Citation

"Grâce à la liberté dans les communications, des groupes d’hommes de même nature pourront se réunir et fonder des communautés. Les nations seront dépassées" - Friedrich Nietzsche (Fragments posthumes XIII-883)

16 - AVR 19 - Arrêt Cour d'appel de Lx (1)







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Kate MC, Gerald MC, Madeleine MC, Sean MC et Amelie MC, les trois derniers, mineurs,  représentés par leurs parents, premiers requérants, ont intenté contre Gonçalo Amaral, la maison d'édition Guerra e Paz, la société d'audiovisuel Valentim de Carvalho et la chaîne TVI, des actions en justice selon la forme ordinaire, postérieurement rattachées à la 1ère Chambre civile de Lisbonne, demandant la condamnation du premier défendeur à payer aux requérants la somme totale de 1.200.000 euros, plus les intérêts au taux légal depuis l'assignation, à titre d'indemnisation pour les dommages moraux découlant de la publication par le premier défendeur en livre et en DVD de sa version des faits liés à la disparition de la mineure Madeleine MC, troisième requérante, et l'interdiction de vente, de publication ou de divulgation, par tous les défendeurs, du livre et du DVD en question.

Tous les défendeurs ont contesté, rejetant la responsabilité qui leur était imputée et concluant que l'action était irrecevable.

La sentence émise après jugement a considéré que l'assignation en justice était en partie recevable, condamnant le premier défendeur à payer à chacun des deux premiers requérants la somme de 250.000 euros, plus les intérêts légaux, et interdisant aux trois premiers défendeurs de procéder à la vente et à une nouvelle édition du livre et du DVD ainsi qu'à céder les droits d'auteur associés, absolvant ces défendeurs des autres requêtes des requérants et le quatrième défendeur de la totalité des requêtes.

Insatisfaits, les trois défendeurs (désormais la partie appelante vs les deux McCann, la partie intimée (1)) ont effectué un recours en appel dont l'argumentation se conclut de la manière résumée suivante :


Allégations de l'appelant Gonçalo Amaral



– Le livre, le documentaire et l'entretien en cause dans les autos ont comme principale motivation la défense de l'honneur personnel et professionnel de Gonçalo Amaral.
– L'écriture et la publication du livre, comme le documentaire et l'entretien mentionnés, ont été réalisés à l'abri des droits constitutionnellement garantis par la Convention européenne sur les Droits de l'Homme et par la Constitution de la République portugaise, précisément dans les articles 37 et 38.
– Ces droits ne peuvent en aucune manière être évincés en invoquant quelque obligation spéciale de réserve affectant l'appelant au motif qu'il a été inspecteur de la police judiciaire, comme il apparaît dans la décision de première instance.
– Les contenus respectifs (du livre, du DVD, de l'entretien) n'offensent aucun des droits fondamentaux des requérants,

- quant à leur vie privée, tels que les articles 80 et 81 du CC (Code Civil) les définissent et en décrivent les effets, dans la mesure où ce sont eux-mêmes qui, volontairement, ont limité/aliéné ce droit en multipliant les interviews et les interventions dans les organes de la communication sociale.
- quant, de la même manière, à leur image et leur réputation, en mettant l'affaire sur la place publique et en lui donnant une notoriété au niveau mondial, ouvrant ainsi toutes les portes à toutes les opinions, même aux opinions adverses.
- quant, encore, à toutes les garanties de la procédure pénale, en particulier à une enquête juste et au droit à la liberté et à la sûreté (2), dans la mesure où le contenu du livre, du documentaire et de l'entretien décrivent les faits figurant dans l'enquête.

– Ces données, au reste, ont été mises à la disposition du public en général par le Ministère public, qui en a fait effectuer une copie digitale, à l'exception de documents ne pouvant être rendus publics, et remettre un exemplaire à diverses personnes qui en feraient la demande, notamment à des journalistes.
– Il faut donc prendre en compte la divulgation sur le Toile du contenu de la copie digitale, contenu qui fut universellement l'objet de commentaires et de discussions publiques.
– Il n'existe aucun devoir de réserve qui puisse être imposé au défendeur à propos de faits qui ont été divulgués et rendus publics, en particulier l'enquête criminelle dans sa totalité.

(1) Il semble que les 3 enfants McCann, boutés en première instance, n'ont pas fait appel.
(2) Il n'est pas inutile de rappeler la distinction entre les concepts de sûreté et de sécurité. Le principe de sûreté vise à protéger l'individu contre l'État (il est une sorte d'Habeas Corpus : on ne peut être arrêté ou détenu qu'en vertu d'une loi), alors que le concept de sécurité (qui accuse une nette montée en puissance) n'a pas de valeur constitutionnelle (ce qui ne signifie pas que le loi ne doive pas le prendre en compte). La sécurité se réfère à tous les éléments en place pour prévenir les événements accidentels et donc involontaires, tandis que la sûreté renvoie aux actes de malveillance et donc volontaires (un vol dans un supermarché relève de la sûreté alors que les moyens de lutte contre l'incendie tiennent à la sécurité).

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– Une fois inexistant le devoir de réserve, la liberté d'expression du défendeur l'emporte et prévaut sur les droits invoqués par les requérants, comme l'observe le tribunal de première instance avant d'introduire l'inusité devoir de réserve.
– L'acte du défendeur mis en cause n'est donc pas illicite, selon les termes et les effets de l'article 483 du CC, et il ne peut donc 
. être condamné à payer quelque indemnité que ce soit, devant être entièrement exonéré de la requête formulée par les requérants.
. ni davantage empêché de publier, vendre et divulguer le livre et le DVD mentionnés.

