au secours de la presse people
La Cour européenne des droits de l'homme vient de rendre, le 7 février 2012, deux décisions consacrées à cet équilibre toujours si difficile à réaliser entre la liberté de presse et le droit au respect de la vie privée.
L'abri de la vie privée
Le premier conduit à s'interroger sur les conditions de divulgation des informations ou des images contestées. Lorsque cette divulgation a lieu à l'insu de la personne, l'atteinte à la vie privée est clairement établie. Dès 1855, le tribunal civil de la Seine avait ainsi jugé "qu'un artiste n'a pas le droit d'exposer un portrait, même au Salon des Beaux-Arts, sans le consentement et surtout contre la volonté de la personne représentée". Il avait alors interdit en référé l'exposition du portrait de la directrice des Soeurs de la Providence. Ce principe repose aujourd'hui sur l'article 9 du code civil ou sur l'article 226-1 du code pénal, selon la voie de droit choisie par le requérant.
Le second critère est plus délicat car il relève d'une appréciation largement psychologique. La victime avait-elle le sentiment d'être à l'abri des regards lorsque la photo a été prise ? Avait elle fait l'effort de cacher aux regards indiscrets les informations confidentielles divulguées ? L'espace privé est, par hypothèse, celui où la personne se sent à l'abri et c'est lui qu'il convient de protéger.
Ces deux critères ne sont pas ignorés de la Cour européenne qui les mentionne dans ses décisions. La première décision Von Hannover de 2004 reposait d'ailleurs entièrement sur le fait que les photos dont les requérants contestaient la publication avaient été prises "de manière clandestine, à une distance de plusieurs centaines de mètres, probablement d'une maison avoisinante". Les requérants étaient alors victimes d'une ingérence dans leur vie privée, alors même qu'ils bénéficiaient d'une "espérance légitime" de pouvoir vivre à l'abri, dans un espace purement privé. L'espace de la vie privée est donc finalement celui où l'on peut espérer être tranquille.
Le critère de "l'intérêt général" au secours de la presse people
Sur ces poins, les décisions de la Cour européenne rejoignent totalement la jurisprudence française. Il n'en est pas tout à fait de même pour le critère de "l'intérêt général" mis cette fois en avant par la Cour. Dans l'affaire Axel Springer, elle considère que le récit et les photos de l'arrestation d'un acteur célèbre présentent un "certain intérêt général", dès lors qu'il s'agit de rendre compte d'une affaire judiciaire déjà rapportée par le bureau du procureur. Dans l'affaire Von Hannover, les photos de la famille princière en vacances aux sports d'hiver constituent une "contribution à un débat d'intérêt général", dès lors que la presse se posait des questions sur l'état de santé du prince Rainier de Monaco.
Ce critère suscite un certain malaise. Est-il désormais suffisant d'invoquer l'intérêt général pour pouvoir étaler dans les journaux l'état de santé d'une personne ou nuire définitivement à sa réputation, alors même qu'arrêtée, elle demeure juridiquement innocente ? En tout cas, cette appréciation de "l'intérêt général" permet de faire prévaloir la liberté de presse sur la vie privée dans pratiquement tous les cas de figure.
Pour le moment, les juges français n'ont pas repris ce critère, et on ne peut que s'en réjouir. Il se situe en effet dans la droite ligne d'une jurisprudence très influencée par une conception anglo-saxonne de la liberté d'expression, extrêmement compréhensive à l'égard des atteintes à la vie privée des personnes célèbres. La prolifération des journaux "people" et autres tabloïds en est d'ailleurs la meilleure illustration, hélas.
Références :
Article 10-1 Liberté de communiquer des informations - Liberté de recevoir des informations
Condamnation d’un journaliste pour la publication d’informations couvertes par le secret de l’instruction: non-violation
En fait–
Le 15 octobre 2003, le requérant, journaliste, fit paraître dans un hebdomadaire un article qui concernait une procédure pénale dirigée contre un automobiliste placé en détention préventive pour avoir foncé sur des piétons, tuant trois personnes et blessant huit autres avant de se jeter du pont de Lausanne. L’article dressait le portrait du prévenu, présentait un résumé des questions des policiers et du juge d’instruction, ainsi que les réponses du prévenu, et était accompagné de plusieurs photographies des lettres qu’il avait adressées au juge d’instruction. Cet article comportait également un bref résumé des déclarations de l’épouse et du médecin traitant du prévenu. Le journaliste fit l’objet de poursuites pénales d’office pour avoir publié des documents secrets. En juin 2004, le juge d’instruction le condamna à un mois de prison avec sursis. Puis le tribunal de police remplaça sa condamnation par une amende de 4000 francs suisses (CHF –environ 2667EUR). Les recours du requérant contre sa condamnation n’aboutirent pas.