– On remarquera que, selon les termes de la même norme, outre l'absence d'éléments illicites, il faudrait, pour fonder la requête d'indemnisation civile, apporter la preuve d'un lien de causalité entre le comportement du défendeur et les dommages, dignes de mention, soufferts par les requérants, ce qui, si nous nous reportons aux réponses données dans les articles 11 à 16 de la base de l'instruction, aussi bien qu'aux motivations respectives, est totalement exclu.
– Il faut encore prendre en considération le fait que les affirmations contenues dans ces articles se présentent plutôt comme des conclusions et non comme des faits devant figurer dans la base de l'instruction.
– Ces conclusions ne sont fondées sur aucun élément factuel, soit présent dans la base de l'instruction, soit rapporté dans l'exposition des requérants.
– Au cas où cependant, raisonnant par l'absurde, on considérait comme tels (dommages  factuels allégués, méritant protection et causés d'une manière ou d'une autre par le livre et par le DVD) les contenus des articles 13 à 15 de la base de l'instruction – rien d'autre n'ayant été prouvé à titre de dommage -, tout se passe comme si ceux-ci n'étaient pas exacts.
– Pour apprécier cette inexactitude, et dans la mesure où l'ici appelant (GA) entend que de tels "faits" soient infirmés, il suffira de ré-évaluer les témoignages enregistrés, autrement dit la déposition respectives des témoins Michael Terence Wright, Alan Robert Pike et Angus Keith McBride.
– Ces dépositions prouvent que, avant la publication du livre et du documentaire en cause et au vu et au su des requérants, des théories et des thèses identiques à celles du défendeur circulaient publiquement, en particulier sur le Web.
– De sorte que, et en considérant comme vrais les sentiments donnés comme prouvés dans la matière factuelle ici en cause, qu'ils soient de rage, de désespoir, d'angoisse, de mal-être ou d'inquiétude, en particulier quant à ce que les enfants pourraient venir à penser, la vérité est que les raisons de tout cela existaient avant toute intervention du défendeur, ici appelant.
– On peut en dire de même des insomnies et du manque d'appétit.
– La Cour devra apprécier le fait que les témoins sont tous des proches des requérants (membres de leur famille, leur psychologue et leur avocat) et que, notoirement, ils finissent toujours dans leurs déclarations par essayer de minimiser les thèses antérieures au livre et au documentaire et, naturellement, à survaloriser l'impact de ces dernières sur l'état d'esprit des requérants.
– En particulier dans le cas du témoin M. T. Wright, qui était chargé d'accompagner les requérants, après la disparition de la mineure MMC, dans la divulgation de campagnes et la surveillance de certains sites et de l'information véhiculée par le Web.
– Ce témoin qui, dans le cadre de l'analyse sommaire et critique des principales dépositions de témoins, a été discrédité par le Tribunal (et avec raison) parce qu'il consultait des notes manuscrites où figuraient, en ordre et dans une séquence chronologique quasiment parfaite, les topiques des réponses aux questions posées lors de l'audience finale.
– En revanche, il faut faire état spécialement des déclarations de ce témoin, quand il admet, évidemment contrarié, que bien avant la publication du livre et du documentaire circulaient des thèses adverses au couple MC – contre le défendeur; ici appelant –.
– Tout cela sans se départir d'affirmer qu'il est incompréhensible que La Cour n'ait pas, dans la sentence en appel, déclaré comme non prouvés les faits ici réfutés, alors que, comme on peut le voir dans la motivation associée à la réponse à l'article 13 de la base de l'instruction, elle a conclu expressément :

Art. 13° - La réponse au contenu des articles 12° et 13° ne peut pas s'affranchir de l'assertion (élémentaire du point de vue des principes de l'expérience commune) que, plus que toute théorie ou opinion sur les causes de la disparition de MMC, c'est le fait de sa disparition qui domine, avec des effets négatifs, l'état émotionnel/psychologique des requérants, ses parents. Cet état émotionnel négatif est pré-existant au livre, au documentaire et à l'entretien en cause et ne doit pas être confondu avec les effets psychologiques spécifiques  de ces derniers.

– De telle sorte que, en décidant dans le sens où elle a décidé, la sentence en appel a pris un risque d'inconstitutionnalité flagrante, par violation substantielle de l'article 37 de la CRP (Constitution de la République portugaise) et de l'article 10 de la Convention européenne sur les Droits de l'Homme, contrecarrant frontalement la jurisprudence dominante de la CEDH (Cour européenne des Droits de l'Homme) dans ce domaine.
Les conditions pour les condamnations en cause ne sont remplies ni en termes d'existence et d'application des droits des requérants, ni en termes de préjudices graves et/ou de menace de préjudices, lesquels, même s'ils existaient – et ils n'existent pas – ne l'emporteraient jamais sur le droit à l'opinion et à la liberté d'expression du défendeur.
– De surcroît, la sentence en appel viole l'article 483 du CC, dans la mesure où les actes de l'appelant (GA) n'ont été la cause d'aucun dommage pour les requérants.
Il s'ensuit qu'il convient de casser la sentence en appel, totalement injustifiée faute de preuve, et de relaxer le défendeur/appelant en ce qui concerne la totalité des exigences formulées contre lui, le droit constitutionnel à l'opinion et à la liberté d'expression devant lui être reconnu. 


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Allégations des appelants Guerra e Paz Editores SA et Valentim de Carvalho... SA



– Nous sommes dans un État de droit démocratique, fondé sur le pluralisme de l'expression, qui garantit la liberté de pensée et sa libre divulgation, outre le fait que nous devons tous contribuer à l'enrichissement de la culture par la publication de livres et de documentaires.
– Il est indiscutable que les requérants ont acquis notoriété et célébrité au Portugal et dans le monde entier, il n'est donc pas soutenable qu'ils se laissent interviewer par les organes de la communication sociale de les interviewer, et jusque dans l'intimité de leur foyer, lorsque cela leur convient, et qu'ils interdisent ensuite la publication de livres ou de commentaires, même sur des faits publics, s'ils jugent que ceux-ci peuvent leur être défavorables.

– Ainsi la sphère de la vie privée des requérants, tant par leur notoriété que par leur choix, ne peut qu'être considérée comme réduite, en particulier selon les termes et effets de l'article 80-2 du CC (Code Civil).

– Les autos actuels sont constitués de deux actions autonomes : une action déclarative de condamnation intentée contre le défendeur GA, lui demandant en particulier de payer aux requérants une indemnisation d'un montant de 1.200.000 euros ; et une action annexe où, sur la base des mêmes faits et fondements, les requérants ont demandé que divers défendeurs soient condamnés quant aux conduites mentionnées aux points I à VII de la sentence.

– La sentence en appel considère comme pertinent d'analyser si le livre écrit par le co-défendeur GA, le documentaire et l'entretien sont illicites/anti-juridiques selon les termes de l'article 484 du CC, s'il y a eu dommage, quel est le montant de l'indemnisation et si les demandes formulées dans l'action annexe sont adéquates au retrait des effets illicites commis.

– Les appelants considèrent qu'il ne leur appartient pas d'assurer la défense du co-défendeur GA, mais que la manière dont est construite la sentence les y oblige.

– L'auteur du livre Maddie, a Verdade da Mentira ("Maddie, l'enquête interdite"), le co-défendeur GA, a coordonné l'investigation criminelle sur la disparition de MMC, ayant fait l'objet, de la part des requérants, d'attaques personnelles et professionnelles, dans la presse nationale et dans la presse étrangère.

– Il s'ensuit que le livre doit être analysé aussi comme l'exercice légitime du co-défendeur GA dans la défense de son honneur et d'une réputation mise à mal par les requérants.

– Le point 43 des faits prouvés, dans la sentence en appel, se réfère à une déclaration de l'appelant VCF (Valentim de Carvalho Filmes) : Le mystère persiste, l'ex-inspecteur croit qu'un jour on saura la vérité. En attendant nous savons seulement que, le 3 mai 2007, MMC a disparu à Praia da Luz. Elle avait 3 ans et était une enfant heureuse.

– La sentence en appel analyse les devoirs de réserve auxquels un inspecteur est tenu, mais ces devoirs n'existent que pour les fonctionnaires en service, ce qui n'était pas le cas du co-défendeur GA.

– Toutefois, sans en faire abstraction, la violation du devoir de réserve n'est pas susceptible à offenser la réputation des requérants, le bien juridique qui protège étant l'administration de la justice.

– La sentence en appel a consigné que, dans le type de résolution du conflit entre droits, se révèle l'illégalité de la conduite du co-défendeur GA eu égard à l'article 484 du CC, ce qui ne surprend pas.

– Selon l'article 334 du CC, seul est illégitime l'exercice d'un droit quand son titulaire outrepasse manifestement les limites de la bonne-foi, ce qui n'a pas été le cas.

– Le conflit des droits doit être résolu en accord avec les présupposés prévus dans l'article 335 du CC et on ne peut pas, à travers leur résolution, juger de l’illégitimité d'une conduite.

– Il en résulte que la sentence proférée ne mentionne l'illégalité d'aucun fait pratiqué par le co-défendeur GA, ce qui la frappe de nullité, selon l'article 615-1 d) du CPC (Code de Procédure Civile).

– Il en est de même des présupposés restants, énumérés à l'article 483 du CC, qui n'ont pas été analysés en ce qui concerne le co-défendeur GA. A encore moins été analysé le lien de causalité entre les déclarations du co-défendeur GA dans son livre et le documentaire et les dommages que les requérants sont censés avoir subis, car tout cela est dispersé dans le temps.

– N'a pas été pondérée la question de savoir si les dommages que les requérants sont censés avoir subis résultent de manière directe et nécessaire des déclarations du co-défendeur GA dans son livre et le documentaire et non des faits qui y sont relatés, autrement dit de la disparition de MMC, du fait qu'ils ont été constitués témoins assistés (arguidos), faisant pour cette raison l'objet de nouvelles défavorables, nationalement et internationalement.

– Ces faits étant publics et notoires, ils ne manquent pas d'argumentation ou de preuve, selon les termes de l'article 412-1 du CPC, mais même ainsi ils ont été allégués par les requérants.

– Face aux faits donnés comme non prouvés sur les points j) et k) et à la valeur que les tribunaux attribuent au dommage lié à la mort, il est injuste d'attribuer une indemnisation de la valeur totale demandée par les requérants, ne serait-ce que du point de vue de la situation économique des personnes lésées et de la personne lésant.