Par un arrêt du 1erjuillet 2014 (voir la Note d’information176), une chambre de la Cour a conclu par quatre voix contre trois à la violation de l’article10 car la condamnation du requérant au paiement d’une amende, en raison de l’utilisation et de la reproduction d’éléments du dossier d’instruction dans son article, ne répondait pas à «un besoin social impérieux». Si les motifs de la condamnation étaient «pertinents», ils n’étaient pas «suffisants» pour justifier une telle ingérence dans le droit à liberté d’expression du requérant.
Le 17 novembre 2014, l’affaire a été renvoyée devant la Grande Chambre à la demande du Gouvernement.
En droit– Article 10
La condamnation du requérant a constitué une ingérence, prévue par la loi, dans l’exercice par lui du droit à la liberté d’expression garanti par l’article 10 §1 de la Convention. La mesure incriminée poursuivait des buts légitimes, à savoir empêcher «la divulgation d’informations confidentielles», garantir «l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire» et «la protection de la réputation (et) des droits d’autrui».
Le droit du requérant d’informer le public et le droit du public de recevoir des informations se heurtent à des intérêts publics et privés de même importance, protégés par l’interdiction de divulguer des informations couvertes par le secret de l’instruction. Ces intérêts sont: l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire, l’effectivité de l’enquête pénale et le droit du prévenu à la présomption d’innocence et à la protection de sa vie privée. La Cour estime nécessaire de préciser les critères*devant guider les autorités nationales des États parties à la Convention dans la mise en balance de ces intérêts et donc dans l’appréciation du caractère «nécessaire» de l’ingérence s’agissant des affaires de violation du secret de l’instruction par un journaliste.
a)La manière dont le requérant est entré en possession des informations litigieuses–S’il n’a pas été allégué que le requérant se serait procuré les informations litigieuses de manière illicite, en tant que journaliste de profession, il ne pouvait pas ignorer le caractère confidentiel des informations qu’il s’apprêtait à publier.
b)La teneur de l’article litigieux–Même si l’article litigieux n’exprimait aucune position quant au caractère intentionnel de l’acte dont été accusé le prévenu, il traçait néanmoins de ce dernier un portrait très négatif, sur un ton presque moqueur. Les titres utilisés par le requérant ainsi que la photo en gros plan du prévenu, publiée en grand format, ne laissent aucun doute quant à l’approche sensationnaliste que le requérant avait entendu donner à son article. Par ailleurs, l’article mettait en exergue la vacuité des déclarations du prévenu et ses contradictions, qualifiées parfois explicitement de «mensonges à répétition», pour en conclure, sur le mode interrogatif, que par «ce mélange de naïveté et d’arrogance», le prévenu faisait «tout pour se rendre indéfendable». Ces questions faisaient précisément partie de celles que les autorités judiciaires étaient appelées à trancher, tant au stade de l’instruction qu’à celui du jugement.
c)La contribution de l’article litigieux à un débat d’intérêt général–Le sujet à l’origine de l’article, à savoir l’enquête pénale ouverte sur le drame du Grand-Pont de Lausanne, relevait de l’intérêtgénéral. Cet incident, tout à fait exceptionnel, avait suscité une très grande émotion au sein de la population et les autorités judiciaires elles-mêmes avaient jugé opportun de tenir la presse et le public informés de certains aspects de l’enquête en cours.
Toutefois, la question qui se pose est celle de savoir si le contenu de l’article et, en particulier, les informations qui étaient couvertes par le secret de l’instruction étaient de nature à nourrir le débat public sur le sujet en question ou simplement à satisfaire la curiosité d’un certain public sur les détails de la vie strictement privée du prévenu.