– Seulement dans la quatrième partie de la sentence sont indiquées les diverses demandes formulées par la partie intimée dans l'action annexe.



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– Est en cause dans les autos présents le livre "Maddie, l'enquête interdite", écrit par le co-défendant GA et publié par Guerra & Paz – points 16 à 22 des faits prouvés – dont le contrat d'édition a été célébré avec l'appelant GA le 10/3/2008, la publication datant du 24/7 de la même année.
– L'appelant VCF a célébré avec le co-défendeur GA un accord écrit, dénommé "option de droits – deal memo" le 7/3/2008, en vue de l'adaptation audiovisuelle d'un livre consacré à l'enquête sur la disparition de MMC à PDL – point 35 des faits prouvés de la sentence en appel, concrétisé quant au livre en cause dans les dates et termes évoqués aux points 36 à 38 des faits prouvés.
– Dans les termes de l'article 5-1 du CPC, c'est aux parties qu'il appartient d'alléguer les faits essentiels constituant la cause de la demande, mais le juge n'est pas sujet aux allégations des parties, quant à l'investigation, l'interprétation et l'application des règles de droit, conformément à ce que stipule le 5-3.
– La demande initiale qui a donné origine à l'action actuelle, pour ce qui est des appelants, ne contient pas de faits répondant aux présupposés énumérés à l'article 70-2 du CC.
– Un tel dispositif légal prévoit que la personne menacée ou offensée peut requérir les mesures adéquates aux circonstances de l'affaire, en vue d'éviter l'exécution de la menace ou d'atténuer les effets de l'offense déjà commise.
– Le livre en question a été publié par d'autres maisons d'édition, dans divers pays – point 28 des faits prouvés.
– Sans l'autorisation des appelants, une version anglaise et une version portugaise du livre en cause dans les faits prouvés circulent sur la Toile.
– Par ailleurs, le Ministère public de Portimão a fait exécuter une copie digitale du dossier de l'enquête et l'a remise sur demande, la copie finissant pas être divulguée sur le Web – points 65 et 66 des faits prouvés.
– Les faits liés à l'enquête criminelle sur la disparition de MMC, auxquels GA se réfère dans le livre, dans l'entretien pour le journal  Correio da Manhã et dans le documentaire sont, majoritairement, des faits survenus et documentés dans cette enquête (articles 27 et 28 de la base de l'instruction) – article 80 des faits prouvés.
– Autrement dit, malgré les interdits décrétés et sans que les appelants puissent l'éviter, le livre en version portugaise et en version anglaise, comme le documentaire, circulent sur le Web de manière illicite et contre la volonté des détenteurs des droits de publication et de transmission. Il en va de même pour tout le dossier de l'enquête sur la disparition de MMC.
– Il a été considéré comme non prouvé le fait que, en raison des affirmations du défendeur GA dans le livre, le documentaire et l'entretien accordé au Correio da  Manhã, les requérants se trouvent complètement détruits du point de vue moral, social, éthique, sentimental, familial, très au-delà de la douleur causée par l'absence de leur fille – point j) des faits non prouvés dans la sentence en appel.
– Enfin, pour l'application des mesures réclamées, la sentence en appel a considéré que les 3 défendeurs se sont constitués comme véhicules de l'acte illicite commis par le défendeur GA, de sorte qu'ils sont sujets passifs des mesures qui, à l'abri de l'article 70-2 du CC, doivent être ordonnées, et indique qu'il importe d'analyser en détails chacune des mesures réclamées et de vérifier, cas par cas, si elles sont légales, adéquates et proportionnées au cas concret et qui en sont les destinataires.
– Ce qui est sûr, c'est que la sentence en appel n'a pas analysé ces mesures ni ne leur a donné de fondement, en fait ou en droit, conformément à ce que prévoit l'article 158 du CPC, ce qui frappe la sentence de nullité, selon les termes de l'article 615-1 b) du CPC.
– Et ainsi, sans aucun fondement, il a été déterminé que l'interdiction de vente et l'ordre de recueil des livres, à remettre aux requérants, consacrent les attributs invoqués et doivent être adressés aux défendeurs GA et Guerra & Paz.
– L'interdiction d'exécution de nouvelles éditions du livre ou du DVD, comme de cession des droits de publication et d'auteur est adéquate, devant être adressée au défendeur GA et aux appelants.
– Or, dans le cas concret, à la suite du référé qui détermina une partie des mesures maintenant décrétées, il avait éconsidéré en appel que 
"il ne fallait pas décréter de référé pour appréhender le livre, le livre ayant pour motivation principale la défense de l'honorabilité personnelle de l'inspecteur de police chargé de l'enquête d'un crime déterminé, où celui-ci expose son interprétation des données recueillies lors de l'enquête et rendues publiques par les entités compétentes, sachant que les requérants ont limité volontairement leur droit à la vie privée lorsqu'ils ont divulgué profusément l'affaire à travers les médias" – 14.10.2010.
– Face à ces faits donnés comme prouvés aux points 30 et 63, les mesures décrétées sont inadéquates et n'atténuent pas les effets de l'offense supposée.
– La fixation de la sanction financière obligée à 50.000 euros est également sans fondement, et est excessive et disproportionnée.