À cet égard, après un examen approfondi du contenu de l’article, de la nature des informations qui y étaient contenues et des circonstances entourant l’affaire, le Tribunal fédéral, dans un arrêt longuement motivé et qui ne révèle aucune trace d’arbitraire, a considéré que ni la divulgation des procès-verbaux d’audition ni celle des lettres adressées par le prévenu au juge d’instruction n’avaient apporté un éclairage pertinent pour le débat public et que l’intérêt du public relevait en l’espèce «tout au plus de la satisfaction d’une curiosité malsaine».
De son côté, le requérant n’a pas démontré en quoi la publication des procès-verbaux d’audition, desdéclarations de la femme et du médecin du prévenu, ainsi que des lettres que le prévenu avait adressées au juge d’instruction et qui portaient sur des questions anodines concernant le quotidien de sa vie en détention était de nature à nourrir un éventuel débat public sur l’enquête en cours.
Dès lors, la Cour n’aperçoit aucune raison sérieuse de substituer son propre avis à celui du Tribunal fédéral, juridiction qui bénéficiait en la matière d’une certaine marge d’appréciation.
d)L’influence de l’article litigieux sur la conduite de la procédure pénale–Tout en soulignant que les droits garantis, respectivement, par l’article10 et par l’article 6 §1 méritent a prioriun égal respect, il est légitime de vouloir accorder une protection particulière au secret de l’instruction compte tenu de l’enjeu d’une procédure pénale, tant pour l’administration de la justice que pour le droit au respect de la présomption d’innocence des personnes mises en examen. Le secret de l’instruction sert à protéger, d’une part, les intérêts de l’action pénale, en prévenant les risques de collusion ainsi que le danger de disparition et d’altération des moyens de preuve et, d’autre part, les intérêts du prévenu, notamment sous l’angle de la présomption d’innocence et, plus généralement, de ses relations et intérêts personnels. Il est en outre justifié par la nécessité de protéger le processus de formation de l’opinion et de prise de décision du pouvoir judiciaire.
Bien que l’article litigieux ne privilégiât pas ouvertement la thèse d’un acte intentionnel, il était néanmoins orienté de manière à tracer du prévenu un portrait très négatif, mettant en exergue certains aspects troublants de sa personnalité et concluant que celui-ci «faisait tout pour se rendre indéfendable».
Force est de constater que la publication d’un article orienté de telle manière, à un moment où l’instruction était encore ouverte, comportait en soi un risque d’influer d’une manière ou d’une autre sur la suite de la procédure, que ce soit le travail du juge d’instruction, les décisions des représentants du prévenu, les positions des parties civiles ou la sérénité de la juridiction appelée à juger la cause, indépendamment de la composition d’une telle juridiction.
On ne saurait attendre d’un gouvernement qu’il apporte la preuve, a posteriori, que ce type de publication a eu une influence réelle sur les suites de la procédure. Le risque d’influence sur la procédure justifie en soi que des mesures dissuasives, telles qu’une interdiction de divulgation d’informations secrètes, soient adoptées par les autorités nationales.
La légalité de ces mesures en droit interne ainsi que leur compatibilité avec les exigences de la Convention doivent pouvoir être appréciées au moment où les mesures sont prises et non, comme soutient lerequérant, à la lumière de faits ultérieurs révélateurs de l’impact réel de ces publications sur le procès, telle la composition de la formation de jugement.
C’est donc à juste titre que le Tribunal fédéral, dans son arrêt du 29avril 2008, a considéré que les procès-verbaux d’interrogatoire et la correspondance du prévenu avaient fait «l’objet d’exégèses sur la place publique, hors contexte, au risque d’influencer le processus des décisions du juge d’instruction et, plus tard, de l’autorité de jugement».
e)L’atteinte à la vie privée du prévenu–La procédure pénale diligentée contre le requérant par les autorités cantonales de poursuite s’inscrivait dans le cadre de l’obligation positive de protéger la vie privée du prévenu qui incombait à la Suisse envertu de l’article8 de la Convention.