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  • La sentence souffre de nullité selon les termes des alinéas b) et d) de l'article 615-1 du CPC et doit être révoquée, les appelants devant être acquittés des mesures décrétées, avec toutes les conséquences légales.
  • Et parce que la décision proférée a violé, nommément, les articles 37, 38 et 42 de la CRP , 5, 158 et 615 du CPC, 334 et 335 du CC et l'article 19 de la Déclaration des Droits de l'Homme.


Contre-alléguant, la partie intimée s'est prononcée pour la confirmation de la sentence.
Une fois réunis les visas légaux, décider s'impose.

 


2. En première instance, ont été donnés comme prouvés les faits suivants :

  • 1. Les requérants Kate et Gerald McCann sont mariés l'un avec l'autre (al.A).
  • 2. La requérante Madeleine McCann est née le 12.5.2003, fille de KMC et GMC (al.B).
  • 3. Le requérant Sean McCann est né le 1/2/2005, fils de KMC et GMC (al.C).
  • 4. La requérante Amelie McCann est née le 1/2/3005, fille de KMC et GMC (al.D).
  • 5. La requérante MMC a disparu depuis le 3/5/2007, donnant lieu à l'enquête criminelle n° 201/07.0GALGS, ouverte par le Procureur de la République de Portimão (al.E).
  • 6. Les chiens de la police britannique Eddie et Keela ont détecté des odeurs de sang humain et de cadavre dans l'appartement 5A de l'Ocean Club (al.AR).
  • 7. Les chiens de la police britannique Eddie et Keela ont détecté des odeurs de sang humain et de cadavre dans le véhicule automobile loué par les requérants KMC et GMC après la disparition de Madeleine (al.AS).
  • 8. Les requérants KMC et GMC ont été constitués témoins assistés (arguidos) dans l'enquête criminelle (al.F).
  • 9. Aux folios 2587-2602 de l'enquête criminelle, le 10/9/2007, l'inspecteur-chef Tavares de Almeida a rédigé un rapport où figure en particulier ceci :

Étant donné ce qu'on a pu établir, les faits pointent vers la mort de Madeleine McCann au cours de la soirée du 3 mai 2007, dans l'appartement 5A du complexe touristique Ocean Club de Praia da Luz occupé par le couple McCann et leurs trois enfants (feuilles 2599 des autos criminels) (...)

Eu égard à tout ce qui a été exposé, il ressort des autos que :

A) La mineure Madeleine McCann est morte dans l'appartement 5A de l'Ocean Club de Praia da Luz dans soirée du 03 mai 2007 ;

B) Une simulation de rapt a eu lieu ;

C) Afin de rendre impossible la mort de la mineure avant 22h, une surveillance des enfants du couple McCann, alors qu'ils dormaient, a été inventée ;

D) Kate et Gerald McCann sont impliqués dans le recel du cadavre de leur fille MMC ;

E) À cette date il semble qu'il n'y a pas encore d'éléments solides indiquant que la mort de la mineure n'ait pas été due à un tragique accident ;

F) Étant donné ce qu'on a pu confirmer jusqu'à présent, tout indique que le couple McCann, comme auto-défense, ne veuille pas remettre immédiatement et volontairement le cadavre et il existe une forte probabilité que celui-ci ait été enlevé de l'endroit où il avait été initialement déposé. Cette situation est susceptible de soulever des questions quant aux circonstances dans lesquelles a eu lieu la mort de la mineure.

Ainsi nous suggérons que soient remis les autos au Procureur de la République de Lagos en vue de :

G) Un éventuel nouveau interrogatoire des témoins assistés KMC et GMC ;

H) Évaluer l'application de la mesure d'astreinte jugée adéquate à l'affaire (folios 2601 des autos criminels). (al.AT).

  • 10. Au folio 2680 de l'enquête criminelle, le 10/9/2007, le Procureur de la République titulaire de l'enquête a proféré un arrêté dans lequel figure en particulier ceci :

Au cours de l'enquête dont continue de faire l'objet la disparition de Madeleine McCann, la procédure étant donc ouverte soit pour confirmer, soit pour infirmer que l’occurrence de la disparition est liée aux crimes d'enlèvement, d'homicide, d'exposition ou d'abandon et de recel de cadavre, et en conformité avec le plan établi, le besoin s'est fait sentir de réunir des informations sur l'heure réelle de la disparition en question, de vérifier la localisation de chacun des intervenants – du couple McCann au groupe d'amis avec qui ils étaient en vacances dans les appartements touristiques de l'Ocean Club de Praia da Luz, soit Jane Michelle Tanner, Russell James O'Brien, Matthew David Oldfield, Rachael Jean Mampilly, David Anthony Payne, Fiona Elaine Payne et Diana Webster – au moment des faits et dans les moments qui suivirent, et de déterminer les mouvements des témoins assistés Gerald McCann et Kate Healy pendant leur séjour au Portugal, en établissant aussi des connexions entre tous les intervenants et les tiers.