Par ailleurs, les informations divulguées par le requérant étaient de nature très personnelle, et même médicale, et incluaient notamment des déclarations du médecin traitant du prévenu, ainsi que des lettres adressées par ce dernier, depuis son lieu de détention, au juge d’instruction chargé de l’affaire. Ce type d’information appelait le plus haut degré de protection sous l’angle de l’article8; ce constat est d’autant plus important que le prévenu n’était pas connu du public et que le simple fait qu’il se trouvait au centre d’une enquête pénale, certes pour des faits très graves, n’impliquait pas qu’on l’assimile à un personnage public qui se met volontairement sur le devant de la scène.
Au moment de la publication de l’article litigieux, le prévenu se trouvait en détention, et donc dans une situation de vulnérabilité. Par ailleurs, rien dans le dossier n’indique qu’il était informé de la parution de l’article et de la nature des informations qui y figuraient. Au surplus, il souffrait vraisemblablement de troubles psychiques, ce qui accentuait sa vulnérabilité. Dans ces conditions, on ne saurait reprocher aux autorités cantonales d’avoir considéré que, pour remplir leur obligation positive de protéger le droit du prévenu au respect de sa vie privée, elles ne pouvaient se contenter d’attendre que celui-ci eût pris lui-même l’initiative d’intenter une action civile contre le requérant et d’avoir par conséquent opté pour une démarche active, fût-elle de nature pénale.
f)La proportionnalité de la sanction prononcée–Le recours à la voie pénale ainsi que la sanction infligée au requérant n’ont pas constitué une ingérence disproportionnée dans l’exercice de son droit à la liberté d’expression. Le requérant fut condamné initialement à un mois de prison avec sursis. Cette peine fut ensuite commuée en une amende de 4000 CHF, somme qui fut fixéeen tenant compte des antécédents judiciaires du requérant et qui ne fut pas déboursée par le requérant lui-même mais avancée par son employeur. Cette sanction punissait la violation du secret d’une instruction pénale et protégeait en l’occurrence le bon fonctionnement de la justice ainsi que les droits du prévenu à un procès équitable et au respect de sa vie privée.
Dans ces conditions, on ne saurait considérer qu’une telle sanction risquait d’avoir un effet dissuasif sur l’exercice de la liberté d’expression du requérant ou de tout autre journaliste souhaitant informer le public au sujet d’une procédure pénale en cours.
Conclusion: non-violation (quinze voix contre deux).
Allen c. Royaume-Uni [GC] - 25424/09
Article 6-2 Présomption d'innocence
Refus d’indemnisation à la suite de l’annulation de la condamnation pénale de la requérante : non-violation
En fait –
En septembre 2000, la requérante fut déclarée coupable d’homicide involontaire sur la personne de son bébé. La condamnation reposait sur des témoignages d’experts médicaux, qui avaient estimé que les lésions subies par le petit garçon étaient compatibles avec le « syndrome du bébé secoué », aussi appelé « traumatisme crânien non accidentel » (TCNA). Dans le cadre de l’appel interjeté par elle, la requérante argua que de nouveaux éléments médicaux semblaient indiquer que les lésions pouvaient être attribuées à une autre cause qu’un TCNA. En juillet 2005, la Cour d’appel (chambre criminelle – « la CA-CC ») annula la condamnation au motif qu’elle ne reposait pas sur des bases solides, après avoir conclu que les éléments nouveaux auraient pu influer sur la décision du jury de prononcer une condamnation. Le parquet ne demanda pas le réexamen de l’affaire, compte tenu du fait que la requérante avait déjà purgé sa peine et qu’un laps de temps considérable s’était écoulé.
La requérante saisit le ministre de l’Intérieur sur le fondement de l’article 133 de la loi de 1988 sur la justice pénale, qui dispose qu’une indemnité est versée à la personne qui, après avoir fait l’objet d’une condamnation pénale, a ultérieurement vu annuler cette condamnation parce qu’un fait nouveau ou nouvellement révélé montre au-delà de tout doute raisonnable qu’il s’est produit une erreur judiciaire. Cette demande fut rejetée. Une demande de contrôle juridictionnel de cette décision fut rejetée par la High Court, laquelle conclut que la CA-CC s’était bornée à dire que les éléments nouveaux, combinés avec les éléments soumis lors du procès, « [avaient] fait surgir la possibilité » qu’un jury « [aurait] peut-être [été] fondé à prononcer un acquittement ». La requérante interjeta appel mais fut déboutée par la Cour d’appel, qui estima que l’acquittement « ne [signifiait] en rien » qu’il ne subsistait plus de charges contre l’intéressée, de sorte que le critère de l’« erreur judiciaire » n’était pas rempli.