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En ce sens et parce que les recherches suivantes qui s'imposent sont essentielles pour la découverte de la vérité, en particulier l'analyse des informations sur les échanges téléphoniques du couple McCann et de leurs amis, et d'autres numéros de téléphone, qui se sont montrés liés aux faits survenus dans la soirée du 3 mai 2007, les autos sont remis au juge d'instruction criminelle (JIC). (al.AU).
  • 11. Au folio 3170 de l'enquête criminelle, le 3/12/2007, le JIC de Portimão a émis un arrêté dans lequel figure en particulier ceci :

Du fait que dans ces autos fait l'objet d'une investigation la pratique des crimes d'enlèvement, d'homicide, d'exposition ou d'abandon et de recel de cadavre, les trois premiers étant punis d'une peine de prison supérieure à 3 ans et du fait qu'apparaît pertinente l'identification de la personne qui a exhibé un comportement suspect aux abords de l'endroit où a disparu l'enfant, auquel font allusion les dépositions des folios 3150 et 3154 et sq, les données sollicitées par le Ministère public présentant ainsi une extrême importance pour la découverte de la vérité, j'ordonne (...) que soit sollicitée l'opérateur de télécommunications Portugal Telecom (...) (al.AU).

  • 12. Le défendeur Gonçalo Amaral a été, jusqu'au 2/10/2007, l'inspecteur de PJ chargé de la coordination de l'enquête sur la disparition de la requérante Madeleine MC (al.G).
  • 13. Le défendeur GA est retraité de la PJ depuis le 1/7/2008 (art.19).
  • 14. Le 21/7/2008, le Procureur Général de la République a fait savoir à travers une "note pour la communication sociale" qu'avait été décidé le classement de l'enquête mentionnée en 5. et que celle-ci pourrait venir à être ouverte à nouveau à l'instigation du Ministère Public ou à la requête de quelque personne intéressée, si de nouveaux éléments de preuve surgissaient, suscitant des recherches sérieuses, pertinentes et conséquentes (art. 20).
  • 15. Dans l'arrêté de classement concernant l'enquête criminelle, émis le 21/7/2008 par le Procureur de la République, figure en particulier ceci :

Étant donné que certains points, dans les dépositions des témoins assistés et des témoins, révélaient, au moins apparemment, des contradictions ou manquaient de corroboration physique, il a été décidé de de mettre sur pied la "reconstitution des faits", procédure envisagée à l'article 150 du CPC, afin de clarifier dûment et sur les lieux mêmes des faits quelques détails d'extrême importance, entre autres :

1) la proximité physique, réelle et effective, entre Jane Tanner, Gerald McCann et Jeremy Wilkins au moment où la première est passée à côté des deux autres, moment qui a coïncidé avec l'observation du supposé suspect, portant un enfant. Dans notre perspective il est étrange que ni GMC ni JW n'aient vu ni JT ni le supposé ravisseur, en dépit de l’exiguïté de l'espace où ils se trouvaient et de la tranquillité des lieux.

2. La situation concernant la fenêtre de la chambre où Madeleine dormait avec ses frère et sœur, que sa mère dit avoir trouvée ouverte. Il nous a semblé nécessaire d'établir la présence d'un courant d'air puisque KMC mentionne un mouvement des rideaux et une pression sur la porte de la chambre qu'une reconstitution pourrait éventuellement confirmer.
3. La construction d'une chronologie des rondes de nuit destinées à vérifier le sommeil des mineurs laissés seuls dans les appartements, étant donné que, si ces rondes étaient aussi rapprochées que les témoins et les témoins assistés le disent, il aurait été très difficile pour un ravisseur de réunir les conditions d'intrusion dans la résidence et de sortie avec un enfant, en particulier par une fenêtre à largeur réduite. Il faut ajouter que le supposé ravisseur ne pouvait passer par cette fenêtre qu'en tenant l'enfant dans une position différente (verticale) de celle décrite par Jane T (horizontale).
4. Ce qui s'est passé dans le laps de temps entre 18h45/19h, où Madeleine a été vue pour la dernière fois dans l'appartement par quelqu'un qui n'était pas de sa famille, et environ 22h, lorsque KMC a rapporté la disparition.
5. L'appréciation immédiate des indices ou, en d'autres termes, la mise en oeuvre du principe de contiguïté des éléments probants présente des avantages évidents et reconnus pour la formation d'une conviction, aussi solide que possible, sur ce qu'ont vu Jane Tanner et les autres et pour l'éventuelle extinction, une fois pour toutes, de quelque doute qui puisse subsister sur l'innocence des parents de l'enfant disparue.
Pour ce faire et conformément aux normes et conventions en vigueur, des procédures juridiques ont été engagées et, la présence des témoins étant requise, ceux-ci ont été invités à participer, en appelant aussi à l'esprit de solidarité avec le couple McCann, puisqu'ils s'étaient montrés d'emblée mus par ce principe.

Bien que les autorités nationales se soient engagées à rendre viable leur déplacement au Portugal, et pour des motifs inconnus après dissipation de tous les doutes soulevés sur la nécessité et l'opportunité d'un tel déplacement, les témoins ont choisi de ne pas participer, ce qui a rendu la reconstitution impraticable.
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Nous pensons que c'est aux MC que le plus grand dommage a été causé car ils ont perdu la possibilité de prouver ce qu'ils ont affirmé depuis qu'ils sont devenus témoins assistés (arguidos) : leur innocence par rapport à ce drame fatal. Par ailleurs l'enquête a souffert de la non-clarification de certains faits (...).
Ceci (le fait que, selon PF, un enfant, possiblement Madeleine, a pleuré pendant plus d'une heure, le 1er mai) montre que les parents n'étaient pas continuellement préoccupés par leurs enfants, qu'ils n'allaient pas vérifier (qu'ils dormaient) comme plus tard ils ont déclaré l'avoir fait, mais qu'ils ont négligé, bien que sans témérité ni grossièreté, leur devoir de protection vis-à-vis de leurs enfants (...)

Si le fait que Madeleine a disparu de l'appartement 5A de l'Ocean Club est incontournable, on ne peut pas en dire autant de la façon et des circonstances dans lesquelles cette disparition a eu lieu, malgré les innombrables recherches entreprises dans cette intention ; l'éventail des crimes envisagés eu égard aux indices existants et évoqués au cours de l'enquête se maintient donc inaltéré (...)

Quant aux conjectures concernant d'autres crimes (autres que celui d'abandon), elles ne sont que cela ; bien qu’en raison de son haut degré de probabilité, l'occurrence d'un l'homicide ne puisse être écartée, elle ne peut être qu'une simple supposition, du fait du manque d’éléments l'accréditant dans le dossier.

Il semble que la non-implication des parents, témoins assistés, à quelque action ressortant au pénal découle des circonstances objectives de leur non-présence dans l'appartement lorsque Madeleine a disparu, de la conduite normale qu'ils ont affichée jusqu'à la disparition de celle-ci et par la suite, comme les déclarations des témoins, l'analyse des communications téléphoniques et aussi les conclusions des analyses médico-légales – à savoir les rapports du FSS et de l'Institut national de Médecine légale – permettent amplement d'en conclure.

À cela on peut ajouter qu’aucun des indices ayant conduit à leur statut de témoins assistés n’a été ensuite réellement confirmé ou consolidé. Qu'on en juge : l'information selon laquelle les médias avaient été appelés avant la police n'a pas été confirmée, les odeurs résiduelles marquées par les chiens n'ont pas été corroborées en laboratoire et les indications initiales de l’e-mail retranscrit plus haut (il s'agit de l'analyse préliminaire de l'ADN recueilli dans la voiture de location), mieux explicitées postérieurement, ont fini par se révéler inconséquentes.

Même si on formulait l'hypothèse de la responsabilité de Gerald et Kate McCann dans la mort de l'enfant, on aurait encore à expliquer comment, où, quand, par quels moyens, avec l'aide de qui et à quel endroit ils se seraient débarrassés de son corps dans le laps de temps limité à leur disposition pour ce faire. Ajoutons que leur routine quotidienne jusqu'au 3 mai avait été circonscrite aux limites étroites du complexe Ocean Club et à la plage qui lui est adjacente, qu'ils n'avaient aucune connaissance des environs et que, hormis les amis anglais qui étaient en vacances avec eux, ils n'avaient aucun ami connu ou contact au Portugal (…)

Des tests et analyses ont été effectués dans deux des plus prestigieuses et fiables institutions spécialisées – l'Institut national de Médecine légale et le laboratoire britannique Forensic Science Service –, dont les conclusions finales n'ont ni confirmé positivement la pertinence des échantillons recueillis ni corroboré les alertes des chiens.

Il n’a pas été possible d’obtenir le moindre élément probant permettant à un homme moyen, à la lumière des critères de la logique, des normes et des principes généraux de l’expérience, de formuler une conclusion lucide, sensée, sérieuse et honnête sur les circonstances du retrait de l'enfant hors de l’appartement (morte ou vivante, victime d'un homicide par négligence ou prémédité, d’un enlèvement ciblé ou opportuniste), ni de conjecturer de manière cohérente sur son sort, ni même – et c'est le plus dramatique – d'établir si elle est encore en vie ou si, comme cela semble plus probable, elle est morte (…)

Par conséquent, après avoir vu, analysé et dûment pondéré tous les éléments, quant à ce qui a été exposé, nous avons décidé de procéder au (...) classement des autos concernant les témoins assistés Gerald Patrick McCann et Kate Marie Healy, en raison de l'absence d'indice de pratique de crime. (al.AQ)

- 16. Le défendeur Guerra&Paz SA est une société commerciale dont l'objectif est nommément l'édition, la publication et la commercialisation, importation et exportation incluses, de livres (al.L).

- 17. Le 10/03/2008, les défendeurs G&P et Gonçalo Amaral ont célébré un accord écrit (joint aux folios 277-281), dénommé "contrat de cession des droits d'auteur", dans les termes duquel le défendeur GA cède au défendeur G&P en exclusivité, pour une période de dix ans, les droits de publication du texte Maddie, a Verdade da Mentira sous la forme de livre, imprimé ou sur support électronique, dans toutes les langues et pour le monde entier (al.M).

- 18. La clause 4a-1 de cet accord est rédigée de la manière suivante :

La rétribution à payer par le premier contractant au second contractant au titre de droits d'auteur associés aux éditions de son livre, commercialisé au Portugal, sera de :
a) 12% du prix de vente de chaque exemplaire (hors taxe) jusqu'à 30.000 exemplaires vendus"
b) 14 % du prix de vente de chaque exemplaire (hors taxe) de 30.001 à 50.000 exemplaires vendus.
c) 16% du prix de vente de chaque exemplaire (hors taxe) à partir de 50.001 exemplaires vendus.
(al.N)
- 19. La clause 5a-2 de cet accord est rédigée de la manière suivante :
Si le premier contractant vend dans d'autres langues, en quelque pays de la planète, les droits de l’ouvrage, il est établi que la recette liquide de cette vente, après déduction des coûts découlant directement des opérations de transaction, sera partagée entre les premier et second contractants en parties égales, autrement dit 50% pour chacun. (al.O).