Dans sa requête auprès de la Cour européenne, la requérante alléguait que les motifs exposés dans la décision de ne pas l’indemniser avaient porté atteinte à son droit à la présomption d’innocence.En droit – Article 6-2
a) Etendue de l’affaire – La question qui se pose à la Cour n’est pas de savoir si le refus d’indemnisation a en soi emporté violation du droit de la requérante à être présumée innocente (l’article 6 § 2 ne garantit pas à une personne acquittée un droit à réparation pour une erreur judiciaire), mais si la décision négative litigieuse, notamment sa motivation et les termes employés, était compatible avec la présomption d’innocence.
b) Applicabilité – L’article 6 § 2 comporte deux aspects. Le premier impose certaines exigences procédurales dans le cadre du procès pénal lui-même (concernant notamment la charge de la preuve, les présomptions de fait et de droit, et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination). Le second aspect, celui qui est pertinent dans la cause de la requérante, a pour but d’empêcher que des individus qui ont bénéficié d’un acquittement ou d’un abandon des poursuites soient traités par des agents ou autorités publics comme s’ils étaient en fait coupables. Lorsqu’une procédure pénale est close, une personne qui souhaite invoquer l’article 6 § 2 dans une procédure ultérieure doit montrer l’existence d’un lien entre les deux procédures. Pareil lien peut être présent, par exemple, lorsque l’action ultérieure nécessite l’examen de l’issue de la procédure pénale et, en particulier, lorsqu’elle oblige la juridiction concernée à analyser le jugement pénal, à se livrer à une étude ou à une évaluation des éléments de preuve versés au dossier pénal, à porter une appréciation sur la participation du requérant à l’un ou à l’ensemble des événements ayant conduit à l’inculpation, ou à formuler des commentaires sur les indications qui continuent de suggérer une éventuelle culpabilité de l’intéressé. Le lien requis était présent dans cette affaire, dès lors que le droit d’engager une action en indemnisation découlait de l’acquittement de la requérante à l’issue de la procédure pénale ; de plus, le ministre et les juridictions concernées, lorsqu’ils ont adopté et contrôlé la décision relative à l’indemnisation, ont dû tenir compte de l’arrêt rendu à l’issue de l’appel en matière pénale. L’article 6 § 2 trouve donc à s’appliquer.
Conclusion : exception préliminaire rejetée (unanimité).
c) Fond – Il n’existe pas une manière unique de déterminer les circonstances dans lesquelles il y a violation de l’article 6 § 2 dans le contexte d’une procédure postérieure à la clôture d’une procédure pénale. Les choses dépendent largement de la nature et du contexte de la procédure dans le cadre de laquelle la décision litigieuse a été adoptée. Dans tous les cas cependant, et indépendamment de l’approche adoptée, les termes employés par l’autorité qui statue revêtent une importance cruciale lorsqu’il s’agit d’apprécier la compatibilité avec l’article 6 § 2 de la décision et du raisonnement suivi.
Concernant la nature et le contexte de la procédure conduite dans la cause de la requérante, la Cour observe que l’acquittement de celle-ci n’était pas à proprement parler un acquittement « sur le fond ». Bien qu’il s’agisse formellement d’un acquittement, l’issue qu’a connue la procédure pénale dirigée contre la requérante rapproche celle-ci des affaires où il y a eu abandon des poursuites.
La Cour relève par ailleurs que des critères spécifiques doivent être remplis en vertu de l’article 133 de la loi de 1988 pour qu’il y ait un droit à indemnisation : il faut que le demandeur ait été condamné, qu’il ait subi une peine à raison de cette condamnation et qu’un appel tardif ait été accueilli au motif qu’un fait nouveau montre au-delà de tout doute raisonnable qu’il s’est produit une erreur judiciaire. Ces critères, en dehors de quelques différences linguistiques mineures, correspondent à ceux de l’article 3 du Protocole no 7, lequel doit pouvoir s’interpréter de manière compatible avec l’article 6 § 2 de la Convention. Rien dans ces critères ne remet en question l’innocence d’une personne acquittée, et la législation elle-même n’exige aucune appréciation de la culpabilité pénale de l’intéressée.