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- 20. Le défendeur Gonçalo Amaral est l'auteur du livre Maddie – A Verdade da Mentira, publié par le défendeur Guerra e Paz Editores, SA. (al.H)
 
- 21. Sur la couverture du livre figure, en rouge, le mot "confidentiel" et sur la 4ème de couverture on lit "lecture réservée" et "contient des révélations uniques". (al.P)
 
- 22. Sur la fiche technique du livre, à la page 4, figure en particulier ceci : "Révision : Fernanda Abreu. Couverture et pagination : Ilidio J. B. Vasco. Photographie de l'auteur : Sandra Sousa Santos. © Guerra e Paz, Editores, SA, 2008. Tous droits réservés. © Cofina media pour les photographies et les infogravures. Infogravures élaborées par Nuno Costa". (al.Q)
 
23. Du livre Maddie – A Verdade da Mentira fait partie en particulier ceci :
Prologue

Ce livre s'enracine dans le besoin que j'ai senti de restaurer ma réputation, qui a été mise à mal sur la place publique, sans que l'institution à laquelle j'ai appartenu pendant 26 ans, la police judiciaire portugaise, m'ait permis de me défendre ou de le faire institutionnellement. J'ai demandé l'autorisation de parler dans ce sens, cette demande est restée sans réponse. J'ai respecté rigoureusement les règles de la PJ et j'ai gardé le silence. Cela, cependant, a dilacéré ma dignité.
Plus tard j'ai été écarté de l'enquête. J'ai compris alors qu'était arrivée l'heure de me défendre publiquement.
Pour ce faire, j'ai immédiatement sollicité ma retraite anticipée, afin de retrouver la plénitude de ma liberté d'expression.
Ce livre a un autre objectif majeur. Celui de contribuer à la découverte de la vérité matérielle afin que justice soit faite dans une enquête connue comme l'affaire Maddie. Telles sont les valeurs fondamentales auxquelles j'ai souscrit par impératif de conscience, par conviction et par discipline vis-à-vis de l'institution à laquelle j'ai été fier d'appartenir. Ces valeurs ne s’éteindront pas avec mon départ à la retraite et continueront à être constamment présentes dans ma vie.
Ce livre ne met aucunement en cause le travail de mes collègues de la police judiciaire, ni ne compromet l'enquête en cours. Il est de mon entendement profond que la révélation, dans ce type d'ouvrage, de tous les faits pourrait compromettre de futures entreprises déterminantes pour la découverte de la vérité. Toutefois, le lecteur découvrira des données qu'il ignore, des interprétations de faits – toujours à la lumière du droit - et, naturellement, des questionnements pertinents.
Une enquête criminelle n'a d'engagement qu'avec la recherche de la vérité matérielle. Elle ne doit pas se préoccuper du politiquement correct (pp. 11-12) (…)
On a dit bien des choses jusqu'à présent – des vérités et des mensonges – et on a assisté, en dehors du devoir d'information, à des campagnes de désinformation qui visaient à discréditer l'enquête criminelle en développement et ceux qui en étaient responsables. Pour moi l'enquête cessa d'exister le 2 octobre 2007, alors qu'elle paraissait l'avoir emporté sur un nouvel ultimatum anglais, le jour même du sommet sur le Traité de Lisbonne, de sorte que rien ne m'étonnait plus. Les jours précédents j'avais assisté à un énième spectacle médiatique, un ultime forcing pour la thèse de l'enlèvement, avec la divulgation par la famille McCann d'un portrait-robot d'un ravisseur présumé. Rien ne me surprend plus.
– Ne fais pas attention. C'est le carnaval.
Nous continuâmes notre conversation de circonstance, mais je sentis que, définitivement, mon monde avait comme sombré.
Après avoir raccroché, je regardai à nouveau les amandiers, plantés dans le dur sol algarvien, un sol qui a pu avoir une influence sur la stratégie du recel de cadavre et je me suis demandé si Dieu ne s'était pas précipité en les faisant fleurir en hiver. (p.16) (...)
Une enquête destinée au classement

J'ai le pressentiment que, avec cette déclaration, le directeur national a l'intention de préparer l'opinion publique à l'inévitable, autrement dit à la fin de l'enquête et au classement du dossier. Telle semblait être la stratégie adoptée le 2 octobre 2007, celle qui se consolida avec l'exécution de tâches destinées à remplir le calendrier, un peu "pour que l'Anglais voie". (1)  Je craignis aussitôt que ne fût mise en cause l'enquête réalisée jusqu'alors, da façon à faciliter un classement éventuel. Cette enquête en était arrivée à miner l'image de la PJ, de ses inspecteurs et du Portugal, et peut-être pour cela il faudrait y mettre fin.
La constitution de Kate Healy et de Gerald McCann, parents de Madeleine, comme témoins assistés aurait dû marquer un revirement dans la relation entres les forces de police et le couple. Si, quant à la police portugaise, cette rupture se produisit, il semble qu'on ne puisse en dire autant de la police anglaise. Il y avait une entente entre les deux forces de police pour aller de l'avant dans une enquête qui envisageait sérieusement la possibilité que l'enfant soit morte dans l'appartement, mais, subitement, la police anglaise vira de bord sans explication technique cohérente – comme nous le verrons plus loin.
 (1) Ce n'est pas exactement "en mettre plein la vue", mais faire croire que les choses fonctionnent alors qu'il n'en est rien.

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