En ce qui concerne les termes employés par les juridictions nationales, la Cour estime que, considérés dans le cadre de l’exercice auquel celles-ci avaient été appelées à se livrer en vertu de l’article 133 de la loi de 1988, ils n’ont pas remis en cause l’acquittement de la requérante ou constitué un traitement incompatible avec l’innocence de l’intéressée. En recherchant s’il s’était ou non produit une « erreur judiciaire », les juridictions n’ont pas formulé de commentaires sur la question de savoir, sur la base des éléments connus lors de la procédure d’appel, si la requérante devait être acquittée ou condamnée, ou s’il était probable qu’elle le fût. De même, elles n’ont pas émis de remarques sur le point de savoir si les éléments de preuve allaient dans le sens de la culpabilité de la requérante ou plutôt dans celui de son innocence. En fait, elles ont invariablement répété que, si un réexamen de l’affaire avait été ordonné, la tâche d’apprécier les éléments nouveaux serait revenue à un jury.
De plus, d’après le droit anglais de la procédure pénale, c’est au jury qu’il incombe, dans un procès sur acte d’accusation, d’évaluer les éléments à charge et de statuer sur la culpabilité de l’accusé. Le rôle de la CA-CC dans la cause de la requérante a consisté à rechercher si la condamnation reposait ou non sur des « bases solides », et non à se substituer au jury pour déterminer, au vu des éléments désormais disponibles, si la culpabilité de l’intéressée avait été établie au-delà de tout doute raisonnable. La décision de ne pas ordonner un réexamen de l’affaire a épargné à la requérante le stress et l’anxiété que lui aurait causés un autre procès. L’intéressée n’a du reste pas plaidé que l’affaire aurait dû être réexaminée. La High Court et la Cour d’appel se sont l’une et l’autre amplement référées à l’arrêt de la CA-CC pour rechercher s’il s’était produit une erreur judiciaire, et aucune des deux n’a cherché à formuler de conclusions autonomes sur le dénouement de l’affaire. Ces juridictions n’ont pas remis en question la conclusion de la CA-CC selon laquelle la condamnation ne reposait pas sur des bases solides ; elles n’ont pas non plus laissé entendre que la CA-CC avait mal apprécié les éléments portés à sa connaissance. Elles ont accepté tels quels les constats de la CA-CC et se sont appuyées sur ceux-ci, sans les modifier ni les réévaluer, pour déterminer si les critères posés à l’article 133 étaient remplis.
Conclusion : non-violation (unanimité).
La procédure peut alors se dérouler en deux phases consécutives. Durant la phase non contentieuse, les parties sont invitées à explorer les possibilités d’un règlement amiable, dans un délai de 12 semaines. Si elles ne parviennent pas à un accord, la procédure entre dans une phase contentieuse durant laquelle les parties échangent leurs observations.
L'affaire Larrañaga contre Espagne a été rejetée avant l'audience et ne constitue donc PAS un précédent pouvant être utilisé dans une argumentation juridique.
Axel Springer s'est prononcé en faveur de la liberté de publication.
Von Hannover a également statué en faveur de la publication au motif que les von Hannover (famille royale de Monaco) recherchent la publicité et ne peuvent donc pas se plaindre soudainement de l'intrusion de la presse (comme les McCann ? ? ? ?).
Bedat a perdu sur un point technique et a dû payer 40 euros.
Allen, l'affaire britannique, est importante. Elle a été reconnue coupable, emprisonnée, puis le verdict a été annulé lorsque de nouvelles preuves ont été découvertes. Le DPP a décidé de ne pas engager de nouvelles poursuites parce qu'elle avait déjà fait de la prison et que cela n'en valait tout simplement pas la peine. Elle a demandé réparation, affirmant que l'absence de poursuites prouvait son INNOCENCE. La CEDH a estimé que ce n'était pas le cas.
La Cour suprême a examiné cette affaire (Allen) en détail, et a montré comment elle se rapportait aux McCanns, puis a poursuivi en disant que le classement de l'affaire n'indiquait PAS leur innocence. Seulement qu'il n'y avait pas assez de preuves pour les poursuivre, ce qui n'est pas la même chose.